Ramadan explique la nation et critique Ernest Renan
Vous pouvez consulter la vidéos de la conférence pour situer ainsi les propos dans leur contexte
http://www.lexilogos.com/document/renan/nation.htm
http://www.youtube.com/watch?v=Tm5VDN_7PjE
http://www.youtube.com/watch?v=RQvrO3e4jNE
http://www.youtube.com/watch?v=vEUoTWDMEko
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu... »
Ramadan a compris l’importance du discours. En politique aussi la parole a son importance. Les sophistes ont monnayé leur savoir. Le vainqueur et le dominant écrivent leur histoire et celle des autres : les vaincus et les faibles.
Ramadan le sait et ne se trompe pas d’utiliser le verbe comme arme de conquête. Et il a en face de lui une foule oh combien désarmée, en détresse, désorientée, sans repères ou assoiffée de revanche contre qui et contre quoi ?
Comme le messie, il apporte la parole qui console, qui redonne confiance, qui répare les blessures de l’égo et de l’âme. Il a le talent de l’escroc, qui sait séduire sa victime en sondant ses besoins, ses maux, ses frustrations. Et il lui dit les mots qu’elle attend, souhaite entendre.
Il ne fait pas des conférences pour échanger, partager un savoir. Mais il fait de l’exhortation, il donne des conseils, coache en quelque sorte son auditoire : Faites ceci, et ne faites pas cela. Il a dorénavant l’emprise du gourou sur un public acquis à son enseignement.
Et c’est donc sans surprise que Ramadan invite son auditoire à revoir son histoire, sa langue, le regard qu’il porte sur soi.
Dans cette conférence du 30 novembre 2012 à la bourse du travail de Saint-Denis, organisée par le Ccif , bien sûr le thème principal fut l’islamophobie (qui se prête ensuite à toute sorte de variations).
Il débute son discours en parlant de résistance, et de privation de liberté d’expression en ce qui le concerne. Je trouve dommage que l’on le prive de parler. Au contraire, il se révèle quand il parle et non seulement il révèle qu’il n’est pas si expert que cela du monde arabe, mais surtout qu’il est un démagogue, prêt à déformer la pensée de Ernest Renan pour réécrire son histoire.
En l’occurrence il estime que la notion de la nation n’est pas exacte telle qu’elle est connue et enseignée. Elle est tronquée. Par conséquent, c’est aux musulmans français que revient la charge de dire ce que c’est que la nation. Pour cela, il donne de sa personne pour expliquer comment s’y prendre.
La terminologie
La terminologie est importante pour Ramadan. Il situe la résistance dans l’utilisation des mots autant que d’autres la situent sur le terrain avec d’autres moyens.
Lui, l’intellectuel, son outil c’est le maniement du verbe. Le verbe, voilà ce qui fera gagner les musulmans.
Il répond à l’argument de ceux qui considèrent que l’islamophobie n’existe pas, que c’est un terme forgé par les Iraniens des Ayatollah, que c’est un concept idéologique pour expliquer que les musulmans sont victimes, c’est un moyen d’entretenir un esprit victimaire. Ramadan explique que ceux qui sont contre la reconnaissance de l’islamophobie soupçonnent le concept comme moyen d’empêcher toute critique de l’islam et des musulmans. Mais ne développe pas plus que cela son propos sur comment on peut critiquer l’islam ou les musulmans sans risquer d’être qualifié d’islamophobe, et par conséquent raciste. Et probablement plus tard risquer une condamnation pour délit d’islamophobie.
Ramadan, nous explique que le début de la résistance se situe non dans l’ordre du droit mais dans l’ordre de la terminologie et le vocabulaire. Il estime ainsi qu’il faut contester parfois les définitions que les autres donnent aux mots. Selon lui, il y a en Occident l’émergence d’un nouveau type de racisme qui consiste à cibler et des femmes et des hommes pour la seule raison qu’ils sont perçus ou définis comme appartenant à une religion d’origine, de noms ou de situation sociale.
Voilà donc Ramadan et Sarkosy qui sont d’accord. Sarkozy nous a déjà parlé du musulman d’apparence. Ramadan est beaucoup plus prolixe et nous parle de religion de noms ou de situation.
Les noms sont d’abord des noms arabes et non des noms musulmans. Même si certains prénoms ont une connotation religieuse chez certaines communautés. Les chiites ne portent presque jamais par exemple les prénoms tels que Yazid, Mu’awiya, ou encore Soufiane. Mais cela reste de l’ordre de l’hypothétique, parce que rien n’est moins sûr quant aux motivations des parents pour le choix des prénoms. Que dire de la situation sociale ou du nom de famille ?
Pour Ramadan, l’important n’est pas tant de se dire victime de l’islamophobie que d’être sujet de son histoire. Ce sont les musulmans qui devront déterminer où et quand commence le processus de discrimination.
Le récit commun
Selon Ramadan, la position de sujet n’est pas seulement une position intellectuelle. C’est une position psychologique, une position affective, c’est une position qui fait sienne l’idée du récit commun. Et le récit commun c’est le récit de la nation.
Je dois dire que Ramadan a déraillé complètement en s’aventurant sur le thème de la nation. Il a purement et simplement affabulé en parlant de la pensée de Renan.
Mais que faire. Face à lui,il a un auditoire non critique, qui boit ses paroles comme s’il s’agit d’un prophète. Il a ainsi expliqué que le discours sur l’altérité est un discours produit par des orientalistes, il a été repris par des Arabes ne vivant pas en Occident, qui l’ont diffusé auprès de populations immigrées. Ce discours consiste à demander aux populations immigrées (et aussi les nouvelles générations) de ne pas prendre la nationalité du pays d’accueil, parce que ce n’est pas leur pays. Sous-entend-il que les difficultés d’intégration ont été voulues par le pays d’accueil ? Que les politiques européens (notamment français) avaient le dessein occulte de marginaliser et d’exclure la population immigrée en contradiction flagrante avec son discours officiel ? Ramadan n’a pas donné plus de précision et je ne sais pas s’il y a eu des éclaircissement à ce sujet de la part du public. Heureusement, que l’on assiste à l’émergence d’une nouvelle pensée qui dévoile le piège. Ce discours a été donc répété dans le pays d’origine mais produit et voulu par le pays d’accueil, à savoir que les immigrées et leurs enfants restent des étrangers, les étrangers de l’intérieur. Je dois avouer que je ne sais pas à qui il fait référence ni comment il en a déduit ce genre de conclusions. Il n’a pas donné de noms, ni cité des livres ou d’études.
Ernest Renan exclut de la nation ceux qui ne parlent pas bien le français...
Ceci est la grande pensée de Renan, d’après le professeur Ramadan. Et il nous explique que certains Arabes ont suivi sa pensée. Pourtant, il est très connu que Renan avait écrit son texte sur la nation en réponse à la conception allemande. Une conception trop racialiste et qui fait du partage de la langue un élément déterminant dans la définition de la nation. Ramadan fait dire à Renan le contraire de ce qu’il a écrit et défendu. Il suffit de lire son texte : « Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les États-Unis et l’Angleterre, l’Amérique espagnole et l’Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose de supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obtenue par des vexations.
Un fait honorable pour la France, c’est qu’elle n’a jamais cherché à obtenir l’unité de la langue par des mesures de coercition. Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ? Nous parlions tout à l’heure de l’inconvénient qu’il y aurait à faire dépendre la politique internationale de l’ethnographie. Il n’y en aurait pas moins à la faire dépendre de la philologie comparée. Laissons à ces intéressantes études l’entière liberté de leurs discussions ; ne les mêlons pas à ce qui en altérerait la sérénité. L’importance politique qu’on attache aux langues vient de ce qu’on les regarde comme des signes de race. Rien de plus faux. La Prusse, où l’on ne parle plus qu’allemand, parlait slave il y a quelques siècles ; le pays de Galles parle anglais ; la Gaule et l’Espagne parlent l’idiome primitif d’Albe la Longue ; l’Égypte parle arabe ; les exemples sont innombrables. Même aux origines, la similitude de langue n’entraînait pas la similitude de race. Prenons la tribu proto-aryenne ou proto-sémite ; il s’y trouvait des esclaves qui parlaient la même langue que leurs maîtres ; or l’esclave était alors bien souvent d’une race différente de celle de son maître. Répétons-le : ces divisions de langues indo-européennes, de sémitiques et autres, créées avec une si admirable sagacité par la philologie comparée, ne coïncident pas avec les divisions de l’anthropologie. Les langues sont des formations historiques, qui indiquent peu de choses sur le sang de ceux qui les parlent, et qui, en tout cas, ne sauraient enchaîner la liberté humaine, quand il s’agit de déterminer la famille avec laquelle on s’unit pour la vie et pour la mort. ».
l’ordre de la citoyenneté
Ramadan explique ensuite que la citoyenneté, d’après certains, c’est de respecter les lois de l’État. Ce qui a été fait, les musulmans ont travaillé leurs textes, la jurisprudence, ont produit des livres. Mais ils réalisent finalement qu’ils ont été trompés, et qu’ils se sont trompés parce la façon d’aborder le sujet était problématique. En fait, ils pensaient qu’il suffisait d’accepter la loi pour que le discours du politique, le discours national les intègre.
Au final, les musulmans français réalisent que l’histoire de l’identité française est une histoire sélective, en plus d’enlever toute la part de contribution de l’autre (qui est conçu comme étranger au corps national) et le regard critique à cette contribution. Donc il faut se positionner dans la nation française et dire que l’islam est une religion française, ne plus parler d’un islam de France. Mais tout simplement de l’islam.
Pour conclure : dans le reste de sa conférence, il a bien parlé de beaucoup de chose très politiquement correct. Il faut condamner tous les racismes (et donc l’islamophobie) et ne pas hiérarchiser entre les racismes comme le font certains. Si ces derniers ont pu créer la confusion entre d’une part l’anti-sionnisme et la critique de la politique coloniale et impérialiste d’Israêl et de l’autre côté l’antisémitisme, il est tout à fait logique que le même raisonnement aboutisse à rendre l’islamophobie non en tant qu’expression d’une opinion ou d’un sentiment, mais un délit comme il en est fait mention dans la fiche de la compagne contre l’islamophobie.
Quant à la langue arabe, son étude est déjà programmée et ce depuis des années, qu’elle s’agisse de l’arabe classique ou de l’arabe dialectal
http://www.langue-arabe.fr/spip.php?article25
http://www.youtube.com/watch?v=qqL-pUxLfIs
http://www.langue-arabe.fr/IMG/pdf/ressources_Massi-Harrachi.pdf
http://www.langue-arabe.fr/spip.php?article16
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2012/rentree2012_arabe.aspx
http://www.college-de-france.fr/site/bibliotheques-archives/bibliotheque-de-la-section-arabe.htm#|p=../bibliotheques-archives/bibliotheque-de-la-section-arabe.htm|