lundi 19 octobre 2020 - par Le Cri des Peuples

17 octobre 1961 : le jour où la France a jeté les Algériens dans la Seine

Un massacre a été commis par la police française le 17 octobre 1961 contre des immigrés algériens qui étaient descendus dans la rue pour manifester contre un couvre-feu qui leur était imposé et réclamer l'indépendance de l'Algérie. La police a tué et jeté des dizaines, voire des centaines d'entre eux dans la Seine. Cette année, la commémoration de cet événement coïncide avec l'entrée en vigueur d'un couvre-feu sanitaire, destiné à lutter contre l'épidémie de Covid-19.

Source : Al-Jazeera, 17 octobre 2016

Traduction : lecridespeuples.fr

Le 17 octobre 1961 est l'un des événements les plus importants et les pires de l'histoire de la révolution algérienne, et il est décrit comme le massacre commis par la France contre des manifestants algériens qui sont descendus dans la rue pour manifester pacifiquement contre le couvre-feu imposé aux Algériens en Paris en 1961.

Le 17 octobre 1961, la police française, par ordre du gouverneur de la police de Paris, Maurice Papon, a abattu des immigrés algériens qui descendaient dans la rue lors d'immenses rassemblements au cours desquels les participants, plusieurs milliers selon les estimations, s'étaient réunis à l'invitation du Front de libération nationale pour protester contre un loi décrétée contre eux, et pour réclamer l'indépendance de leur pays, qui avait passé près de sept ans de lutte armée à l'époque.

Les événements remontent au 5 octobre 1961, lorsque Papon a émis un arrêté imposant un couvre-feu aux Algériens de huit heures du soir à cinq heures trente du matin. Les immigrés algériens ont naturellement considéré l'interdiction comme raciste et arbitraire.

Le 17 octobre 1961, à huit heures du soir, des milliers d'Algériens sont descendus dans les rues de Paris pour des manifestations pacifiques et se sont rassemblés sur les places publiques pour dénoncer la décision et informer les autorités françaises de leurs revendications, exprimées par leurs slogans comme : « Non au couvre-feu ! » « Négociez avec le gouvernement intérimaire de la République algérienne » « Indépendance pour l'Algérie ! » « Vive le Front de Libération. »

Les forces de l'ordre ont attaqué les manifestants algériens et ont délibérément tué des dizaines d'entre eux dans les rues et les stations de métro, et en ont jeté des dizaines dans la Seine, jusqu'à ce que leurs corps flottent à sa surface, dans une répression contre les manifestations. Le nombre exact de victimes n'est pas connu.

Malakoff se souvient du 17 octobre 1961 | Ville de Malakoff

Les historiens et les écrivains qui ont assisté aux événements mentionnent que la police a arrêté environ 12 000 Algériens et les a détenus dans des commissariats de police et dans des camps qu'ils ont établis pour eux au Palais des Sports de Paris et au Palais des Expositions. Ils y ont été soumis à des interrogatoires, des insultes, des coups, des actes de torture et des assassinats.

Quelques témoignages

Dans un précédent témoignage à Al-Jazeera Net, Saïd Baqtach, l'un des manifestants à l'époque, a confirmé que ces manifestations se sont rapidement transformées en massacres, et que « les forces de police françaises ont attaqué les manifestants à coups de matraque et ont tiré à balles réelles, et ont jeté des manifestants dans la Seine. Le lendemain, les corps flottaient à la surface de l'eau. »

Guerre des chiffres : combien de morts le 17 octobre 1961 ?

La presse a choisi son camp

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Said Baqtach a déclaré que des milliers d'Algériens avaient été arrêtés lors de ces manifestations, soulignant que certains d'entre eux étaient morts sous la torture.

Pour sa part, l'historien algérien Hassan Zugheida a déclaré à Al-Jazeera Net que ce qui s'est passé lors des manifestations du 17 octobre est un crime d'État organisé, puni par le droit international et non soumis à la prescription.

Il a révélé que les massacres du 17 octobre ont eu lieu au milieu d'un black-out médiatique, les autorités françaises ayant empêché la presse d'assister aux événements et d'écrire sur le massacre, et ignoré les plaintes des proches des disparus lors des manifestations.

« Ici, on noie les Algériens » : la photo pour mémoire, que L'Humanité n'a publiée que 24 ans après les faits, par crainte d'une énième saisie judiciaire.

Une survivante française du massacre, Monique Hervo, a déclaré dans un précédent témoignage à Al-Jazeera Net qu'elle avait vu de ses propres yeux comment la police avait abattu les Algériens et jeté les corps dans la rivière.

Les historiens britanniques James House et Neil McMaster ont décrit ce à quoi les Algériens ont été soumis le 17 octobre dans leur livre Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire comme « la répression la plus violente d'une manifestation en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine ».

Les responsables algériens confirment que les victimes du 17 octobre vont de trois cents à quatre cents morts, dont des dizaines noyés dans la Seine, ainsi que des disparus.

17 octobre 1961 : « Mon cadavre emporté par l'eau courante, sera repêché  dans les environs de Rouen… » - Casbah Tribune

Fatima Bedar est la plus jeune victime connue de ce massacre. Née en petite Kabylie, cette élève au Collège commercial et industriel féminin à Saint-Denis avait 15 ans lorsqu’elle fut noyée, le 17 octobre 1961, par la police, comme de nombreux Algériens. La jeune collégienne avait de quoi tenir. Son père, Hocine Bedar, rejoint en 1940 le forces françaises et participe à la libération au sein des tirailleurs algériens. A la libération, Hocine Bedar, qui s’installe en Seine-Saint-Denis, fait venir sa famille, avant que la guerre d'Algérie ne le rattrape. Fatima grandit au sein d’une famille de militants nationalistes du FLN. Quand le FLN lance son appel à une manifestation pacifique, elle brave l’interdit parental pour y prendre part. Faisant mine de se rendre au collège, la jeune fille se rend à la manifestation. Elle n'en reviendra jamais. Le 31 octobre 1961, on retrouvera son corps noyé dans la canal de Saint-Denis.

L'historien français Jean-Claude Enaudi affirme dans son livre La bataille de Paris que de 100 à 150 Algériens ont été tués ou disparus de force lors de ces événements, et a accusé la police française dirigée par Papon d'être responsable de leur meurtre délibéré.

Film « Ici on noie les Algériens », réalisé par Yasmina ADI

Reconnaissance française

La France a nié officiellement pendant des années le massacre du 17 octobre, mais le Président François Hollande l'a admis dans un discours en Algérie en décembre 2012, mais sans présenter d'excuses : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » C'était la première reconnaissance officielle de ce massacre par la France.

Les historiens français ont évoqué le massacre, notamment Jean-Luc Enaudi, qui a révélé dans son témoignage, publié le 20 mai 1998 dans le journal Le Monde, qu'en octobre 1961, « un massacre s'est produit à Paris, perpétré par les forces de police sur l'ordre de Maurice Papon ». Ce témoignage a amené Papon, qui a été condamné en 1998 lors de son procès en coopération avec les nazis, à porter plainte contre l'historien en 1998 pour diffamation contre un agent public, mais il a été débouté en 1999 et Enaudi a été acquitté.

Le 17 Octobre 2001, Bertrand Delanoé, maire de Paris, inaugure une Plaque commémorative de cet évènement. Elle est apposée sur le mur du Quai, au Pont Saint Michel, à deux pas de la Préfecture de Police, d’où furent jetés à la Seine tant d’Algériens.

L' « Association du 17 octobre 1961. Contre l'oubli » a été créée pour perpétuer ce souvenir.

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24 réactions


  • AmonBra QAmonBra 19 octobre 2020 20:01

    Merci @ l’auteur pour le partage.

    Eh oui ! La France des droits de l’homme et du citoyen en ces terribles années, c’était aussi ça et quand on observe l’audience donnée aux Zemmour & Co, pendant qu’on fait taire Soral et d’autres, on a l’impression que cela peut revenir rapidement, voire même que ce n’est jamais parti vu le traitement infligé aux gilets jaunes. . .


    • joelim joelim 20 octobre 2020 12:07

      Bah non, pas de craintes à avoir. Sur les quelques 500 mosquées salafistes ou des frères musulmans (dixit Zemmour, désolé peu importe qui dit les vrais chiffres) seules quelques-unes seront inquiétées, allez, peut-être 15. Une goutte d’eau. Mais c’est pas grave, les décollements sont somme toute encore assez rares...


    • joelim joelim 20 octobre 2020 11:38

      Effectivement, Bernard Lugan qui n’est pas le premier venu écrit :

      Soit du 17 au 21 octobre, 7 morts, dont deux seulement peuvent être imputés aux forces de police. Nous voilà bien loin des 300 morts avancés par certains… Ces chiffres prennent toute leur signification si nous nous reportons au début du mois d’octobre. Ainsi, entre le 1er et le 3 octobre, 24 corps de « N.A » entrèrent à l’IML, victimes de la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj. Pour mémoire, de janvier 1955 au 1er juillet 1962, les tueurs du FLN assassinèrent en France métropolitaine 6000 Algériens et en blessèrent 9000.
      Pour mémoire encore, le 26 mars 1962, devant la Grande Poste de la rue d’Isly à Alger, les forces de l’ordre ne firent pas preuve de la même retenue que le 17 octobre à Paris quand elles ouvrirent directement le feu sur une foule de civils français non armés, faisant entre 70 et 80 morts et 150 blessés. Sur ces victimes, réelles celles-là, la mémoire sélective a jeté le voile de l’oubli.

      Bernard Lugan
      18/10/2011

      Quand à l’"article" il utilise un peu trop le mot "massacre" (11 fois) pour être honnête. On dirai une propagande pour sauver les miches du CCIF...


    • joelim joelim 20 octobre 2020 11:51

      Quant au 2e article il conclut :

      Pour les historiens du futur ce prétendu « massacre » restera donc comme la fabrication d’un des grands mythes du XX° siècle. A l’image de la manipulation de Katyn, des cadavres de Timisoara en Roumanie, des « couveuses » du Koweit et des « armes de destruction massive » en Irak. Leur principal sujet d’étonnement sera cependant l’insolite caution donnée à un tel mensonge par les plus hautes autorités de l’Etat français sous la présidence de François Hollande…

      J’ai tendance à croire Lugan d’autant plus que lui se base sur des faits vérifiables (les entrées à l’Institut médico-légal de Paris).

    • V_Parlier V_Parlier 20 octobre 2020 22:54

      @Français du futur
      Mais il nous fallait bien sur AV un article de repentance classique pour redonner du punch à tous les vengeurs autoproclamés de la téci en mal de tabassage de babtous... Sinon on s’ennuierait, hein ?


    • Français du futur Français du futur 21 octobre 2020 02:32

      @joelim
      J’ignore, pour le moment, qui a raison. Je conserve ces infos sous le coude, je pourrai peut être recouper plus tard si de nouvelles révélations surgissent.

      Cependant, Lugan, même s’il fait probablement des erreurs comme tout un chacun, est un historien hors du moule vraiment intéressant à lire et à écouter.


    • Français du futur Français du futur 21 octobre 2020 02:33

      @V_Parlier
      Un article de pleurnicheuse, ça donne le "la".


    • Et Hop ! 21 octobre 2020 14:24

      @Français du futur

      Il y avait beaucoup de cadavres d’Algériens qui avaient été assassinés par le FLN parce qu’ils n’étaient pas d’accord ou qu’ils ne voulaient pas verser d’argent. Le FLN faisait déjà régner la terreur chez les Algérien.


  • Serge ULESKI Serge ULESKI 20 octobre 2020 10:30

    Merci pour ce rappel de faits historiques... Agoravox en a vraiment besoin....


  • joelim joelim 20 octobre 2020 11:46

    Les historiens et les écrivains qui ont assisté aux événements mentionnent que

    Le mec qui a écrit ça il devrait arrêter la chicha pendant le travail.


  • MAZIG 20 octobre 2020 11:52

    Allons messieurs , nous risquons de fâcher les fachos nostalgiques de l’Algérie française et ceux du RN.

    Tout le monde sait que la France n’a jamais mis les pieds en Algérie , jamais tué , jamais massacré , jamais torturé , jamais violé....

    Tout cela n’est qu’une vue de l’esprit et un ramassis de fake news.


    • joelim joelim 20 octobre 2020 12:03

      Quand les français ont envahi l’Algérie celle-ci était sous le joug des Turcs et ça faisait plusieurs siècles qu’Alger et d’autres villes razziaient les côtes françaises pour kidnapper des locaux et les vendre comme esclaves. Pourquoi les villages au bord de la méditerranée étaient si fortifiés ?


    • Mr.Knout Mr.Knout 20 octobre 2020 17:37

      @MAZIG

      Si la France a tué ces gens alors on peut dire que l’Algerie a tué les moines de Tibhirine ?
      Moi je ne vois que l’echec du FLN à diriger correctement et dans une certaine mesure servir le peuple algérien et qui depuis 60 ans ne fait que pleurer sur des crimes du passé. Pratique.


    • Français du futur Français du futur 21 octobre 2020 02:42

      @MAZIG
      Bonjour, petite pleurnicheuse.

      Je me permets de vous signaler que nous sommes venus en Algérie pour mettre fins aux razzias que VOUS meniez sur nos côtes et dans notre espace maritime. Vous avez fait des milliers d’esclaves chrétiens que vous êtes venus prélever à la source, fallait s’attendre un jour ou l’autre à un retour de bâton.

      Alors oui, on est venu car vous nous cassiez les bonbons, et je constate que vous nous casser toujours les bonbons plusieurs siècles après donc on va peut être revenir un jour, préparez vous à ça.

      L’Histoire se conte depuis le début, pas uniquement les parties qui vous arrangent, hein !


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 21 octobre 2020 03:25

      @MAZIG

      "Tout le monde sait que la France n’a jamais mis les pieds en Algérie"

      Ce que tout le monde devrait savoir, c’est que l’Algérie, aujourd’hui jeune nation de 58 ans, est une invention française. Avant l’arrivée des Français, cela faisait trois siècles que le territoire et ses autochtones étaient sous domination ottomane. 

      Quant aux massacres, pillages, viols et autres atrocités et turpitudes, tous les peuples de la Terre en ont commis dès que les circonstances en donnaient l’occasion. 

      Du reste, la question de l’invention de l’Algérie et de la colonisation française dépasse de loin le sujet de l’article qui est bien plus précis. Il ne faut pas noyer le poisson (sans mauvais jeu de mots).


    • Et Hop ! 21 octobre 2020 14:28

      @MAZIG

      Il y a eu beaucoup plus d’assassinats et d’atrocités commises par les Algériens depuis les accords d’Évian en 1962, que par les deux camps pendant toute la guerre d’Algérie.


  • joelim joelim 20 octobre 2020 11:59

    Merci à l’auteur de l’article qui m’a par contrecoup dessillé les yeux : sur cet évènement je croyais aussi à la grosse bavure mais en fait Lugan dit :

    Un « massacre » imaginaire fruit d’un montage politique fait à l’époque par le FLN voulant peser psychologiquement sur les négociations en cours avec le gouvernement français. Montage qui fut ensuite orchestré par le parti communiste et plus que complaisamment relayé par les médias…hier comme aujourd’hui.

    en se basant sur :

    Le « Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961 », à l’Institut médico-légal de Paris, pour la période allant du 17 octobre au 21 octobre 1961.

    Ok je suis insensible et tout mais je préfère la vérité aux minables tentatives de culpabiliser les français qui en ont marre d’être pris pour un cheptel de têtes à abattre pour islamistes.


  • Mr.Knout Mr.Knout 20 octobre 2020 17:32

    La France n’a pas plus jetée ces hommes à la Seine que l’Algérie n’a tué les moines de Tibhirine. Un prefet de police, un gouvernement, des citoyens mais pas un pays. 
    Accusé un pays revient a faire porté la responsabilité d’un acte aux générations future de ce pays.....ah mais que je suis bête, c’est donc ça.....


    • Et Hop ! 21 octobre 2020 14:30

      @Mr.Knout

      Le but de l’article est de justifier des demandes d’argent et des visa, donc c’est logique qu’il préfère culpabiliser la France, c’est elle qui peut payer.


  • Quasimodo 21 octobre 2020 11:25

    La réconciliation historique entre ces deux peuples n’est pas à l’ordre du jour entre les nostalgiques de l’Algérie française et le pouvoir militaire algérien .

    Ce sont les jeunes générations qui voudraient construire un autre avenir qui en payent les conséquences .

    Faudra t’il des decennies ,comme nous avons fait avec l’Allemagne pour que les plaies se referment ?


    • Et Hop ! 21 octobre 2020 14:34

      @Quasimodo

      Il n’y a pas besoin de réconciliation, les Algériens voulaient diriger eux-mêmes leur pays et ne plus vivre avec des Français, leur voeu est réalisé depuis 70 ans, qu’ils nous fichent la paix. 


    • Quasimodo 21 octobre 2020 15:09

      @Et Hop ! Ton raisonnement revanchard résume bien mon propos ci-dessus .


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