micnet micnet 22 avril 2020 23:06

@Laconicus & Yoananda2

Je vous réponds à tous les deux au-travers de la question :

"en quoi le niveau "France" serait mieux que le niveau du dessus "Europe" ou le niveau du dessous (Bretagne, Corse, Pays basque)."

— > Il n’y a pas de réponse à cette question, chacun en fonction de sa sensibilité estimera ce qu’il considère comme le "mieux" entre les différentes entités que sont la nation, la région ou l’Europe.
Mais si je ne peux pas dire quel est le mieux de manière générale (même si j’ai évidemment ma préférence personnelle), en revanche je peux me référer à l’histoire de France et à ce qu’elle a toujours été au regard de ce qu’en disent les historiens. Comme l’explique par exemple l’historien Jean-Christian Petitfils, il y a des marqueurs identitaires qui ont toujours jalonné notre Histoire et qui explique pourquoi la nation Française est ce qu’elle est. Et ces piliers sont les suivants :

1) Un état central fort se définissant comme l’incarnation de la justice et du Bien Commun. La France, contrairement à la plupart des pays démocratiques notamment anglo-saxons, se caractérise précisément par un état centralisateur et n’a cessé au-cours de son Histoire d’évoluer vers toujours plus de centralisation. Nous sommes rapidement passés d’un territoire très féodalisé à une monarchie de plus en plus centralisatrice. Donc ce point répond déjà en partie à la question de la régionalisation : l’ Histoire de France montre que ce fut l’inverse avec une "étatisation" progressive et les Français d’ailleurs ont toujours été très attachés à l’état. Ils n’ont pas la culture régionaliste de manière générale (même s’il y a évidemment quelques régions de France où la volonté indépendantiste est un peu plus marquée qu’ailleurs). Alors on peut effectivement reprocher aux français de toujours tout attendre de l’état mais il en a toujours été ainsi, les français ont toujours recherché une figure paternelle qui a été pendant très longtemps incarnée par le roi puis ensuite par des "Hommes providentiels" en République. D’ailleurs, la 5è République finalement peut se définir comme une "monarchie républicaine".

2) Un état laïc soucieux de préserver ses racines chrétiennes. Je ne vous apprends rien en rappelant que le christianisme a, en quelque sorte, fait la France (ce que peu de monde conteste aujourd’hui). Et pourtant, la France, bien que fille aînée de l’Eglise et contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, a toujours voulu séparer le "pouvoir temporel" (politique) du pouvoir spirituel incarné par l’Eglise. Beaucoup de rois de France ont toujours voulu s’affranchir de la tutelle de l’Eglise. Alors même s’il y a eu une déchristianisation massive notamment à la fin du XXès, les français restent attachés "culturellement" à leurs racines chrétiennes tout en voulant être préservés d’une quelconque tutelle religieuse. Ainsi, beaucoup d’historiens considèrent que la loi de séparation de l’église et de l’état en 1905 n’est que l’aboutissement d’un long processus qui était contenu dès l’origine dans "l’ADN" de la France. Ce qu’on appelle a "laïcité à la Française" est un cas à part dans le monde occidental et c’est ce qui explique que les français sont aujourd’hui très attachés à faire une séparation nette entre le privé et le public.

---> Donc en résumé, la nation est effectivement le socle "naturel" de la France et les français, pour des raisons qui tiennent à leur histoire, ne souhaitent pas se "régionaliser" ou " s’européaniser". J’ajoute que concernant l’Europe, la crise actuelle du Covid-19 montre de manière flagrante que la fameuse "solidarité européenne" n’est qu’une chimère et que les nations, en cas de crise, ont pour premier réflexe de se replier sur elles-mêmes. 

Je terminerai en citant le grand historien Ernest Renan et sa définition de la nation :

"Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, Messieurs, ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple.


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