vendredi 29 novembre 2013 - par Morpheus

Agoraphobie et agoraphilie politique

Dans son livre « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », Francis Dupuis-Déri développe une terminologie éclairante, qui permet notamment de nous dépatouiller des inévitables confusions dans les débats à propos de "démocratie", "république", etc.

 

 

Il écrit : « Il n’est pas simple d’utiliser le mot "démocratie" lorsque l’on écrit son histoire, puisque son sens descriptif et normatif change à travers le temps, voir évoque des réalités contraires. Faut-il nommer "démocrates" les "fondateurs" de la démocratie moderne, représentative et libérale, même s’ils se disaient ouvertement antidémocrates ? Ainsi, James Madison en Amérique du Nord et Emmanuel Sieyès en France ont publiquement condamné la démocratie. Ils étaient ouvertement antidémocrates, c’est-à-dire contre ce que l’on appelle aujourd’hui "démocratie directe". Ils s’identifiaient à la république, soit un régime électoral. Ils avaient le même respect pour le régime électoral qu’Andrew Jackson, président des États-Unis (1829-1837), et Léon Gambetta, homme politique français influent de la deuxième moitié du XIXe s. Mais Jackson et Gambetta se disaient "démocrates", et ils appelaient "démocratie" le régime électoral que Madison et Sieyès nommaient "république". Doit-on alors étiqueter Madison et Sieyès comme "antidémocrates", et Jackson et Gambetta comme "démocrates", même si tous les quatre sont opposés à la démocratie (directe) et sont partisans du régime électoral ? Les termes "démocrates" et "antidémocrates" risquent ici d’obscurcir plutôt qu’éclairer la réflexion.

 

J’utiliserais donc agoraphobie politique plutôt que antidémocratisme pour faire référence à la peur de la démocratie directe. En psychologie, l’agoraphobie désigne une peur des foules et des vastes espaces publics. L’agoraphobie politique, pour sa part, désigne la peur de l’agora, le nom de la place publique dans les cités grecques où les citoyens s’assemblaient pour délibérer.

 

(...)

 

L’agoraphilie politique, pour sa part, désigne une forte sympathie (voire de l’amour) pour le peuple assemblé. Renversant la logique de l’agoraphobie politique, l’agoraphilie affirme que toute élite gouvernante 1) est irrationnelle, car animée pas sa passion pour le pouvoir et la gloire ; 2) démagogique ; 3) constitue une faction qui, par sa seule existence, divise la communauté entre gouvernants et gouvernés. »

 

Je trouve cette distinction très éclairante pour faciliter nos nombreux échanges agoravoxiens (notamment concernant Etienne Chouard, mais pas seulement).

 

Morpheus



419 réactions


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 14:14

      Nous achoppons de toute manière sur notre éternel sujet de "discorde", inutile d’en faire un roman. Je rappellerais simplement que la pensée politique est née en ayant la notion de justice chevillée au corps. L’autre nom de la République de Platon, c’est la Justice, qui transpire à chaque livre, et qui a vocation à réguler les rapports entre les désirs (peuple producteur-consommateur), le thumos (partie combattante, ardente) et la tête (philosophes).
      D’où les quatre vertus cardinales : la modération, la force et la sagesse, puis la justice qui les accorde.
      1. Cette tripartition est inédite chez Platon ;
      2. Tous les philosophes successifs s’en sont inspirés (et Steiner a forcément lu Platon).


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 14:34

      Je ne m’oppose pas à l’absoluité du principe de justice, je dis simplement que selon que l’on est politique ou philosophe, les perceptions changent parce que la pratique change.Vous pouvez tout de même être d’ accord avec cela non ?

      -Cette tripartition est inédite chez Platon ;

      R / Mais elle existe dans certaines sociétés très ancienne comme chez les Germains, les Iraniens, chez les indiens, chez les celtes, on ne va pas me dire que c’est parce qu’ils ont lu Platon …

      -Je rappellerais simplement que la pensée politique est née en ayant la notion de justice chevillée au corps

      R / Ce n’est pas pour pinailler Gueguen mais je crois que la philosophie politique précède les Grecs pour la simple raison que les humains n’ont pas attendu Platon pour en faire.

      Et il y’ a une distinction entre faire de la politique et la penser ! Parce que même en admettant qu’avant les Grecs, il n’y avait rien, les Égyptiens, les Assyriens, les Hittites, les Sumériens, les Chinois etc. ne les ont pas attendus pour en faire de la politique.

      Maintenant, est que finalement, tous les philosophes qui ont précédé les Grecs se sont inspirés de Platon, sans doute, peut être même Steiner que je n’ai jamais lu.

      Mais je ne parle pas d’un Steiner que je ne connais pas, je ne fais que faire fonctionner mon bon sens et je trouve que cette séparation en trois domaine est efficiente, en réalité Gaspard ne m’apprends rien, je le savais déjà mais intuitivement !


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 14:36

      Je m’essaye, suite à votre échange, à un exercice : articuler mon objectif politique selon cette définition des trois sphères, en partant de mon propre point de vue, bien sûr.
      1. Mon propos de base est que le cœur de nos problèmes est avant tout économique. L’analyse est que les problèmes de rapport de force et de comportement antisociaux sont le fruit d’une culture (sociale et économique) fondée sur la pénurie. Cette culture (gestion de la pénurie) prend sa source au néolithique, à l’aube des civilisations, et croît en complexité et en influence à mesure que la civilisation se développe, engendrant des inégalités de plus en plus grandes. En fin de compte, la dysharmonie engendrée dans les rapports humains, tant entre eux qu’avec leur environnement, aboutit à une situation désastreuse sur tous les plans : spirituel, culturel, économique.
      2. La sphère spirituelle est avant tout métaphysique, donc subjective, et repose essentiellement sur un canevas de croyances. Ces croyances sont utilisées par des institutions humaines pour servir de levier politique en orientant une population donnée dans une direction et canaliser sa pensée, donc influe sur la culture pour induire et justifier une politique économique. L’usage de mythes symboliques est au cœur de ce processus.
      3. La sphère culturelle est entièrement relative et va dépendre, pendant longtemps et presque partout, des mythes élaborés par la sphère spirituelle. Au XVIIIe s., la sphère économique renverse l’influence de la sphère spirituelle sur la sphère culturelle, pour y substituer un mythe matérialiste, qui justifie le mythe du marché sa Main Invisible.
      4. Mais le mythe de cette sphère économique, aujourd’hui dominante, est foncièrement erroné, car il repose sur un présupposé faux : la pénurie. Le système de gestion et de répartition des ressources qu’il instaure, fondé sur la monnaie, pose le principe de l’échange de surplus et la logique marchande. Je ne vais pas ici faire la démonstration de cette erreur fondamentale (mais je peux le faire si nécessaire).
      5. Au XXIe s., la situation a évolué au point que "le monde est relié" : les sociétés sont encore divisées en nations, néanmoins, les nations exploitent les ressources partout sur le globe (du moins les nations dominantes). Politiquement, d’immenses inégalités prédominent, mais techniquement, la gestion des ressources pourrait être globale. Une gestion intelligente de ces ressources, techniquement faisable, permettrait de renverser la logique de la pénurie, pour permettre une abondance effective.
      6. Le problème est que la culture dominante est parasitée par les implants (conditionnements), d’une part de l’économie de la pénurie (dominante) et d’autre part par les résidus des vieilles croyances religieuses (spiritualité dévoyée) qui s’efforce de reprendre le dessus sur la culture.
      7. Changer la culture pour lui faire adopter une vision nouvelle de l’économie représente donc une double contrainte, sinon une triple : primo, il faut lutter contre les implants de l’économie de la pénurie ; secundo, il faut lutter contre les vieilles religions (qui n’y entendent rien sur le plan économique) et tertio, il faut lutter contre l’éternelle inertie face aux changements. Il (me) faut lutter pour convaincre que la pénurie n’est pas une fatalité (ni une réalité objective) ; il me faut lutter contre les mythes religieux (inefficient sur le plan économique et politique) ; il me faut lutter contre ceux qui s’accrochent à leur pouvoir et à leur domination sur les ressources.
      8. Comme de grands changement impliquent une confrontation avec la société civil, c’est donc bien dans la sphère culturelle que se joue le principal enjeu. Si le grand nombre continue de croire, soit dans les principes de l’économie de la pénurie, soit dans l’ordre divin abstrait, il refusera de revoir ses présupposés culturels (ses croyances).
      9. Comme je ne souhaite pas élaborer une nouvelle religion, je ne peux fonder un nouveau mythe, d’autant que ce serait totalement contre-productif. Je ne me situe pas dans une démarche "new-age", même si je plaide pour un "changement d’ère" culturelle, politique et économique.
      10. Mon point de départ est donc pragmatique : le monde physique, la planète Terre. Elle n’appartient - et ne peut appartenir - à personne en particulier. Au vrai, on ne peut même pas dire qu’elle appartient à tous, car si l’on y songe, nous sommes entièrement dépendant d’Elle. En conséquence, c’est plutôt nous qui appartenons à la Terre. Nous sommes en interaction avec elle, aujourd’hui plus que jamais. Si nous ne respectons pas les principes (lois) naturelles, nous engendrons des désastres qui NOUS mettent en danger (la Terre survivra aux déséquilibres que nous engendrons, Elle a tout son temps pour s’adapter).
      11. Une bonne gestion des ressources, qui passe par une conception nécessairement égalitaire, permettra de résoudre les problèmes de répartitions des biens, et cette juste répartition règlera les problèmes sociaux principaux, notamment les rapports de force. Mais ps à court terme.
      12. Comment effectuer ces changements culturels, politiques et économiques sans heurts, sans bain de sang, sans dévoiement, sans fonder une nouvelle religion, sans générer de nouveaux rapports de force (qui ne peuvent JAMAIS produire d’équilibre) ?
      Je n’ai pas (encore) de réponse à cette question.
      Sinon l’éducation populaire.
      Je sais, c’est bien faible.
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 14:40

      Pour ce qui est de faire de la politique, ça date du premier homme, Aristote ne dit pas autre chose. Moi je vous parle de penser la politique, de la prendre comme objet de réflexion, et à l’origine de ceci, sauf erreur (mais n’hésitez pas à me le prouver), il y a Socrate, et les Grecs en général.


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 15:04

      @Gueguen

      -Pour ce qui est de faire de la politique, ça date du premier homme, Aristote ne dit pas autre chose. Moi je vous parle de penser la politique, de la prendre comme objet de réflexion

      R / Mais voilà, vous voyez bien que ce n’est pas la même activité. Celui qui la fait a besoin de celui qui la pense et celui qui la pense a besoin de celui qui la fait , les deux ont besoin de l’ agent économique et l’ agent économique a besoin des deux autres. Cela ne vous parait pas pertinent Gueguen ?

      -et à l’origine de ceci, sauf erreur (mais n’hésitez pas à me le prouver), il y a Socrate, et les Grecs en général.

      R / Les grecs n’étaient ils pas précisément allé s’instruire chez les Egyptiens  ? Et quid des civilisations de l’oralité qui n’ont pas gravé leur réflexion à ce sujet dans la roche ?

      P.S : Moprhéus je ne vous aie pas oublié un instant …


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 15:21

      Machiavel, et la démocratie, ils sont allés la chercher où, au Zanzibar ? On n’hérite pas de tout.
      Penser la politique et faire de la politique, ça va ensemble.
      De la même manière, penser l’économie et la pratiquer, ça va ensemble.
      La théorie et la pratique se répondent mutuellement.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 15:28

      Un économiste, c’est quoi ? Un pion de la sphère politique ? Économique ? Culturelle ?
      Machiavel, vous aimez la dispute pour elle-même. smiley


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 15:46

      @Morphéus

      Point 0 : C’est bien que tu admettes partir de ton point de vue, et ta nature de créature économique t’amènera à t’axer prioritairement vers la problématique économique et la gestion des ressources, tout comme ma nature de créature politique m’amènera à m’axer sur les problématiques de gestion de rapport de force et celle de Gueguen l’amèneront à s’axer sur les problématiques philosophiques en tant que créature culturelle.

      En réalité, nous n’aurions tous les trois pas totalement raison mais pas totalement tort non plus. Les sociétés sont prises dans des dynamiques holistes, et donc englobant nos différents domaines de prédilection. Il serait intéressant que nous arrivions les uns les autres à dépasser notre propre point de vue pour voir les choses globalement !

      Point 1 : C’est une approche matérialiste et économique (donc plutôt Marxiste) qui va dans le sens de mon dernier article, elle est pertinente. Moi en tant que créature politique, je te propose un autre point de vue, celle de Clastre dans « la société contre l’Etat », c’est un point de vue matérialiste mais politique. Selon cette approche, tout ne part pas des inégalités économiques mais politique. Je ne sais pas lequel des deux points de vue est le vrai (peut être les deux), mais il est intéressant d’en prendre connaissance, si tu ne peux pas lire le bouquin tout de suite je te propose une excellente critique de « la société contre l’Etat  » sur le lien.

      Point 2, 3, 4, 5,6 : on est d’ accord

      Point 7 -8 : c’ est une bonne démonstration de l’ importance de la sphère culturelle et cette sphère ne peut vraisemblablement pas changer sans les deux autres , de même changer les deux autres sans la sphère culturelle est impossible. Moi je pense qu’il faut avancer dans tous ces domaines à la fois car ils sont en connexion les uns avec les autres, mais il y’ a du boulot …

      Point 9 – 10-11 : Il est évident qu’à un moment on va buter sur des contraintes physiques dans le domaine de l’économie. Mais le problème est que la dynamique mortifère va se poursuivre malgré ces contraintes, sans changement politique et culturel … pas de bonne gestion des ressources sans insurrection des consciences et sans rapport de force avec les classes dirigeantes.

      Point 12  : C’est tout le problème. Mais je crois qu’ il ne faut pas se prendre la tête que chacun fasse de son mieux dans son domaine de prédilection , moi en ce qui concerne le politique , une constituante citoyenne , des contre pouvoirs populaires ( RIP , RR ) , un régime mixte ( régime représentatif + assemblée tirée au sort) , c’ est déjà énorme. Chouard nous a permit d’avancer sur le plan politique veste le plus difficile c.à.d. déclencher le rapport de force mettre cela en place.

      Pour ce qui est de la sphère culturelle et économique, y’ a du boulot


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 16:04

      @Gueguen

      -Machiavel, vous aimez la dispute pour elle-même. 

      Croyez moi ou pas mais j’essaie depuis le début de construire un pont entre nous. Vous voyez, je suis même prêt à croire à l’absoluité de la justice, c’est pour vous dire.

      -Penser la politique et faire de la politique, ça va ensemble.

      R /Oui ca va ensemble, je ne le conteste pas c’ est pourquoi plus haut je vous écris « Concernant l’absoluité du principe de justice, pour le politique, c’est secondaire et pour l’agent culturel, pour le philosophe c’est primordial.

      Ca montre bien que les deux ne sont pas dans la même sphère même si ils sont en interaction. Mais l’un a besoin de l’autre comme le Roi avait besoin du prêtre ».

       

      Cela va ensemble mais ce n’est pas la même activité comme je le montre avec l’ exemple de l’ import sur le revenu  : le politique qui est dans le concret et dans l’action n’a pas le temps de se poser 36 questions philosophiques  ,il a besoin d’ entrée d’argent par exemple pour augmenter le budget de la défense en prévision d’ une guerre ou pour payer des retraites , il fait face à des contraintes et à des nécessités , il va chercher l’ argent ou il se trouve alors que pour l’ agent culturel c’ est  l’ occasion de s’en remettre à la philosophie politique énonçant les principes de justice ! 

       

      Les deux sont lié et ont besoin l’un de l’autre ! Vous êtes tout de même d’ accord que malgré tout, penser et faire de la politique n’est pas la même activité ?

       

      -Un économiste, c’est quoi ? Un pion de la sphère politique ? Économique ? Culturelle ?

       

      R /Dans notre monde actuel, cette tripartition n’existe pas car l’économie a pris possession du politique et du culturel, c’est le totalitarisme marchand !

      L’économiste est un pion de ce totalitarisme, il est donc tout cela à la fois …


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 16:20

      [Il serait intéressant que nous arrivions les uns les autres à dépasser notre propre point de vue pour voir les choses globalement !]
      R/ Je crois que c’est ce que nous nous efforçons de faire en dialoguant ici, et ma fois, je trouve que, à quatre (Eric, machiavel, Gaspard et moi), nous avons avancé sur ce point.
      Je suis notamment d’accord avec machiavel sur le fait que nous devons agir sur les trois domaines respectifs, car ils sont interdépendants.
      Je rejoins également machiavel sur l’orientation politique dans le sens ou, vu le rapport de force (oligarchie 10 points, démocrates 0 points), nous devons au minimum introduire (le plus possible) de démocratie (vraie) dans le système politique. Sans cela, on ne fait que péter dans l’eau (cf. le "cause toujours" de Coluche).
      Donc, priorité = action politique (gentil virus démocratique, pour résumer).
      Néanmoins, je maintiens que même si nous parvenions (à court, moyen ou long terme) à une démocratie intégrale, si nous demeurons dans une logique d’économie de marché, nous replongerons dans d’inévitables luttes de classe.
      Donc, sur le plan culturel, mon objet est l’instauration d’une culture scientifique (en lieu et place de la culture religieuse et de la culture marchande), celle-ci pouvant répondre aux contingences matérielles indispensable à notre condition de vivants. Nous aurions intérêt à sérieusement envisager la mise en application au domaine économique et politique (au sens politeia, gestion des ressources, pas au sens politikè, gestion des rapports de force) de la méthode scientifique, encore jamais éprouvée dans ces domaines : les débats philosophiques ou théologiques n’étant que des débats d’opinions (de croyances), ils sont inappropriés pour régler les problèmes concrets (économiques) et ont montré, au bout de deux à trois mille ans, leurs faiblesses. Passons à autre chose. Devenons, au moins sur le plan matériel, un peu plus Vulcain (cf. Mr Spock). Soyons rationnels et pragmatiques et évacuons de ces questions les domaines passionnels.
      Donc, l’objet de l’action culturelle vise à renverser le paradigme économique pour qu’il passe de la gestion de la pénurie à la gestion de l’abondance.
      Quand à la spiritualité, mon expérience ne cesse de montrer qu’elle ne peut qu’être personnelle, individuelle, et différente pour chacun : il ne s’agit donc pas d’une question collective. Mais il est difficile d’expliquer ce point de vue.
      Morpheus


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 16:22

      [Dans notre monde actuel, cette tripartition n’existe pas car l’économie a pris possession du politique et du culturel, c’est le totalitarisme marchand !

      L’économiste est un pion de ce totalitarisme, il est donc tout cela à la fois …]

      100% d’accord avec ça !


  • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 12:15

    [(pour machiavel), la politique est la gestion des rapports de domination, elle est ce qui permet d’éviter les pires des maux notamment la guerre civile, l’oppression du peuples par des oligarques et surtout elle est ce qui permet l’essor d’une vie civile prospère et harmonieuse. En gros, la politique s’intéresse à la conservation de la société.
    (pour Gueguen) la politique est l’actualisation optimale du potentiel humain et l’horizon d’un perfectionnement intérieur
    .]

    Ne s’agirait-il pas des deux faces de la politique que les athéniens désignaient déjà par les termes ? :
    - Politeia = la gestion commune de la cité
    - Politikè = la gestion des rapports de force (luttes de pouvoir)
    Selon moi, la politique (que j’appelle la "vraie" politique) est principalement l’aspect "économique" : la gestion commune et en bonne intelligence des ressources dans l’intérêt commun (donc répartition équitable des ressources) visant à permettre à tous une vie pacifique et épanouissante. C’est le cœur.
    La gestion des rapports de force, sans m’apparaitre facultative (loin s’en faut !) m’apparait secondaire, pour la raison que la cause essentielle des rapports de force SONT une mauvaise répartition des ressources, qui engendrent des désordres nuisant à l’intérêt commun, à la paix et l’épanouissement au sein de la cité.
    Je comprends que machiavel considère la question des rapports de force comme centraux étant donné la forme actuelle de la politique dans nos oligarchies parlementaires, qui ne sont que rapports de force. Mais si nous ne concevons pas d’emblée une vision optimale de ce que devrait être la politique, en ne fondant notre action que sur les conditions de ce que nous voulons changer, nous perdrons inévitablement de vue notre véritable objectif, et bientôt, nous n’obtiendrons que "tout changer pour que rien ne change", car si tu ne conçois QUE des procédure pour gérer les luttes de pouvoir, machiavel, tu écarteras ou reléguera au second plan les procédures qui détermine les causes des luttes de pouvoir.
    En d’autres termes, le risque le plus évident qui m’apparait dans ta vision des choses, est que nous agirions sur les conséquences plutôt que sur les causes.
    Il me semble que nous devrions agir sur les deux plans (politeia et politikè), mais en plaçant la politeia en priorité.
    Mais je sais ce que tu vas me rétorquer (et tu n’auras pas tort) : comment pouvons-nous agir sur la politeia si nous ne changeons pas le rapport de force actuel qui nous prive de la moindre possibilité d’agir ?
    Sur ce point, je ne peux que m’incliner : tu as raison.
    Comprends donc ma crainte principale, qui est de voir s’effacer, dans l’inévitable lutte pour renverser le rapport de force, l’objectif principal de la lutte. On a déjà trop vu cela.
    Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 12:28

      Morpheus, à mes yeux, votre définition de la politique n’en est en fait qu’une partie également.
      Pour moi - et pour les Grecs, je vous l’assure ! - la politique n’est pas à notre service, la politique est constitutive de notre nature. Nous ne naissons pas individus bardés de droits mais atomes au sein d’une molécule sans laquelle nous ne serions rien. À nous de devenir individus, grâce à la politique, science de l’ordre par excellence. Nous sommes déterminés par notre condition politique, par le fait que sans le regard qu’autrui porte sur nous, nous ne sommes rien-du-tout, malgré douze comptes en Suisse. À partir du là, nous commençons toutes et tous par avoir des devoirs, on à l’égard des dirigeants, des plus riches ou je ne sais qui, mais à l’égard de la matrice. En retour, celle-ci, comme une mère nourricière, a à cœur de voir chacun de ses rejetons actualiser tout son potentiel... sans jamais que deux potentiels soient rigoureusement identiques. Autrement dit, toute idée d’égalité, en dehors de la dignité due à chacun et de l’exercice d’une loi commune, est incongrue.
      Je vous parle moi d’un holisme au servie d’un individualisme.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 12:38

      On n’est pas vraiment en désaccord, Eric. Pour moi, la matrice, c’est simplement la planète Terre : c’est d’elle que nous tirons non seulement le fait d’exister, mais également toutes les ressources pour vivre, raison pour laquelle je considère que la Terre n’appartient pas aux hommes, ce sont les hommes qui appartiennent à la Terre.
      Voir ici mon approche spirituelle pour comprendre mon approche du politique.
      Morpheus


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 13:06

      @Mophéus

      Camarade, j’ai très bien compris ta préoccupation. Pour concilier nos points de vue je m’appuierai sur cette tripartition sociale (que je trouve très pratique en fin de compte pour exprimer des idées que j’ai depuis longtemps).

      Je dirai morphéus que tu es plus une créature économique comme Gueguen est plus une créature culturelle et moi une créature politique.

      Nous sommes ce que nous sommes, c’est ainsi, si je parle plus des rapports de force c’est parce que mon tempérament  m’y conduit mais je ne néglige pas le reste. Je crois que le danger est de considérer qu’une sphère soit prédominante sur l’autre, elles forment un tout englobant !

      La bonne gestion des ressources est indispensable à la reproduction de la vie immédiate et c’est le rôle de la sphère économique.

      La bonne gestion des rapports de force est indispensable pour que la vie civile soit harmonieuse et prospère et que la cité ne tombe pas dans le gouffre des la guerre civile, de l’oppression du petit nombre sur le grand nombre, de la domination par des puissances extérieures. C’est le rôle de la sphère politique.

      Le perfectionnement intérieur, l’ universalité du savoir, de la liberté de la connaissance et de l’exercice de la droite raison en vue du bien commun est aussi indispensable mais cela se réfère à la sphère culturelle et spirituelle.

      Malgré que ces sphères soient en interconnexion les unes avec les autres dès qu’une sphère déborde sur l’autre, c’est le totalitarisme ! Elles doivent être autonomes.

      En ce sens, ce n’est pas au politique de dire comment les ressources doivent être gérée, sinon, c’est une dictature. Le politique ne doit veiller qu’à ce que les citoyens aient les moyens matériels de satisfaire leurs besoins élémentaires (par le revenu de base par exemple), il ne peut pas imposer que l’un ou l’autre ne s’enrichisse pas.

      Concernant maintenant le fait de tout changer pour que rien ne change, je pense que si les choses changent radicalement, cela doit se faire par la sphère culturelle. C’est de là que peut venir l’insurrection radicale des consciences, la seule chose qui peut nous faire changer de paradigme. Le politique et l’économique ne peuvent pas le faire, ils en sont incapables.

      C’est ce que je voulais dire quand je t’écrivais hier «  Ce système économique et social qui s’est forgé à travers des générations ne peut pas être changé par des décrets, des lois, une démocratie populaire ou une dictature, il ne peut buter que sur la volonté d’une large partie de la population (…) Ce qu’il faudrait pour un changement radical, c’est une insurrection radicale des consciences au niveau mondial. »

      En conclusion, je suis pour faire ce que l’on peut et comme solution politique, je ne vois que la constitution citoyenne. Ce n’est pas un changement radical mais petit à petit l’oiseau fait son nid. Je ne vois pas de solutions spirituelles ou culturelles qui impulseraient un changement radical mais je ne suis pas une créature culturelle, je laisserai à d’autres le soin de nous expliquer comment cela peut se faire. Complétons nous les uns les autres !

      Cordialement Kamaradeuuu. smiley


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 16:23

    "en réalité Gaspard ne m’apprends rien, je le savais déjà mais intuitivement !"


    Je comprends très bien cela, Machiavel, car ce fut la même chose pour moi quand je suis tombé sur cette formulation dans un livre de Steiner. Cet auteur a juste mis une forme sur quelque chose que j’ai toujours senti sans pouvoir auparavant la nommer.

    En fait cette triarticulation est une intuition, et je crois qu’elle se fonde tout simplement sur une évidence organique, je veux dire non seulement un certain fonctionnement de notre conscience mais aussi de notre corps, et du rapport entre la conscience et le corps. Ce que je vais dire pourra sembler un peu étrange mais je le dis de la manière la plus directe : l’homme est un triangle (ni un rond ni un segment)... un triangle plus ou moins équilibré ! Quand on perd l’équilibre intérieurement, on perçoit le monde de manière déséquilibrée et l’on à tendance à chercher des issues à notre problème interne soit du côté des solutions totales et dissolvantes (délire d’unification ronde), soit du côté des guerres perpétuellement renouvelées (dualité conflictuelle segmentaire). L’individu intérieurement boiteux ne peut concevoir que des organisations boiteuses reflétant son propre penchant. 

    Une société malade est le reflet d’une humanité qui a perdu son équilibre vital. 

    Le "Je suis" humain n’est pas à un sommet du triangle. Il EST le triangle. 

    Lorsque notre triangle interne est déséquilibré, on va rechercher par exemple, un monde où la Culture domine et qui se manifeste par un système où l’esprit en impose à la matière : c’est le cas des dictatures religieuses, des aristocraties efféminées (de robe), et des utopies prétendument scientifiques ou tout est contrôlé par une élite savante. Cela correspond à un corps humain "à grosse tête", coupé de sa sensibilité et qui méprise les pieds, qui sont si loin de la tête. Le système à grosse tête qui prétend tout comprendre ne comprend pas pourquoi un jour les gueux à gros doigts de pieds viennent la lui couper, la tête ! 

    Lorsque le pôle économique domine... C’est la situation actuelle. Tout est marchand et tout se vend, et tout s’estime au prix de vente. Cela correspond à un corps à gros ventre, dominé par la peur de manquer et la volonté d’accumuler pour se rassurer, c’est "l’enfer des esprits avides" décrit par les Tibétains ! C’est un monde ou la politique se confond avec la guerre et dans lequel le débat est un décor (on discute, mais avec un colt sur la table). Ce monde se gouverne en coulisses, dans le secrets des intestins. C’est un monde marqué par la laideur et la vulgarité et dont les maîtres sont de gros vers. 

    Lorsque le pôle politique s’arroge le pouvoir de dominer économie et culture, c’est un totalitarisme de type URSS. C’est l’enfer de l’Etat omniprésent. L’Etat est entre chaque individu, dans toutes les relations, il n’existe plus d’intimité physique ni spirituelle. L’art est art d’Etat, la science est science d’Etat, la religion EST l’Etat. Cette monstruosité est comme un corps dont le coeur malade fonctionnerait à l’envers, pompant toute vitalité et répandant son poison asphyxiant dans les moindres interstices sociaux. Les globules blancs se retournent contre les cellules saines. C’est un organisme dans une situation leucémique. 


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 16:39

       

      Bonjour Gaspard

      Je suis totalement d’ accord avec ce que vous dites.

       Une question, Gueguen me dit ceci : la vision sociale de Steiner n’est envisageable qu’en ayant affaire à des individus doués d’un certain degré de spiritualité, conscients en particulier d’avoir une âme (ce qui est mon cas).

      1. Est ce que cela signifie que cette tripartition n’est possible que si tous les individus de la société ont atteint un certain degré de spiritualité ?

      Voilà ma réponse : Mais faut-il nécessairement avoir un certain degré de spiritualité pour être dans l’économique et dans le politique ?Après tout les animaux en sont capable de faire de la politique et de l’ économie( à un degré de complexité moindre évidemment ) cela me semble plus indispensable pour l’agent culturel…

      PS : je suis conscient qu’on peut être agent culturel, économique et politique à la fois, mais je ne pense pas que nous en soyons tous capable ... moi pas en tous cas !

       

      2. Que pensez-vous de ma réponse ? Parce que moi je ne crois pas qu’il soit possible que chacun atteigne un haut degré de spiritualité, il y’ aura toujours des gens qui se ficheront de leur propre élévation spirituelle et axeront leur vie sur la jouissance matérielle …


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 16:55

      [et des utopies prétendument scientifiques ou tout est contrôlé par une élite savante]
      R/ C’est sans doute le point où toi et moi allons nous accrocher en apparence smiley
      Je vais donc essayer de dépasser cette apparence. Lorsque j’évoque la nécessité d’agir culturellement pour introduire la culture scientifique (voir commentaire ci-dessus), je ne prétend pas, se faisant, répondre à tous les besoins du triangle de l’ ÊTRE que tu évoques. La seule et unique vocation de cette culture scientifique que j’appelle de mes voeux et de résoudre la question de la gestion et répartition équitable des ressources de la Terre, afin que chacun, sans discrimination, en bénéficie dans son quotidien. Le but est une civilisation mondiale vivant dans l’abondance (l’abondance n’étant pas la surabondance, et n’étant pas non plus le rationnement : c’est faire avec ce dont on dispose tout en usant de notre ingéniosité pour optimiser ce dont nous disposons).
      Pourquoi ?
      Parce que tant que nous ne résolvons pas les besoins matériels, à l’évidence le triangle est bancal. Ces besoins sont la base : pour vivre, nous avons besoin de répondre de façon satisfaisante à nos besoins en eau, nourriture, habitat, etc. Une fois ces besoins assurés (via une économie de l’abondance), nous avons le loisir de nous consacrer à nos autres besoins (culturel et spirituels). La preuve en est que ceux qui produisent la culture et la philosophie sont ceux dont les besoins de base sont assurés : il est difficile de penser le ventre vide... Or, ce n’est, jusqu’ici, le fait d’une "élite" (classe favorisée) que parce que jusqu’ici, la majorité doit consacrer la majeure partie de son temps à la subsistance (au contraire des membres de "l’élite", dont la subsistance est assurée par le travail du grand nombre.
      C’est ici que les machines entrent en jeu, en prenant la place de la main d’œuvre humaine. Dans une économie compétitive, les machines sont un fléau pour le grand nombre, car elles occupent les postes de travail qui sont la source de revenus nécessaire à la subsistance des travailleurs. Mais dans une économie de partage équitable des ressources, sans monnaie, les machines libèrent les travailleurs de leur poste de travail.
      Le temps ainsi libéré pour le grand nombre, celui-ci peut alors le consacrer à participer activement à la culture et la philosophie / spiritualité, et participer activement à la vie politique (au sens politeia  : résoudre les problèmes).
      Pour moi, il ne s’agit pas d’une "utopie", en ce sens que la méthode scientifique préconisée a des vertus aussi bien dans le domaine concret (la matière) que abstrait (la spiritualité) : comme l’écrit Matthieu Ricard : « La science ne porte pas en elle les germes de la spiritualité, mais la spiritualité doit procéder avec la rigueur de la science ».
      Le TVP n’est "utopique" que dans le sens qu’il est difficile de l’imaginer, tant il renverse toutes nos croyances et donc se confronte à la somme de notre bagage culturel (constitué des résidus de la culture religieuse et de la domination de la culture matérialiste de l’économie de marché) ; c’est "utopique" dans le sens où nous voyons mal comment pareil système pourrait advenir.
      Mais ce n’est pas "utopique" dans le sens que le projet en lui-même ne propose pas une civilisation parfaite, ni un système "parfait". Il est même, en ce sens, le contraire de l’utopie, parce qu’il propose un système émergeant, c’est-à-dire qui s’adapte aux changements et aux nouveautés.
      Morpheus


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 16:57

      "[et des utopies prétendument scientifiques ou tout est contrôlé par une élite savante]
      R/ C’est sans doute le point où toi et moi allons nous accrocher en apparence"


      Oui en effet, Morpheus ! smiley

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:00

      Gaspard, une dernière remarque de ma part :
       
      Vous distinguez l’emprise culturelle, l’emprise économique et l’emprise politique, et j’ai encore à y redire.
      - L’emprise religieuse va faire primer l’activité religieuse et imposer celle-ci à tout le monde, comme un paradigme de l’espèce ;
      - L’emprise économique va, de même, faire primer l’activité économique et imposer celle-ci à tout le monde comme nouveau paradigme ;
      - L’emprise politique, elle, que vous nommez totalitarisme, ne veut surtout pas imposer une activité politique à tout le monde, c’est au contraire la négation pure et simple de celle-ci qui l’occupe.
       
      Par conséquent, je ne pense pas que votre démonstration soit pertinente. Nous pourrions parler d’emprise politique, parallèlement aux deux autres, si tout le monde se consacrait à l’activité politique et de manière abusive, ce qui est le contraire de l’effet souhaité dans un totalitarisme. Le totalitarisme est le nihilisme par excellence, il l’est parce qu’il s’impose par le vide, au moyen d’un paradigme fantôme que tout le monde craint et que personne ne pratique. Le totalitarisme ampute les êtres d’une partie d’eux-mêmes, ce que les deux autres outrances ne font pas.
      Et pour moi, la raison en est qu’avec la politique, on touche quelque chose de singulièrement fondamental.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 17:18

      Là, Eric, vous procédez à un bon gros sophisme.
       smiley
      L’emprise politique (le mot "emprise" ne me semble pas approprié) réduit l’activité politique à celle d’une petite élite PARCE QUE nous n’avons encore JAMAIS connu ce que vous appelez "emprise politique" comme modèle culturel : c’est-à-dire que nous n’avons encore jamais expérimenté le modèle de la démocratie intégrale où tous participent de la chose commune.
      Cordialement,
      Morpheus


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 17:21

       

      -L’emprise religieuse va faire primer l’activité religieuse et imposer celle-ci à tout le monde, comme un paradigme de l’espèce ;

      R /C’est vrai mais il y’ a les théocrates d’ un coté et les moutons de l’autre. C.à.d. que l’activité religieuse dans ce paradigme n’est pas la même pour tout le monde.

       

      -L’emprise économique va, de même, faire primer l’activité économique et imposer celle-ci à tout le monde comme nouveau paradigme.

      R / C’est vrai mais il y’ a les propriétaires des moyens de production d’ un coté et les exploités de l’autre. Càd que dans ce paradigme l’activité économique n’est pas la même pour tout le monde.

      -L’emprise politique, elle, que vous nommez totalitarisme, ne veut surtout pas imposer une activité politique à tout le monde, c’est au contraire la négation pure et simple de celle-ci qui l’occupe.

      R / C’est la même logique. Il y’ a les oligarques d’ un coté et les dominés de l’autre et l’activité politique n’est pas la même pour tout le monde : les uns commandent et les autres obéissent !


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:28

      @ Morpheus :
       
      Ce n’est pas un sophisme, c’est un appel du pied. Ne désireriez-vous pas l’emprise politique dont je parle ? Moi si. Mais ça contrevient à l’harmonie tripartite.
      Alors, que fait-on ?


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 17:40

      Je vois ou tu cherches à m’amener, petit canaillou smiley


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 18:09

      @ Eric Guéguen : "Vous distinguez l’emprise culturelle, l’emprise économique et l’emprise politique, et j’ai encore à y redire.
      - L’emprise religieuse va faire primer l’activité religieuse et imposer celle-ci à tout le monde, comme un paradigme de l’espèce ;
      - L’emprise économique va, de même, faire primer l’activité économique et imposer celle-ci à tout le monde comme nouveau paradigme ;
      - L’emprise politique, elle, que vous nommez totalitarisme, ne veut surtout pas imposer une activité politique à tout le monde, c’est au contraire la négation pure et simple de celle-ci qui l’occupe."


      Ah mais pardon, je pense qu’il y a une faute logique dans votre présentation des choses !

      L’emprise religieuse est justement ce qui prive l’individu d’une activité spirituelle et non pas ce qui la favorise, puisqu’elle interdit toute liberté d’exploration spirituelle. Un monde sous dictature religieuse est dans une totale misère spirituelle. 

      L’emprise économique est ce qui interdit à l’individu d’être un véritable acteur économique autonome et le réduit au statut d’esclave-consommateur dépendant d’une structure de production sur laquelle il n’a aucun pouvoir d’action ou de direction. Cette emprise économique conduit comme nous le constatons trop bien à la misère économique du plus grand nombre.

      L’emprise politique nie le droit d’exercer un rôle de sujet politique autonome, de même que l’emprise économique nie le droit d’exercer un rôle de véritable acteur économique autonome, de même que l’emprise religieuse dénie le droit de mener une investigation spirituelle autonome. 

      En fait toute emprise nie votre autonomie, tout simplement ; et cela se vérifie dans chacune des sphères d’une manière parfaitement analogue. 

  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 16:55

    @Eric Guéguen : "Mais je ne vois absolument pas en quoi le culturel a son mot à dire en matière fiscale. Pour penser la bonne assiette fiscale, le bon taux, il faut s’en remettre à la philosophie politique énonçant les principes de justice, soit ce qui est dû à chacun, en avantages comme en peines, en droits comme en devoirs."


    Vos deux phrases sont en contradiction. Le culturel a son mot à dire en matière fiscal parce que la philosophie politique est encore de la philosophie, donc ressortit au domaine culturel. 

    Il n’y a pas seulement Culture, Politique et Economie. Dans chacune de ces sphères se reproduit la tripartition, à la manière d’une fractale. 

    Par exemple, si vous êtes un écrivain et que vous en tirez des revenus, vous êtes d’abord homme de culture. Mais si vous montez un site pour vendre des livres que vous n’écrivez pas, vous êtes d’abord acteur économique, même si c’est dans une orientation culturelle. 

    Si votre réflexion philosophique vous porte à écrire ou professer des théories politiques, vous êtes dans la culture, avec une orientation politique. Vous êtes alors dans la sphère politique de la sphère culturelle. 

    Etienne Chouard n’a pas le temps d’écrire un livre car il est engagé dans l’action politique : le débat direct avec la population à travers tout le pays pour transformer la constitution. Bien qu’il soit un penseur, il est désormais dans la grande sphère politique, même s’il occupe la petite sphère culturelle de cette grande sphère. (Et bien qu’il soit prof d’économie, la sphère économique est celle dont il est le plus éloigné. smiley )

    Pour moi, Eric Guéguen, vous êtes manifestement (pour le moment) dans la pensée de la politique et non dans l’action politique. Ce n’est évidemment pas un reproche, ou bien on pourrait l’adresser aussi à Platon, Aristote et Rousseau !! Il est possible que votre travail puisse finalement avoir une influence sur l’action politique. Ce qui prouve bien que la culture, sous la forme de la philosophie politique, a évidemment un effet sur la sphère politique (comment pourrait-il en être autrement ?!) 

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:18

      Gaspard, je vous trouve à deux doigts de dire que la politique se résume à de la pratique.
      Je crois avoir compris que vos sphères n’étaient pas étanches, ce qui permet de rattacher la philosophie politique à la politique (comme son nom l’indique), mais en lui faisant garder un pied dans la culture, comme si le simple fait de penser était d’essence culturelle.
      À ce moment-là, la politique est un lieu vide où l’on vient mettre en pratique, expérimenter ce que l’on a théorisé. Un politicien n’est qu’une machine qui applique ce que d’autres ont pensé, c’est le régime représentatif actuel.
      Je pense que la rupture entre théorie et pratique, qui laisse entendre qu’un praticien est nécessairement un réaliste et un théoricien un idéaliste, n’aidera certainement pas à la réconciliation des "sphères".


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 17:21

      [e pense que la rupture entre théorie et pratique, qui laisse entendre qu’un praticien est nécessairement un réaliste et un théoricien un idéaliste, n’aidera certainement pas à la réconciliation des "sphères".]
      +1


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 18:19

      "Je pense que la rupture entre théorie et pratique, qui laisse entendre qu’un praticien est nécessairement un réaliste et un théoricien un idéaliste, n’aidera certainement pas à la réconciliation des "sphères"."


      Ah, je n’ai pas dit cela du tout. Je ne vois pas comment on pourrait être un homme politique sans une profonde réflexion politique ! C’est une question de nuance... L’articulation des sphères doit être souple et fluide, sinon ça devient des boules de béton ! Je pense seulement qu’il y a un moment ou un homme de culture se demande s’il saute ou pas dans l’action politique au sens plein du terme. La question a du se poser à Victor Hugo comme à beaucoup d’autres actuellement ! Moi aussi, je me pose cette question, savez vous... 

    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 18:47

      -Je ne vois pas comment on pourrait être un homme politique sans une profonde réflexion politique !

      R : Cela dépend de quelle réflexion politique on parle.

      Parce que la réflexion politique telle que Gueguen l’entend (perfectionnement intérieur, universalité du savoir, de la liberté de la connaissance et de l’exercice la raison) concerne plus la sphère culturelle que politique …

      Si la réflexion politique concerne l’organisation harmonieuse de l’Etat, oui effectivement on peut difficilement être dans l’action politique sans une réflexion profonde sur ce sujet !


  • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 17:15

    En parlant de triangle, je voudrais rappeler (ou évoquer, pour ceux qui ne connaissent pas), le triangle "infernal" dans le bouddhisme (le mot "infernal" est le fruit de ma culture judéo-chrétienne), à savoir : les trois causes de la souffrance.
    - l’avidité
    - l’aversion
    - l’ignorance

    Je vous laisse faire des parallèles avec le triangle dont nous parlons.
     smiley
    Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:25

      Vous avez ça dans Star Wars également :
      Force = Sens + Contrôle + Altération
      Sens : rapport aux autres (Obi-Wan faisant dire à un stormtrooper que tout est ok) ;
      Contrôle : rapport à soi (Luke luttant contre la douleur de la main sectionnée) ;
      Altération : rapport à l’environnement (Yoda qui parvient à sortir le Aile-X du marée sur Dagobah).
       
      D’où :
      Sens, rapport aux autres = Politique
      Contrôle, rapport à soi = Culture
      Altération, rapport au monde = Économie


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:32

      À moins que le Contrôle corresponde à l’économie et l’Altération à la culture. Bref...


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 17:35

      Eric, maintenant je sais que tu joues (ou a joué) à Star Wars, le jeu de rôle smiley
      (idem)
       smiley
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 17:43

      Exact. J’étais bien jeune, mais j’avais quand même 8D+2 en blaster et 7D+2 en esquive !


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 17:48

    @Machiavel " Une question, Gueguen me dit ceci : la vision sociale de Steiner n’est envisageable qu’en ayant affaire à des individus doués d’un certain degré de spiritualité, conscients en particulier d’avoir une âme (ce qui est mon cas).

    1. Est ce que cela signifie que cette tripartition n’est possible que si tous les individus de la société ont atteint un certain degré de spiritualité ?

    Voilà ma réponse : Mais faut-il nécessairement avoir un certain degré de spiritualité pour être dans l’économique et dans le politique ?Après tout les animaux en sont capable de faire de la politique et de l’ économie( à un degré de complexité moindre évidemment ) cela me semble plus indispensable pour l’agent culturel…

    PS : je suis conscient qu’on peut être agent culturel, économique et politique à la fois, mais je ne pense pas que nous en soyons tous capable ... moi pas en tous cas !

     

    2. Que pensez-vous de ma réponse ? Parce que moi je ne crois pas qu’il soit possible que chacun atteigne un haut degré de spiritualité, il y’ aura toujours des gens qui se ficheront de leur propre élévation spirituelle et axeront leur vie sur la jouissance matérielle …"


    D’abord, je voudrait indiquer que le combat historique de Steiner pour la tripartition sociale est trop mal connu, alors que c’est un moment fort de la vie politique de l’Europe. Ce gars a fait des conférences devant des milliers d’ouvriers en Allemagne au moment de la montée du nazisme et de la domination du marxisme dans la dissidence politique et syndicale, on peut même dire qu’il s’est fait écraser dans cet étau dualiste. Mais son propos était très entendu chez des gens qui n’étaient pas des intellectuels, probablement parce qu’il décrivait les conséquences organisationnelles pratique de la triarticulation, notamment sur le plan des rapports de travail dans les usines. 


    Donc, je pense qu’il n’est pas indispensable que tout le monde comprennent totalement la triarticulation pour qu’elle puisse fonctionner. C’est un peu comme la chaudière de votre maison, qui réclame 3 niveaux de compétence. 


    1. La compétence de conception (pouvoir la fabriquer de A à Z)

    2. La compétence de réparation (ce qui suppose qu’on comprend comment elle fonctionne)

    3. La compétence d’usage (savoir s’en servir)


    Certes, les grands principes de la triarticulation doivent être admis. Par exemple, elle n’est pas compatible avec l’application de la Charia, ni avec la dictature financière ! Mais elle est finalement déjà admise "par petits bouts". La laïcité est une forme de triarticulation démoulée trop chaude, par exemple ! smiley


    C’est juste que la plupart des gens ont du mal à saisir les trois pointes du triangle d’un seul coup, ils les prennent toujours deux par deux !! Et donc, ils ne voient pas le triangle. 


    Et je ne parle même pas de ceux qui vont y deviner un horrible symbole satano-reptilo-maçonnique !! Le premier centre culturel construit par Steiner a été incendié par un fanatique religieux qui le prenait pour un temple du diable, il ne faut pas l’oublier ! 


    Ce qui m’importe dans les méthodes de transformation sociale, c’est la mise en oeuvre. Parce qu’on peut toujours imaginer une société parfaite, mais si on ne trouve aucun chemin pour y conduire, ça ne sert à rien. Donc, la question importante est de savoir si la triarticulation peut s’introduire concrètement dans les relations sociales, alors même que le monde est globalement fondé sur des conceptions et des modes de fonctionnement dualistes (opposant constamment dualité et unité, économie et politique, individuel et collectif, etc.)


    Concrètement, je pense que le monde n’est pas prêt spirituellement pour incarner hic et nunc une triarticulation sociale, mais je constate que l’idée fait son chemin. Je pense que c’est quelque chose qui s’imposera progressivement comme une évidence, un peu comme la fin de l’esclavage.


    Mais il y a un point qui est difficile à évoquer : c’est celui des ennemis de la trinité. Ce qui renvoie à "quelque chose" en l’homme qui ne veut pas du tout être Trois, qui ne veut pas que l’homme soit un être complet et en relation avec l’univers. Et cela renvoie aussi à toute l’histoire des conflits théologiques en rapport avec la Trinité et la possibilité pour l’individualité humaine de se constituer en entité complète et de se relier personnellement à la fois à la communauté humaine, à la nature terrestre et au cosmos. En fait, un être humain triple est quelque chose d’absolument terrifiant pour certaines forces actives dans l’humanité et elles feront tout pour que la conscience humaine continue à s’égarer dans des rêveries rondes et des conflits segmentaires. 


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 18:05

      je pense qu’il n’est pas indispensable que tout le monde comprennent totalement la triarticulation pour qu’elle puisse fonctionner. 

      R / C’est ce que je voulais savoir et votre réponse me rasure.

      - En fait, un être humain triple est quelque chose d’absolument terrifiant pour certaines forces actives 

      R / Vous savez récemment je suivais une conférence sur le royaume Kongo sur you tube et la spiritualité Kongo n’était pas trinitaire mais quintuplaire (je ne connais pas le terme pour cinq), je n imagine même pas la complexité du truc alors qu’on a déjà du mal avec le trois …


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 18:56

      Ouais on va d’abord essayer de réussir à dessiner un triangle avant de faire des étoiles à 5 branches ! smiley


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 19:00

      Ah vous connaissez , vieux vicelard ... smiley


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 19:56

      « l’un devient deux, le deux devient trois et du troisième naît l’Un comme quatrième »
      Aphorisme de Marie la Prophétesse
      _ _ _
      Démerdez-vous avec ça smiley


    • micnet 2 décembre 2013 20:29

      Bonsoir Gaspard,


      Concernant cette organisation tripartite sociale telle que vous la décrivez, est-ce que cela se conçoit, dans l’esprit, un peu suivant l’ Ancien Régime également d’organisation tripartite comme suit ? :

      - La noblesse d’épée chargée de protéger la Cité
      - La paysannerie chargée de la nourrir via le travail de la terre
      - Le clergé chargé, en quelque sorte de l’instruire



    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 21:00

      Il y a une certaine relation, mais je déconseille de l’aborder ainsi car cela peut introduire plusieurs contresens. Il vaut mieux le comprendre comme nous l’avons formulé ici, en décrivant notre situation actuelle et non celle d’une société ancienne. 


  • micnet 2 décembre 2013 18:42

    Bonjour à vous tous,


    Passionnant article qui, bien que je le découvre un peu tard, me donne envie d’y prendre part même si j’arrive un peu après la bataille.

    Vous m’excuserez d’avance de ne pas avoir eu le courage de lire les 234 commentaires ayant précédé le mien et peut-être que ce que je vais énoncer maintenant a déjà été évoqué.
    Mais il me semble que la dichotomie agoraphilie/agoraphobie est principalement liée à l’idée que l’on se fait de la notion "d’égalité".
    Pour ma part, je vais d’emblée faire amende honorable en reconnaissant, tout comme Morphéus, ne pas avoir lu Madison mais j’ai lu en revanche l’un de ses plus fameux successeurs ’spirituels’à savoir Tocqueville. 
    Je suis donc à peu près de l’avis d’Eric Gueguen car j’avoue ne pas croire en l’égalité des hommes et donc ne pas croire à ce que j’appellerais "la démocratie cardinale" (ou directe) qui en découle. Par conséquent, le fait d’endosser le qualificatif d’agoraphobe me convient parfaitement. D’ailleurs à ma connaissance, il n’y a aucun homme politique, ni même aucun intellectuel aujourd’hui en France qui oserait remettre en cause le principe même de démocratie. Donc pour schématiser, je dirais que la démocratie repose sur 3 piliers :
    - la liberté individuelle
    - l’égalité
    - Le nombre
    ---> Après avoir lu Tocqueville (et un peu Sieyès) j’en déduis que ces 3 facteurs associés deviennent, en quelque sorte, les catalyseurs de 2 types de sociétés totalitaires possibles qui, au final, finissent par converger :

    1 - Une société de type individualiste, soumise à un marché Tout-puissant
    2 - Une société très collectiviste de type marxiste-léniniste ou national-socialiste

    Et il se trouve qu’aujourd’hui, nous nous situons à la croisée des chemins entre ces 2 types de sociétés, à l’instar de la Chine qui constitue un capitalisme d’état tout en développant une économie ultra-libérale. La vision mondialiste telle que certains la préconisent (il suffit d’écouter un Jacques Attali pour s’en convaincre) avec son paradigme d’individualisme, d’égalitarisme et d’uniformisation de toutes les nations, via un gouvernement mondial, représente en quelque sorte la quintessence de tout ceci.
    Je pense que se contenter de dénoncer les lobbies ou les réseaux d’influence est bien évidemment juste mais ce n’est que la toute petite partie immergée de cet iceberg appelée "démocratie". Là est la cause racine qu’il faudrait analyser de front !

    En résumé, il me semble que partir du postulat démocratique qui consiste à dire : "tout le monde vaut tout le monde", que cela soit du point de vue de la vertu ou des compétences propres à chacun, est une erreur majeure et peut mener au pire. A cet égard, je conseille, moi aussi, la relecture de La République de Platon où il est clairement rappelé l’adage suivant : "chacun a sa place et les vaches seront bien gardées "

    Cordialement,
    Micnet

    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 18:59
      Bonsoir micnet
      -Vous m’excuserez d’avance de ne pas avoir eu le courage de lire les 234 commentaires ayant précédé le mien
      R / Feignasse ! smiley
      -A cet égard, je conseille, moi aussi, la relecture de La République de Platon où il est clairement rappelé l’adage suivant : "chacun a sa place et les vaches seront bien gardées "
      R / En fait on est pratiquement tous d’ accord avec cela grâce à Gaspard et sa tripartition sociale ( même si Gueguen a de sérieux doute ).



    • micnet 2 décembre 2013 19:02
      @machiavel

      "R / Feignasse !"
      ----> ça peut m’arriver smiley. Ok, je vais prendre le temps de lire Gaspard et le principe de ’triarticulation sociale"

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 19:34

      Ce fil devient trop long, il est trop difficile de tout suivre micnet. Vous êtes courageux.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 19:45

      @ Micnet

      Mais pouvons-nous fonder nos débats sur les seuls références d’agoraphobes politiques convaincus ? Tocqueville et Sieyès sont tous deux des antidémocrates (agoraphobes), qui ont farouchement défendu leur pré carré, à savoir la "république" - régime électoral et (prétendument) représentatif. Comme la plupart des patriotes américains et français du XVIIIe s. (Francis Dupuis-Déri illustre cela de très nombreux passages de ces auteurs et explique aussi les raisons de cette agoraphobie de la part des patriotes).
      Mais les arguments avancés par ces patriotes pour justifier leur position sont pour le moins discutables (quand ils ne sont pas carrément condamnables !).
      Morpheus


    • micnet 2 décembre 2013 20:10
      @Morpheus

      "Mais pouvons-nous fonder nos débats sur les seuls références d’agoraphobes politiques convaincus ?"
      ---> Pour ma part, je ne qualifierais pas Sieyès ou Tocqueville d’antidémocrates mais plutôt de "démocrates prudents" en ce sens qu’ils entrevoyaient dans la démocratie athénienne un risque de nivellement par le bas ainsi qu’une porte ouverte à la démagogie, voire au totalitarisme.
      Ils avaient, du moins c’est comme ça que je l’interprète, une vision aristocrate au sens noble du terme. C’est à dire que le pouvoir doit être attribué aux "plus vertueux des hommes" (et non pas, bien évidemment à une ploutocratie)
      Je me suis amusé à imaginer une future constitution qui irait dans ce sens

      En tout cas, votre article a le mérite de poser clairement le débat

      Bien à vous
      Micnet

    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 20:25

      -’ils entrevoyaient dans la démocratie athénienne un risque de nivellement par le bas ainsi qu’une porte ouverte à la démagogie, voire au totalitarisme.

      R / Avec un respect strict de la tripartition sociale, ce risque de totalitarisme n’existe pas.

       -C’est à dire que le pouvoir doit être attribué aux "plus vertueux des hommes" 

      R / Moi je suis d’ accord avec cela, Chouard aussi d’ ailleurs mais il faudrait des mécanismes pour que les plus vertueux soient au pouvoir à tout moment, il faudrait définir les critères de ces vertus et il faudrait de puissants contre pouvoir populaire pour qu’ils ne fassent pas ce qu’ils veulent !


    • micnet 2 décembre 2013 20:31

      @Machiavel


      Tout à fait d’accord ! Mais si on évoque ce sujet, nous voilà repartis pour refaire une constitution smiley

    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 20:37

      Selon le livre de Francis Dupuis-Déri :
      « De très nombreux théoriciens politiques d’aujourd’hui reconnaissent cette agoraphobie originelle de la philosophie politique occidentale, qui prend racine dans le monde gréco-romain de l’Antiquité. Ainsi, l’historien des idées politiques J.S. McClelland affirme que la "tradition occidentale de pensée politique [...] commence avec un biais profondément antidémocratique." Platon dépeignait en effet la démocratie comme un régime fondé dans la violence et le meurtre, précisant qu’elle "apparaît lorsque les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les charges publiques". Un tel portrait n’a rien pour séduire les dirigent du mouvement indépendantiste en Amérique et du mouvement révolutionnaire en France, qui appartenaient pour la plupart à la classe aisée de leur société respective. [...] Les membres de l’élite des mouvements patriotes en Amérique du Nord et en France lisaient des ouvrages écrits par des historiens du XVIIIe s. qui traitaient de l’Antiquité grecque. Or ces historiens adoptaient généralement une position très critique à l’égard de la démocratie athénienne. Ainsi, le mot "démocratie" a fait référence pendant plus de deux mille ans en Occident à la fois à la classe des pauvres politiquement mobilisé contre les riches et à un régime où les pauvres oppriment ou massacrent les riches. »
      _ _ _

      Comment, dans ces conditions, imaginer que des érudits, souvent riches ou de la classe aisée, dont certains (les plus farouchement antidémocrates) sont directement intéressé par leur enrichissement personnel, adoptent une opinion différente de la démocratie ?
      D’une part, ils prennent à leur compte la pensée unique de leur temps (seule la république - régime électoral représentatif - est un régime vertueux, tous les autres sont abominables), d’autre part, ils ont un intérêt personnel à soutenir un régime représentatif et non démocratique.
      Dès lors, ils ne sont pas objectifs, mais de parti pris.
      _ _ _
      Morpheus


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 20:50

      Il y avait quelques intellectuels pour défendre la démocratie, ou à tout le moins critiquer les régimes dit représentatifs. Ainsi l’anglais John Oswald, qui traverse la manche pour se joindre à la révolution française, signe un pamphlet (Le gouvernement du peuple. Plan de constitution pour la république universelle) dans lequel il ironise :
      « J’avoue que je n’ai jamais pu réfléchir sur ce système de représentation sans m’étonner de la crédulité, je dirais presque la stupidité avec laquelle l’esprit humain avale les absurdités les plus palpables. Si un homme proposait sérieusement que la nation pissât par procuration, on le traiterait de fou ; et cependant penser par procuration est une proposition que l’on entend, non seulement sans s’étonner, mais qu’on perçoit avec enthousiasme. »
      Il épingle ensuite, toujours sarcastique, « l’intention charitable de ces messieurs [les représentants], qui veulent nous épargner la peine de penser par nous-mêmes ». En fait, il ne voit pas la différence entre les dirigeants qui justifient leur autorité en se disant représentants de la "Lune" ou du "Soleil", et ceux qui affirme représenter le peuple.
      Le discours selon lequel le peuple est mieux gouverné et plus justement par des représentants élus, plutôt que désigner par une divinité ou par le sang, relève selon lui tout autant d’une pensée ésotérique - magique - qui constitue surtout un mensonge pour justifier la domination des dirigeants sur le peuple.
      _ _ _
      Morpheus


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 21:04

      "En fait, il ne voit pas la différence entre les dirigeants qui justifient leur autorité en se disant représentants de la "Lune" ou du "Soleil", et ceux qui affirment représenter le peuple."


      Pas mal !

    • micnet 2 décembre 2013 21:20
      @Morpeus

      "Il épingle ensuite, toujours sarcastique, « l’intention charitable de ces messieurs [les représentants], qui veulent nous épargner la peine de penser par nous-mêmes ».

      ---> Cette remarque est très intéressante, car voyez-vous, je "pense", malheureusement que tout le monde n’est pas capable de penser par soi-même justement ! Je vous promets qu’il n’y a là aucun mépris, ni aucune irone de ma part quand j’énonce cela, d’autant plus que je ne me considère pas moi-même du tout comme un grand penseur, mais c’est en cela que je critique la vision égalitariste de la démocratie athénienne.
      Au fond, c’est un peu comme pour le reste, tout le monde est conscient de ne pas être capable d’avoir le talent d’un Mozart, d’un Einstein ou d’un Usain Bolt, même en s’entraînant toute une vie. Pourquoi en serait-il autrement vis-à-vis de la ’Chose Publique’ par rapport à ceux que Socrate appelait les "Gardiens de la Cité" ?
      Au fond, c’est comme si on demandait à François Hollande d’avoir le charisme de De Gaulle...

    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 21:26

      -Cette remarque est très intéressante, car voyez-vous, je "pense", malheureusement que tout le monde n’est pas capable de penser par soi-même justement ! 

       

      R / Tuuuuuuut !

      Maitre gaspard a déjà dit : «  ne discutons pas sur des questions "de plus ou moins", c’est une perte de temps que de confronter nos sensibilités ou nos pronostics pour savoir si "plus ou moins" de gens seront capables de "plus ou moins" de conscience politique. On ne pourra pas avancer comme ça, on va juste opposer nos ressentis. Franchement, admettons tous ensemble que rien n’est sûr !! 

       

      Il ne faut donc tout simplement pas fonder une proposition politique sur ce genre d’estimation invérifiable, que ce soit dans un sens ou dans un autre. La proposition doit être valable dans les deux cas, comme un véhicule qui doit pouvoir rouler sous la pluie aussi bien qu’au soleil, et qui doit donc n’être fait ni de mie de pain ni de glace.

       

      Sinon, au lieu de discuter ingénierie politique, on va discuter climatologie politique ! ». smiley

       

      Bon c’est pas tout ça camarade, il faut que j’aille bosser moi, à demain, je vais voir ou vous en êtes.


    • micnet 2 décembre 2013 21:28

      Je ne vais pas tarder non plus ! 


      Bonne fin de soirée à tous

    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 22:45

      @ Micnet
      Je pense que tout le monde est capable de penser par lui-même, si on lui permet de développer cette faculté. C’est comme la vue, hein : si vous occultez la vue d’un nourrisson pendant ses deux premières années, même si au départ il disposait d’organes de la vue seins, il sera aveugle à vie. Pourquoi ? Parce que l’environnement ne lui aura pas offert les stimuli nécessaires permettant de développer son sens de la vue (c’est authentique, ça, hein, ce n’est pas une allégorie).
      Maintenant, j’admet que dans note société, là, ici, maintenant, beaucoup n’ont pas eut les stimuli suffisant pour développer leur faculté de penser. Je ne suis pas convaincu que ce soit seulement une question de talent.
      Mais même en supposant qu’il y ait des talents de penser différents, cela n’enlève rien au fait que des représentants élus qui décident de tout à ma place, alors que j’estime, moi, être en mesure de penser (et même, beaucoup mieux qu’eux si j’en juge par leur bilan) me prive d’un pouvoir qui me revient : participer directement à la chose publique.
      Qui va juger de qui peut penser par lui-même ?
      La question même montre l’arrogance et la laideur d’un tel concept : il emporte avec lui la tyrannie, et dans le meilleur des cas, un paternalisme digne d’un parent toxique.
      _ _ _
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 23:18

      "Qui va juger de qui peut penser par lui-même ?"
       
      Est-ce que cette question invalide le fait que les talents soient épars au sein de la société ?


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 00:07

      Aaaah, la question des mots. Du vocabulaire (je viens de me refaire Inculture(s) 1, donc bon...).
       
      Alors :
       
      « talents épars »
       
      ou
       
      « talents complémentaires »
       
      Parce que, certes, je ne peux pas faire une opération à cœur ouvert (du moins avec espoir de survie du patient)
       
      MAIS
       
      Je sais : dessiner, peindre, travailler le fer, le cuir, le bois, créer des costumes, reconstituer des armures, concevoir une maison à ossature bois, dessiner un plan de maison, fabriquer une maison à ossature bois, calculer la longueur de l’hypoténuse, concevoir, dessiner et monter une charpente, ... et vous savez quoi ? Je sais MÊME penser par moi-même le monde !
       
      HÉLAS : la moitié des activités que j’ai dis savoir faire, je ne pourrais les faire seul ; il me faudrait de l’aide.
       
      Alors ma question est : comment se fait-il que je le sache - ET QUE JE LE DISE -, et que ceux qui se prétendent plus "talentueux" ne le disent pas ALORS QU’ILS LE SAVENT ?
       
       smiley
       
      Morpheus


    • micnet 3 décembre 2013 09:16

      Bonjour à vous Morpheus,

      La formule que j’ai employée dans mon message précédent était (un peu) provocatrice, j’en conviens smiley.
      Quand je dis que tout le monde "n’est pas capable de penser par lui-même", je voulais surtout exprimer le fait que tout le monde n’est pas capable de penser "suffisamment haut et loin" pour être capable de diriger un pays. Mais dans l’absolu, je suis d’accord avec vous : il faut apprendre aux gens à plus penser par eux-mêmes et c’est très exactement le type de sociétés que je souhaite. Je vais tâcher d’éclaircir un peu ce que j’ai dit afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté.
      En fait, tout dépend de l’idée que l’on se fait de la ’liberté’. Pour ma part, je pense qu’on ne "naît pas libre mais qu’on le devient’ grâce à des valeurs transmises, un peu à l’instar d’un enfant à qui on aura transmis une éducation lui permettant d’acquérir, une fois devenu adulte, son autonomie d’homme libre et responsable. Mais pour cela, il faut que ce même homme, afin qu’il devienne cet homme libre, soit capable de pleinement se réaliser, c’est à dire être en harmonie avec lui-même et exploiter son (ou ses) talent(s), ce qu’une société égalitariste ne permet pas.
      Pour schématiser, nous sommes tous le produit d’une partie de "déterminisme biologique", une "partie de déterminisme socio-culturel" et d’une partie de "libre-arbitre". L’idée étant de dire qu’il faut que chacun puisse réconcilier en lui ces 3 dimensions de son être afin d’être pleinement libre. Pour l’illustrer, je comparerais une société à un corps humain constitué de cellules dont chacune remplit une fonction physiologique bien déterminée et ce afin que le corps soit en bonne santé. Chaque cellule agit pour cette entité qui la contient et la dépasse mais chaque cellule n’est pas interchangeable. Ainsi, si je vous demande, Morpheus, de me dire si vous estimez que vos poumons sont plus importants (ou supérieurs) par rapport à votre estomac, vous allez me répondre que cette question n’a absolument aucun sens.
      Et bien, c’est ainsi que j’imagine une société idéale, un peu à l’image du corps humain : Tout comme les cellules vis-à-vis de celui-ci, chaque individu joue un rôle pour le bien-être de la Cité mais personne n’est ni égal, ni supérieur, ni inférieur : tout le monde est différent et bien à sa place !
      Et puis, il y a le "cerveau" qui coordonne l’ensemble, qui n’est pas supérieur aux autres pour autant. Le cerveau, c’est à dire l’image de celui ou ceux qui ont ce dont tout particulier de savoir comment diriger une "Cité".

      Voilà ! Comme vous le voyez, il n’y a pas l’ombre d’un début de commencement de totalitarisme, ni même de paternalisme dans ma vision des choses. Bien au contraire même ! C’est simplement une vision "ordonnée" permettant à chacun, suivant ses "talents" d’être à sa place et de se réaliser pleinement, tant individuellement que collectivment. Honnêtement, vous estimez que c’est un concept si laid que ça ? smiley


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 3 décembre 2013 09:41

      Morpheus, sans même avoir à débattre du fait que certains soient à jamais incapables de certaines choses ou non, il est évident qu’à un instant "T", au moment où l’on décide du tirage au sort, certains seront dans un état d’impréparation telle que le temps qu’ils passeraient à se mettre au courant serait au préjudice de la politique à mener.
      Vrai ou faux ?


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 11:11

      Eric, je ne suis pas d’accord.
       
      Vous évoquez la présence de "boulets" dans une équipe gouvernementale. Si nous mettons en place un régime semblable à celui d’Athènes, où les mandataires sont des exécutants au service d’institutions démocratiques, déjà nous ne pouvons plus parler d’une équipe gouvernementale.
       
      S’il s’agit de dire que ces mandataires - dont la fonction s’apparenterait dès lors à celle de fonctionnaires d’états, on serait tenté de dire "ils doivent être professionnels", or, dans le même temps, nous nous plaignons de ces technocrates, parce qu’ils sont procéduriers, lents, s’enferrent dans des situation kafkaïennes et ubuesques, et se montre souvent "inhumains".
       
      S’il s’agit, par contre, d’une véritable équipe gouvernementale (qui écrivent et votent les lois), donc que nous ne sommes pas dans un régime démocratique, l’argument de la formation ne tiens que dans l’idée que "ça doit aller vite".
       
      Pardon, mais si l’argument de la vitesse de décision est le point nodal de notre propos, je conseille franchement d’opter pour la dictature. La démocratie a besoin de temps, parce qu’elle fonctionne différemment que les autres formes de gouvernement.
       
      Les critiques faites par les patriotes antidémocrates du XVIIIe s. disaient que le problème, avec les démocrates, c’est qu’ils doivent d’abord sentir avant de voir. C’était une critique de la lenteur et de l’apparente incapacité à décider des assemblées populaires qui se sont spontanément formées un peu partout pendant la guerre d’indépendance Américaine.
       
      Or, "sentir" avant de "voir", moi, cela me semble foncièrement plus pertinent, plus sage, plus raisonnable. Sentir, c’est faire l’expérience, et l’expérience est un meilleur guide que les croyances. "Voire" ne permet pas toujours de comprendre. "Sentir" apporte de précieux éléments, factuels, pour comprendre ce que l’on "voit".
       
      Il faudrait du temps aux "boulets" pour se former ? Déjà, je n’en suis pas sûr (et vous n’en savez rien), mais en outre, même s’il faut un peu de temps pour qu’ils se forment, en quoi cela empêcherait la dynamique ? D’autre part, il existe des procédures qui permettent d’écarter les "vrais" boulets, cela s’appelle la docimasie, et vous n’ignorez pas cette procédure.
       
      Donc, votre argument ne m’apparait pas recevable. Il reflète une conception beaucoup trop élitiste à mon goût, et peut-être une forme d’arrogance ou de mépris à l’égard du peuple, que je peux éventuellement comprendre, mais qui fait mal quand même. J’espère que je me trompe.
       
      Cordialement,
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 3 décembre 2013 11:25

      Alors là nous touchons pour moi au fond du problème, et votre message mérite une réponse claire, nette et précise, c’est-à-dire... tout en bas (trop chargé dans le coin).
      À très vite, je m’y applique...


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 11:47

      @ Micnet
       
      L’image du corps humain est une bonne image pour penser le corps social. En fait, je crois que le corps social fonctionne exactement à cette image, y compris maintenant. Évidemment, maintenant, ce corps social est vraiment très malade, complètement dysfonctionnel, précisément parce que le "cerveau" est lui-même profondément malade. Il envoit tout l’oxygène à un tout petit groupe de cellules malades, une tumeur cancéreuse qui aspire toutes les forces de l’organisme, et dans le même temps, il asphyxie tous les autres organes et envoit ses anticorps détruire des cellules saines. Ce cerveau est un cerveau fou. Dément. C’est cela, l’oligarchie, parce qu’aucun cerveau sein d’esprit n’agira contre son propre corps.
       
      Mais vous abordez aussi la question de la liberté. Je n’aime pas ce mot. je ne l’aime plus et je m’en méfie. La liberté, c’est une sorte de mythe, de mythe trompeur. Elle est érigée en icône de la démocratie, et je dis que la liberté n’est pas le noyau de la démocratie, mais le slogan de l’oligarchie moderne. La version ultime de ce slogan oligarchique est « le travail rend libre ».
       
      Le principe de la démocratie, de tout temps et en tout temps, c’est l’égalité. La liberté est un concept vraiment difficile, et nous le savons. La liberté a toujours des limites, à commencer par des limites naturelles : celles que votre organisme vous impose. Ensuite, la liberté à d’autres limites, celles que le corps social vous impose, à commencer par les pensées prémâchées qu’on vous fourre dans la tête à un âge où votre cerveau n’est pas encore assez développé pour penser par lui-même (comment se fait-il que nous soyons le seul mammifère sur cette planète à naître prématuré de deux mois ?)
       
      La seule définition que l’on puisse donner à la liberté c’est celle de la liberté de choisir nous-même, en pleine conscience, nos limites. Vous admettrez que c’est très délicat et très loin d’être la panacée. Ne parlons alors même pas de la question subalterne à cette foutue notion de "liberté" : le choix ; le "libre-arbitre". Le libre-arbitre n’existe, lui, tout simplement pas.
       
      Alors, même s’il me semble que l’image du corps humain soit une bonne image pour représenter le corps social, cette image comporte aussi des limites. Et la plus évidente de ces limites réside précisément dans la façon dont nous percevons les différents organes, et singulièrement le cerveau.
       
      Dans notre conception "moderne" du cerveau, il est l’organe central, le plus important. Et cela parait logique, puisque si le cerveau ne fonctionne plus, le corps meurt. Mais un cerveau qui fonctionne peut néanmoins être malade, psychiquement gravement atteint. Le cerveau d’un psychopathe fonctionne, techniquement, aussi bien que le vôtre ou le mien. Parfois même mieux (de nombreux psychopathe sont doués d’une grande intelligence, supérieure à la moyenne). D’autre part, pour que le cerveau fonctionne bien, il a besoin de toute une série d’autres organes, à commencer par le cœur, car sans oxygène, le cerveau ne fonctionne pas. En fait, le corps humain est un tout. Si chaque organe a une fonction, il y a de nombreuses cellules qui sont multi-tâches, même si certaines cellules sont spécialisées. De plus, il faudrait une solide connaissance du corps humain pour pouvoir concevoir sérieusement un système social sur ce modèle, sans quoi nous commettrions des erreurs grossières, des sophismes réducteurs, des simplifications outrancières.
       
      Alors, un "gouvernement / cerveau" spécialisé ? C’est une autre façon de désigner l’aristocratie, le "gouvernement des meilleurs" : la condition sine qua non à cette aristocratie, c’est un contrôle sévère et permanent de ces "cellules spécialisées", afin qu’elle restent les meilleurs, ET un traitement économique égal à toutes les autres cellules.
       
      Cordialement,
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 3 décembre 2013 12:23

      Morpheus, enfin !
      Vous vous référez à Aristote lorsqu’il dit que le sort convient à la démocratie (et l’élection à l’aristocratie), pas vrai ? Alors pourquoi ne plus le suivre lorsqu’il vous dit que la démocratie est le régime de la liberté et non celui de l’égalité ?


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 13:49

      Parce que je ne me réfère pas à Aristote qui, s’il a l’honnêteté intellectuelle de dire l’évidence concernant la procédure du tirage au sort, n’en demeure pas moins un adversaire de la démocratie. Sa conception de celle-ci ne saurait donc être juste en tout, et concernant le fait que l’égalité EST le critère déterminant de la démocratie et pas la liberté, je persiste et signe. Si les grecs avaient au moins quatre termes pour parler de l’égalité, ce n’est pas anecdotique.
       
      La liberté évoquée par les grecs pour parler de la démocratie, c’est le concept d’autonomie, sous le vocable éleuthéria, l’idéal politique partagé tant par les oligarques que les démocrates.
       
      Dans la sphère publique, l’éleuthéria était le droit de chaque citoyen à participer au fonctionnement des institutions ; en privé, c’était le droit de chaque citoyen de vivre comme il l’entendait sans attenter à la liberté d’autrui (zèn hôs boulêtai tis).
       
      L’adjectif éleuthéros signifiant "libre" désigne une personne libre par opposition à un esclave (doulos), ou un citoyen de naissance par rapport à un étranger libre (xénos). Donc lorsque Aristote parle de la liberté démocratique, c’est en ce sens-là : l’opposition au statut d’esclave, non en tant qu’idéal démocratique au sens où les modernes (nous) l’entendons.
       
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 3 décembre 2013 14:11

      Et moi je pense que s’il y avait plusieurs nuances d’égalité (iségoria, isonomia, etc.), c’est précisément parce que l’égalité en soi, rapportée à rien, ne veut rien dire. On est égal vis-à-vis de quelque chose (même liberté de parole, même poids devant la loi, etc.).
      Les Grecs l’entendaient bien comme ça : la politique était la discipline-reine et la liberté (liberté positive, donc politique) leur premier souci.
       
      Je ne fais pas d’Aristote un "ennemi" de la démocratie. Ça, Morpheus, désolé mais c’est du langage chouardien pour petits enfants en proie aux "affreux" (je vous fais le pari que Chouard n’a jamais rien lu d’Aristote !!). Aristote était un témoin qui se voulait aussi objectif que possible, d’ailleurs il ne niait pas, contrairement à son maître, un certain bon sens général et roboratif au sens des classes moyennes, les plus nombreuses.
       
      Je répète ce que j’ai dit Morpheus, vous avez des côtés dogmatiques que vous niez dans la certitude de vous placer au service des plus humbles.


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 14:16

      Peut-être, Eric, et comme je tolère que vous vous fassiez la voix des hommes de biens, il faudra bien souffrir que je me fasse le farouche défenseur des humbles, d’autant plus que j’en fais partie smiley
       
      Cordialement,
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 3 décembre 2013 14:24

      Je fais aussi partie des humbles, ne m’oubliez pas. smiley


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 18:53

    Je voudrais revenir sur quelque chose que dit Eric à propos du rôle "reliant" de la sphère politique. 


    Ce n’est pas du tout en contradiction avec la triarticulation de l’organisme social. C’est vrai que le politique est plutôt ce qui "relie" la dimension "angélisante" culturelle et la dimension "démonisante" économique. Donc, OUI, le politique est le lieu spécifique de l’Homme. Mais en même temps ce centre de la croix n’existerait pas sans les montants de la croix, il serait le milieu de rien, l’axe d’une balance sans balance, voyez-vous ? 

    Et le fait que la politique occupe une position "centrale" dans le jeu des sphères ne lui donne pas le pouvoir de dénier aux autres sphères leur autonomie respective (est autonome ce qui a son propre principe directeur et qui porte sa propre valeur de référence en soi). Si elle le fait, elle n’a plus rien à relier et alors elle n’est plus "reliante" mais "englobante" ! Alors le triangle disparaît et il n’y a plus qu’un rond fermé contenant un segment opposant deux points, notre impasse actuelle. 

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 19:33

      Ok, et je me suis mal fait comprendre en vous répondant plus haut. Je voulais dire ceci :
       
      - L’emprise spirituelle impose certes une certaine disposition à l’esprit, mais ne nie pas la spiritualité.
      - L’emprise économique est tellement envahissante qu’elle étouffe tout le reste et finit par s’imposer aussi, exacerbant la propension à la possession économique, donc à l’animalité (matérielle) de l’homme.
      - Le totalitarisme n’est pas au même niveau au sens où il ne reconnaît même pas le caractère politique des êtres humains. Je sais bien que du coup, en employant les mêmes schémas que les deux autres champs on en viendrait à déplorer la démocratie directe (qui, elle, figurerait parfaitement l’emprise politique que j’appelle de mes vœux) mais cela doit vous montrer à quel point la politique est une sphère qui peut englober les autres.
      Le totalitarisme nie tout, pas la théocratie ni le marché. Il englobe, cumule toutes les autres tares en plus des siennes.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 19:51

      L’emprise religieuse (dogmatique) constitue un frein considérable à l’évolution spirituelle, quand elle n’est pas carrément un dévoiement pervers de celle-ci. Dans tous les cas, je rejoins l’idée que l’emprise théocratique n’a rien à voir avec la spiritualité, même si, à l’intérieur de diverses religions, certains individus sont parvenu à se frayer une voie spirituelle ; je ferais alors remarquer que les théocrates ont utilisé ces exceptions remarquables pour justifier à peu de frais leur mythologie, mais c’est une récupération odieuse. Véritablement odieuse.
      Morpheus


    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 20:19

      Je suis d’ accord avec le fait que l’emprise religieuse prive l’individu de l’activité spirituelle en interdisant toute liberté d’exploration spirituelle et par ce fait même, elle nie la spiritualité.

      L’ ’emprise chrématistique (et non économique) nie l’économique.

      Il en est de même pour l’emprise politique qui nie le caractère politique des êtres humains qui ne deviennent que des choses à gérer ( cfr 1984 de Orwell ).

      Moi je vois une cohérence entre ces trois emprises !

      Gueguen se retrouve seul contre tous et je le déplore, il ne faut pas qu’il pense qu’on s’acharne contre lui car peut être est il celui qui a raison !


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 20:50

      @ Eric Guégen "- Le totalitarisme n’est pas au même niveau au sens où il ne reconnaît même pas le caractère politique des êtres humains."


      C’est le contraire qui est vrai. L’Etat totalitaire est une société dans laquelle la politique infiltre tout. Il ne reconnaît QUE le caractère politique des êtres humains mais bien sûr dans une conception totalitaire et par conséquent totalement absurde de la politique. L’individu n’existe plus comme être culturel ni comme être économique mais seulement comme atome de l’Etat. Il est interdit dans un Etat totalitaire d’exister autrement que comme partie de l’Etat et il est obligatoire de représenter la totalité de l’Etat en étant soi-même un agent dissolvant de la puissance étatique. Chacun n’est plus que la particule de la sphère politique et uniquement de la sphère politique, mais en même temps celle-ci n’a plus aucun sens puisqu’elle n’a plus rien à articuler par le fait même qu’elle englobe tout ! C’est ce qui produit la "déréalisation" et finalement la démence décrite par les victimes des sociétés totalitaires. Cette prédominance absolue du politique produit un enfer social ou chacun est le surveillant politique de tous et inversement. Rien n’échappe au domaine public : votre trou du cul perd son caractère privé, car vous pouvez avoir un trou du cul dissident qui porte atteinte à la sécurité de l’Etat. L’Etat totalitaire est un système qui fait de l’individu un être totalement et uniquement politique.

      Or, tout en ayant conscience que mon humanité se définit par ma capacité de me constituer en être politique, je veux aussi que certaines parties de moi et que certains moments de ma vie puissent ne pas être politiques. Celui qui me dénierait ce droit, je le qualifierais de promoteur du totalitarisme. Et je tenterais de l’informer que pour que la politique ait un sens et qu’elle donne sens à l’humanité, il faut justement que tout ne soit pas politique en l’humain afin que la politique puise s’exercer sur ce qui ne l’est pas et qu’elle puisse relier les êtres au lieu de les dissoudre. 




    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 20:50

      Non non Machiavel, ne vous en faites pas, je ne me sens pas mal à l’aise. J’aime être seul contre tous. smiley
      Je ne pars pas des mêmes prémisses, je ne risque pas d’arriver au même résultat. Pour moi, nous ne naissons pas individus, à partir de là, rien n’est pareil.
       
      Et j’ajouterais que notre régime actuel, économique à foison, permet tout à fait le culturel. Elle le nivelle sans distinction, mais tout est permis, tout est accessible, on ne peut le nier. En fait, seule la politique est négligée, elle est le seul parent pauvre. C’est en ce sens que je veux introduire le temps politique dans la vie des gens, jouant des coudes entre vie professionnelle et vie domestique. Voilà une petite révolution : la politique va devoir se rappeler au bon souvenir des gens qui, dans leur immense majorité, ne savent même pas ce que c’est.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 20:59

      Je suis d’accord que nous ne naissons pas individus, mais que le processus d’individuation se poursuit tout au long de la vie.
      Concernant le problème de la culture, je renvois aux deux conférences gesticulées (Inculture(s) 1 et Inculture(s) 2).
      Jouissif ET très instructif (on apprend plein de trucs).
      _ _ _
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 21:06

      Je ne suis absolument pas d’accord avec vous Gaspard, mais cela vient du fait que nous n’avons pas la même conception de la politique. C’est un peu comme ces gens qui me disent "la politique, c’est saoulant". Certes, mais je ne parle pas de la même politique non plus.
      La politique est à mes yeux l’art de produire de l’ordre ou il y a du désordre, ce qui implique du mouvement permanent. Le totalitarisme fige la société et ne permet aucun mouvement.
      La politique est un jeu de taquin, et vous, vous m’opposez un mur de briques.
      Le tout-politique, ce n’est pas le totalitarisme, c’est l’activité politique qui prime dans la vie des gens devenus pleinement citoyens, comme peuvent très bien le faire la religion devenue centrale dans la vie des croyants, ou la consommation dans celle des homo mercator.
       
      Dites-moi, Gaspard, comment inscrivez-vous les Émirats Arabes Unis dans la tripartition sociale ? Ils s’en remettent aveuglément à la religion, l’émir décide seul de la politique à tenir et sont devenus aussi gras et matérialistes que les Américains... dur-dur !


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 21:12

      Morpheus, ravi que nous soyons d’accord sur ce point, mais dans ce cas ne vous faut-il pas assumer ce qui est afférent à notre appartenance originelle ?
      Je veux dire par là que, pour le coup, nous ne sommes plus ayants droits. Si la communauté nous précède, c’est dans le respect des devoirs que nous devons lui porter que nous méritons nos droits. Et beaucoup d’autres choses qui mettent un terme à l’idée d’un contrat social, défendu par Chouard...


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 21:15

      "La politique est à mes yeux l’art de produire de l’ordre ou il y a du désordre, ce qui implique du mouvement permanent. Le totalitarisme fige la société et ne permet aucun mouvement."


      Ah mais je vous rassure : je n’ai pas non plus une conception totalitaire de la politique ! smiley

      Mais voulez-vous dire que vous refusez d’employer le mot "politique" d’une manière simplement désignative et que vous ne voulez l’employer que d’une manière qualitative ?

      Mais le totalitarisme est bien un système "politique", non ??



    • maQiavel machiavel1983 2 décembre 2013 21:20

      -comment inscrivez-vous les Émirats Arabes Unis dans la tripartition sociale ? Ils s’en remettent aveuglément à la religion, l’émir décide seul de la politique à tenir et sont devenus aussi gras et matérialistes que les Américains... dur-dur !

      Ca me rappelle la question que Guguen m’a posé plus haut « Un économiste, c’est quoi ? Un pion de la sphère politique ? Économique ? Culturelle ? ».

      Encore une fois on se trouve dans une société qui n’est pas trinitaire, en l’absence de tripartition, toute société moderne tend vers l’une ou l’autre des formes que l’on a décrit plus haut et souvent, ça donne le totalitarisme marchand (qui est une combinaison totalisante de toutes les formes morbides que l’ on a décrit , tout est imbriqué avec tout et rien n’ est autonome , soit chrématistique+totalitarisme +théocratie y compris dans nos sociétés occidentales , cfr la religion laïque ).


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 21:22

      "Le tout-politique, ce n’est pas le totalitarisme"


      Le "politique total" alors ? smiley

      Eric, diriez-vous que "tout est dans l’État et rien d’humain et de spirituel n’existe et encore moins n’a de valeur hors de l’État" ?

      (Attention, il y a un piège)


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 21:44

      @ Machiavel1983 :
       
      Je répète la question : comment inscrire les Émirats dans la tripartition, autrement dit sont-ils dans une outrance commerciale, une outrance spirituelle, une outrance politique  ? Les trois à la fois ??? Autre chose ?
      J’y suis allé. J’y ai vu une royauté théocratique hyper-capitaliste.
      Si vous me dites qu’ils ne rentrent pas dans le cadre d’un découpage tripartite parce qu’ils la refusent, je vous répondrais qu’est-ce que le totalitarisme avait à fiche de la tripartition ?
       
      PS : Machiavel, vous vous adossez à la tripartition comme si vous la défendiez depuis des années, c’est amusant.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 21:56

      @ Gaspard :
       
      Vous cadenassez le politique dans le giron de l’État. Si je peux me permettre d’éviter l’écueil du fascisme, c’est précisément parce que je ne cloisonne pas le politique dans l’État. L’homme est animal politique, politique au sens qu’il n’est rien sans vis-à-vis, sans le regard d’autrui. Un État totalitaire nie son animalité politique, comme il nie son animalité économique en maintenant le peuple dans une misère matérielle nivelée, comme il nie son besoin culturel en l’empêchant d’accéder à la connaissance. Totalitaire, au sens de négation total, de nihilisme, l’enfer sur Terre.
       
      Gaspard, les Grecs n’ont pas attendu l’État pour faire de la politique. L’État, c’était eux. Pas d’accord ? La Grèce, c’était un tout-politique, architectonique, pas un totalitarisme.


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 22:01

      Je connais trop mal les Emirats arabes et leur histoire pour pouvoir répondre en détails. Je ne sais même pas si cette région du monde peut être considérée comme une nation ou seulement une fédération de tribus. 


      Il semble que ce soit un système politique autoritaire fondé sur le pouvoir économique, donc clairement une oligarchie. Le fait qu’ils appliquent des règles religieuses ne vient pas du fait que le clergé est dominant mais que les riches imposent leur propre religion car ils ne connaissent que celle-ci et y sont habitués, comme ils peuvent imposer toutes leurs autres volontés sur leurs territoires, uniquement parce qu’ils sont riches. Il y a prédominance de l’élément économique, avec toute la vulgarité et la domination des gros vers avides dont je parle plus haut.

      Mais pourquoi cette question ?

    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 22:11

      "Si je peux me permettre d’éviter l’écueil du fascisme, c’est précisément parce que je ne cloisonne pas le politique dans l’État."


      D’accord, mais alors quand vous dites que la sphère politique englobe (ou devrait englober) la sphère économique et la sphère culturelle, concrètement, comment voyez-vous ça ? C’est juste par envie de le dire parce que cela vous semble une disposition exacte dans le monde des idées ou bien ça implique quelque chose du point de vue institutionnel ou même constitutionnel ? 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 22:13

      Parce qu’en l’occurrence, on a affaire à une outrance dans les trois compartiments à la fois. Ce n’est pas comme si l’un des trois mangeait les autres.
      De manière générale, l’islam est LE trublion. Il mélange culture et politique, les entremêlent au point de ne plus faire de la religion un élément culturel, mais proprement politique. Alors quand, en plus de ça, ses représentants se décomplexent vis-à-vis de la vente de barils de pétrole...


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 22:19

      "De manière générale, l’islam est LE trublion. Il mélange culture et politique, les entremêlent au point de ne plus faire de la religion un élément culturel"


      C’est vrai, mais ça me semble plus net en Iran par exemple. Parce qu’un homme peut y avoir du pouvoir politique uniquement par la religion, même sans être très riche. Dans les Emirats, j’en doute !


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 22:20

      Ce que je veux dire, c’est que dans l’ordre des fins (finalités), le commerce est rétrogradé par rapport à l’activité politique (en démocratie). Je ne veux pas dire que la politique dicte ses ordres au commerce. D’eux-mêmes, les citoyens confèrent une plus grande noblesse à la politique, gage de leurs libertés, qu’à l’activité commerciale. La politique est tellement présente que la religion et le théâtre, eux-mêmes, sont des outils politiques, des éléments de cohésion.
      De même, les Romains ne demandaient pas que l’on croit à tous leurs dieux, ils demandaient juste à ce que l’on participe aux liturgies, pour "créer" du commun.
      Aucun totalitarisme là-dedans Gaspard, mais en revanche du "tout-politique". Cela dit, j’ai peut-être mal choisi mon terme, je vous l’accorderai volontiers.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 22:22

      Je crois que dans les Émirats la richesse ne fait pas tout. Il y a la tradition également, et le "respect" dû aux grandes familles ayant fait sortir des tours du sable il y a quarante ans. Ce ne sont là que des hypothèses de ma part.


    • Morpheus Morpheus 2 décembre 2013 22:30

      [pour le coup, nous ne sommes plus ayants droits. Si la communauté nous précède, c’est dans le respect des devoirs que nous devons lui porter que nous méritons nos droits. Et beaucoup d’autres choses qui mettent un terme à l’idée d’un contrat social, défendu par Chouard...]
      R/ Tss, tss, Eric, ne soyez pas si binaire, voyons ! smiley
      Le fait que je ne naisse pas individu, mais que le processus d’individuation se poursuit tout au long de la vie démontre que communauté et individuation dépendent les uns des autres : c’est un processus, donc une dynamique entre partenaires. Je n’ai pas demandé à naître, pourtant mes parents (et la communauté dans laquelle ils s’individualisent) ont voulu que je naisse. Bon, voilà, je suis là, et en grandissant, je nourrit mon processus d’individuation grâce à mes rapports aux autres (et à la communauté, donc) ET VICE VERSA !
      Voyez ?
      C’est dans les deux sens. Oui, "je dois" à mes parents, oui, "je dois" à mon institutrice, oui, "je dois" à mes profs, ... Mais si je n’existe pas, qu’est-ce qui nourrit le processus d’individuation de mes parents, de mon institutrice, de mes profs, ... ?
      Surtout, souvenez-vous : personne n’a demandé à naître. Faudrait-il justifier d’une existence a priori non réclamée ?
      Le piège du "je dois" est le même que le piège du "je suis un pécheur, je dois m’amender de fautes abominables que j’aurais commise avant même de venir au monde" (doctrine du péché originel en résumé et en clair).
      C’est par ce piège-là que, précisément, nous obtenons - et déplorons (remarquez qu’à un moment, il faudra décider entre les deux) - ce que nous appelons "la servitude volontaire".
      En réalité - et quelque soit notre âge, notre sexe, notre niveau d’éducation, de fortune, notre couleur de peau, notre orientation sexuelle, etc. nous nous devons mutuellement. C’est ça, la notion d’égalité. Nous participons tous, chacun à sa manière, à une dynamique interdépendante ; le principe central de ce processus dynamique, c’est la loi de causalité réciproque - RÉ-CI-PROQUE !
      De là, le contrat social défendu par Chouard prend tout son sens.
       smiley
      Morpheus


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 22:47

      Tsss, tsss, tsss... si vos parents ont décidé d’avoir des enfants, c’est parce que le cadre dans lequel ils vivaient le leur ont permis. Nous sommes toutes et tous des héritiers, des débiteurs, nous appartenons à une nation qui nous a précédés et qui nous survivra.
      La nation doit permettre à chacun d’évoluer selon son potentiel, et chacun évolue dans le respect et le soutien de la nation. Voilà en quoi il y a va-et-vient, et voilà le seul, l’unique moyen honnête de légitimer la taxation des riches. Le riche refuse de payer ? C’est son droit, mais la nation le récuse.
       
      Il y a contrat entre gens volontaires et tout contrat doit pouvoir se rompre. Nous sommes-nous tous volontairement réunis en société ? NON. Pouvons-nous rompre ce soi-disant contrat à tout moment ? NON PLUS. Mais Chouard n’a pas pensé à tout ça, croyez-moi, il a la tête ailleurs. smiley


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 23:19

      Eric, tant que la prédominance de la sphère politique ne s’inscrit pas dans des lois ou des institutions, ce n’est qu’une prédominance "ressentie" - vraie ou fausse, mais qu’importe ? - et alors elle ne me pose aucun problème. Celui qui est moins "cardiaque" et plus "métabolique" que vous, pour qui la fonction digestive est importante, pourra très bien ressentir que l’économique est prédominant parce son ventre a peur de manquer. Tant qu’il ne me propose pas de vendre la cité à de riches marchands de soupe, ça ne m’inquiétera pas non plus. Pareil pour celui qui est d’une nature plus aérienne et qui me soutient que le souffle de l’esprit précède toute organisation sociale. Tant qu’il ne prétend pas mettre des chefs religieux aux commandes de l’Etat, je lui laisse son impression. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 23:25

      Idem pour celui qui refuse en bloc de se servir de son cerveau, il ne me dérange pas... tant qu’il n’a pas de prétention à la participation politique par seul souci de ses droits imprescriptibles. Parce que SA négligence volontaire devient alors MA négligence subie.
      L’homme n’est pas qu’un estomac sur pattes, il n’a pas un cerveau par hasard. Ce n’est pas une opinion de ma part, c’est un fait. Un fait.


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 23:27

      En effet !


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 23:30

      "Il y a contrat entre gens volontaires et tout contrat doit pouvoir se rompre. Nous sommes-nous tous volontairement réunis en société ? NON. Pouvons-nous rompre ce soi-disant contrat à tout moment ? NON PLUS. Mais Chouard n’a pas pensé à tout ça"


      Il ne pense qu’à ça, puisqu’il veut que nous nous réunissions pour former une constituante. Et il propose que le contrat puisse être révisée par la souveraineté populaire. 


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 23:32

      "révisé"


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 décembre 2013 23:36

      "L’homme n’est pas qu’un estomac sur pattes"


      C’est pour cela que je parle de la société à dominance marchande comme de la société des gros vers : juste un intestin, même pas de pattes. Et le cerveau... heu, on ne sait pas vraiment. 

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 2 décembre 2013 23:44

      Si Chouard avait réellement saisi l’esprit grec en politique, le "contrat social" ne ferait plus partie de son vocabulaire. Mais peut-être n’a-t-il jamais prétendu comprendre les rouages profonds de la démocratie grecque. Dans ce cas il est en accord avec lui-même.
       
      Gaspard, il n’y a donc vraiment rien que vous puissiez reprocher à Chouard ? Nous sommes à ce point dans la merde que vous acceptez tout ce qu’il dit comme autant de pis-aller ?


    • Morpheus Morpheus 3 décembre 2013 00:15

      [celui qui refuse en bloc de se servir de son cerveau, il ne me dérange pas... tant qu’il n’a pas de prétention à la participation politique par seul souci de ses droits imprescriptibles.]
       
      Eric, et si MOI (je me prend en exemple, mais on peut dire "tous ceux") j’ai la "prétention" de participer à la chose publique, politique, afin de faire valoir mes droits imprescriptibles, je fais QUOI ? Concrètement ?
       
      Mais attention, hein : ne viens pas me sortir l’inévitable tarte à la crème « entre en politique ». Tu sais ce que je pense de la politikè et tu sais que je refuse de me laisser pervertir par ce jeux de dupes. Tu sais en outre qu’à moins de sucer beaucoup, beaucoup, beaucoup de queues (et d’avaler des tonnes de ... afin t’as compris), je n’en ai pas les moyens - et n’en aurai sans doute jamais.
       
      Donc, je fais QUOI ?
       ...
      Morpheus


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 3 décembre 2013 00:50

      "Gaspard, il n’y a donc vraiment rien que vous puissiez reprocher à Chouard ? Nous sommes à ce point dans la merde que vous acceptez tout ce qu’il dit comme autant de pis-aller ?"


      Je suis quelqu’un de très pragmatique. Chouard fait des propositions concrètes qui me semblent jouables pour faire bouger ce gros corps mort qu’est devenu la France. Je ne lui demande pas d’être parfait ou d’avoir tout compris. S’il peut redonner un sens politique à une partie de la population, je trouve qu’il est utile. 

Réagir