La menace de guerre en Syrie, un coup de bluff ?
Cet article est une nouvelle mouture d'un autre article n'étant pas passé à la modération pour diverses raisons, la principale étant que je n'avais encore pas assez d'éléments videos pour étayer mes propos. Au vu de l'évolution de la situation, je peux désormais présenter un article s'appuyant sur les évènements récents pour les mettre en perspective et en proposer une lecture nouvelle, à ma connaissance inédite dans la presse "mainstream".
Après n’avoir rien fait pendant près de 2 ans de guerre civile en Syrie, une coalition de pays a trouvé dans la visite des inspecteurs de l’ONU une occasion de montrer les dents face au régime de Bachar El Assad.
Motivés par une attaque à l’arme chimique dont l’origine reste encore indéterminée, les Etats Unis, la France et la Turquie entre autres ont déclaré haut et fort leur intention d’intervenir pour ne pas laisser ce crime "impuni", déchainant ainsi les passions des opinions publiques du monde entier sur ce conflit qui aurait sans nul doute disparu progressivement des préoccupations.
Je vous propose de laisser de côté le débat sur la véracité de l’attaque chimique, ainsi que d’écarter la question morale qui vaut toujours à l’échelle géopolitique comme prétexte à des stratégies la dépassant largement. Ce sont des objets de propagande et contre propagande qui entraînent des discussions sans fin et qui détournent notre attention des véritables enjeux stratégiques en nous poussant à prendre parti pour l’un ou l’autre camp.
Je vous propose donc plutôt d’essayer de deviner quels enjeux réels, forcément cachés, peuvent motiver, non pas l’intervention militaire, mais déjà la menace d’intervention militaire. Car depuis que l’ONU a fait son petit séjour en sol syrien, les USA et la France ne cessent de faire planer une menace ciblée contre le régime Assad. Depuis plusieurs semaines, cette menace n’a pas été appliquée et je pense qu’elle ne le sera pas. Et plus que cela, je pense qu’elle n’avait pas vocation à l’être.
J’ai la conviction que jamais ni les USA ni la France n’ont eu l’intention réelle d’intervenir militairement en Syrie car ils n’y ont aucun intérêt, ou plutôt car le "jeu" ne vaut pas la chandelle. La Syrie est incomparable à l’Irak ou l’Afghanistan car ses soutiens directs et l’ampleur de son pouvoir militaire sont bien supérieurs. Jamais un bombardement de quelques jours, comme il a été évoqué partout, aussi massif qu’il soit, ne fera tomber le régime Assad ni ne changera le rapport de force en présence. L’intervention de troupes au sol reste encore plus improbable tant les pertes seraient potentiellement élevées. Ces risques s’avèrent totalement inconsidérés pour les politiciens en place alors que les opinions publiques occidentales sont très défavorables à cette éventualité.
Aussi, c’est bien cette menace plus que l’intervention improbable qui pose question. Pourquoi menace-t-on devant le monde entier un pays ? Que peut-on ainsi escompter ? Face à une situation bloquée qui menaçait de dégénérer, l’ONU, et plus particulièrement sa composante atlantiste, a décidé d’agir... ou plutôt de montrer sa volonté d’agir. Les diplomaties du monde entier ont été d’un seul coup saisies par l’éventualité de cette guerre qui pourrait se mondialiser. La Russie et l’Iran ont vu alors l’opportunité de s’affirmer comme les principaux résistants de l’axe atlantistes, la France de se placer devant l’Angleterre dans cet axe, et de nombreux autres pays de se positionner comme puissances intermédiaires (ici l’Allemagne)
En même temps que réaffirmer une dichotomie très forte entre deux axes (issus de la guerre froide), la menace a aussi créé toute une série de positions nuancées, de points de vue intermédiaires. Si la menace avait été mise directement à execution, le conflit aurait eu toutes les chances d’éclater, non pas dans la région, mais la région elle-même. Et cela, personne vraiment n’y a aucun avantage.
Tout me porte donc à croire que ce plan a été fomenté de longue date par les USA et leurs alliés, et même possiblement par la Russie qui y avait tout avantage. Porter les plus graves accusations et la pire menace à Assad pour frapper un grand coup, non militairement car nous n’en avons pas les moyens, mais politiquement, diplomatiquement. Ainsi, les choses bloquées depuis des mois bougent enfin, les opinions se sentent d’un coup d’un seul embrasées par la question syrienne, et le monde entier souhaite désormais intervenir d’une manière ou d’une autre pour aider la Syrie. N’est-ce pas fantastique, tout cet engouement, même s’il est traversé de contradictions insolubles ?
J’affirme donc que cette menace n’a servi qu’à une chose : faire bouger les lignes diplomatiques bloquées depuis des mois, et surtout sur le point de disparaître des préoccupations internationales. Le guerre civile en Syrie ne peut plus être ignorée par personne, et les deux camps ne jouirons plus de l’impunité qui leur était ouverte par l’indifférence généralisée.
A cette heure, le conflit est encore l’objet de négociations en apparence acharnées au G20, mais dont l’issue est, n’en doutons pas, déjà prévue de longue date. Depuis les annonces menaçantes, l’on n’a cessé de trouver des circonstances atténuantes ou des éléments de doute face à l’intervention, et enfin, une solution diplomatique est en passe d’être trouvée grâce à nos super héros chefs d’Etat.
Le plus drôle dans cette histoire, c’est de voir à quelle vitesse ceux qui étaient prêts à intervenir à tout prix ont retourné leur veste. J’ai deux hypothèses concernant ces énergumènes : soit ils étaient au courant et étaient chargés de faire monter la pression, soit ils sont réellement naïfs et n’ont aucune compétence géopolitique. Je vous laisse vous faire votre propre avis...