Joe Chip Joe Chip 31 janvier 2020 11:23

@Et Hop !

Merci pour le cours d’histoire mais déjà il faudrait historiciser cette "noblesse d’Ancien Régime" qui a beaucoup changé au cour de deux siècles. La noblesse de la fin du XVIème siècle n’a plus rien à voir avec la noblesse courtisane de la fin du XVIIIème qui cumule les charges, les prébendes, et qui est devenu, pour l’essentiel, une caste oisive.

Soit dit en passant, la Nobleesse française avait fait de la France en 1789 la première puissance économique, artistique, technique, agricole, scientifique, culturelle, littéraire, militaire du monde.

C’est totalement faux. Tous les leviers du pouvoir matériel en 1789 sont entre les mains de la bourgeoisie. Les nobles n’ont pas le droit d’exercer une activité lucrative ou manuelle (seulement à titre de loisir) c’est à dire de travailler, donc on se demande bien par quel miracle ils auraient pu accomplir tous les prodiges que vous avez énumérés.

Il y a évidemment quelques aristocrates libéraux qui s’illustrent dans les sciences et les techniques et qui parviennent, à coups de dérogeances ou en renonçant à leurs privilèges, à développer une activité, mais ce sont clairement des exceptions dans l’Ancien Régime. 

Les nobles d’ancien régime exerçaient le pouvoir politique, judiciaire et militaire, mais pas du tout le pouvoir économique, ni le pouvoir religieux. Ces trois pouvoirs étaient séparés. Ils ne le sont plus, ce qui est, pour Hannah Arendt, la caractéristique des régimes totalitaires.

Vous venez d’écrire que les nobles ont fait de la France la première puissance économique, faut savoir smiley

Quant à affirmer que l’antique division des trois ordres remontant aux Indo-européens correspondrait, d’après Hannah Arendt, à une "séparation des pouvoirs" au sens moderne du terme par opposition aux "régimes totalitaires" qui lui auraient succédé, là on est en pleine confusion-inversion. 
Et puis vos nobles n’exerçaient en fait plus aucun pouvoir en 1789 même s’ils avaient retrouvé, grâce au rappel des parlements en 1774, funeste erreur du jeune Louis XVI qui allait causer sa perte et avec lui, celle de la monarchie, un grand pouvoir de nuisance dont ils abusèrent, ce qui contribua à déclencher la Révolution. 
C’est d’ailleurs pour cette raison que la comparaison avec la caste actuelle de hauts-fonctionnaires n’est pas totalement pertinente. Mais le mécanisme de reproduction sociale en vase clos est assez proche.

lls vivaient publiquement, leur pouvoir était mis en scène dans des édifices publics qu’ils contruisaient et conservaient magnifiquement, leur pouvoir était transparent, leurs alliances matrimoniales et leurs liens de parentés publiés et connus de tous.

Là vous délirez ou vous faites référence à l’ancienne noblesse féodale qui n’a pas du tout les caractéristiques de la noblesse d’Ancien Régime, qui est essentiellement composée de bourgeois parvenus et dotés de titres de noblesse arrangés ou fabriqués par des généalogistes, afin de faire remonter les lignages familiaux jusqu’à l’époque carolingienne, voire mérovingienne smiley

Les nobles n’étaient pas de clones, ils avaient tousau contraire beaucoup d’originalité et de panache.


Au sens sociologique du terme, les nobles courtisans étaient de fait des clones. C’est à ça que servait Versailles, cloner les nobles, les parquer et les occuper, afin qu’ils laissent le Roi gouverner le pays avec les bourgeois. C’est ça l’Ancien Régime. Physiologiquement, c’est plus contestable, mais il existait indubitablement un "type" de l’aristocrate (le fameux "nez noble") qui était sans doute lié à la fois la reproduction sociale endogamique et aux meilleurs conditions de vie de la noblesse. Les aristocrates étaient, en moyenne, plus grand et en meilleur santé. C’est d’ailleurs ce qui a conduit, dans le contexte où les idées démocratiques et égalitaires progressaient, la partie la plus réactionnaire de la noblesse à croire qu’elle constituait une "race" distincte, supérieure, d’origine germanique (ce qui était totalement faux au XVIIIème siècle puisque l’ancienne noblesse franque avait été décimée durant la guerre de Cent ans) fournissant les premiers cadres théorique du racisme scientifique.

Mais oui, vous avez raison, une petite partie de la noblesse, mais pas n’importe laquelle, la noblesse d’armes, c’est à dire les officiers, les militaires de carrière, continuait de cultiver les anciennes valeurs aristocratiques françaises de panache, de désintéressement, et d’élévation au sens moral du terme. Ils faisaient preuve d’un courage hors-norme sur le champ de bataille, comme en Amérique où les nobles étaient les premiers à montrer l’exemple aux insurgents apeurés, en s’exposant à la mitraille anglaise et en prenant des risques. Mais en fin de compte ce culte du courage et de la "noblesse éprouvée" a amené beaucoup de ces aristocrates à épouser les idées des Lumière, et dans de nombreux cas à renier leur particule ou leur origine nobiliaire. 
Tout comme aujourd’hui d’ailleurs on retrouve toujours chez certains hauts-fonctionnaires le culte de l’Etat, de la probité, du service du public et de la France, etc.


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