yoananda2 22 janvier 2020 23:26

@Laconicus

"l’individu ça n’existe pas."

Je ne comprends pas le sens de cette formule, en revanche.

Je vais essayer de faire court, mais comme il s’agit de la remise en cause d’un truc qui est "évident", qui n’est plus "discuté", je dois reprendre tout un tas de concepts qui sont derrière.

L’individu y a 50 définitions de ce que c’est. Donc moi je parle de la conception comme quoi l’humain serait "conscient, rationnel, et en unité". C’est un peu la définition de l’humain des lumières si je ne m’abuse.

Je ne vais pas citer toutes mes sources pour ne pas alourdir et parce que ce n’est qu’un commentaire, mais, je m’appuie sur de nombreuses recherches.

1/ la conscience : on sait que les décisions sont prises avant qu’elles n’arrivent à la conscience. C’est étudié par les sciences cognitives, mais un méditant peut dire la même chose.

2/ on n’est pas rationnel, c’est le moins qu’on puisse dire. Le cerveau est bourré de tellement de biais qu’en fait, on n’a pas une seule pensée "rationnelle", c’est impossible. On est un automate bayiesien pour ce qui concerne notre manière de pensée. Tout est "faux" chez nous, dans notre oeil, nos oreilles, tous nos sens, tout est "reconstruit" par le cerveau. On connaît tous quelques illusion d’optiques, mais on ne réalise pas que tout est illusion en réalité. Une illusion avec une sur-illusion de continuité, de cohérence. Par exemple, on est aveugle quand on fait bouger nos yeux, mais on ne le "voit" pas.

3/ "l’unité" : la sensation d’être une seule et même personne, d’avoir une continuité dans notre vie et nos souvenir tout ça est faux. Nos souvenirs sont reconstruits et très facile à "hacker" du coup. Nous n’avons pas une seule personnalité. De base, nous avons des personnalité différentes si nous sommes seul, avec un familier, en groupe, avec des inconnus. Nos humeurs peuvent la modifier. Notre bouffe peut modifier notre personnalité. Une maladie peut la modifier. Exemple : une personne à changé de personnalité en arrêtant de manger du sucre. (je vais très vite mais il y a une abondante littérature sur tout ça).

Bon, en admettant que tu admettes tout ça, qu’est-ce que nous sommes alors ?

Ben nous sommes des sac à gènes. Mais un gène lui son objectif c’est de se diffuser le max possible. Pour lui on n’est qu’un véhicule, il s’en branle de nous du moment qu’on le répands le plus possible, c’est pour ça qu’on meurt d’ailleurs, parce que ça maximise ses chances d’être répliqué. Les gènes collaborent entre eux, s’associent parce qu’ils voient bien que certaines combinaisons fonctionnent mieux (j’anthropomorphise pour que ça soit plus simple à expliquer, sinon faudrait que j’entre dans des notions mathématiques). Un gène il est donc répandu dans plusieurs personnes. Lui il existe "pour de vrai", d’une certaine manière plus que nous.

Nous sommes aussi des "sac à mèmes" (la relation entre gènes et mèmes est obscure pour moi). Prends les mèmes comme des idées. On a la même mécanique qu’avec des gènes en fait, les idées cherchent à se répandre dans les gens. Les gens croient avoir des idées, mais ce sont les idées, les mèmes qui chopent des gens pour les coloniser.

En fait, on agit et on pense en groupe. J’ai eu UNE idée à "moi" dans ma vie, ça m’a pris 6 mois d’intense réflexion. Sinon 90% de tes idées viennent d’ailleurs, d’autres personnes, et les 10% restants ne sont que des combinaisons, des recombinaisons des variantes d’idées pré-existantes. Les idées vivent par elle même.

Donc au final, ce qui existe plus que l’individu c’est le clan, la tribu, car c’est le lieu de rencontre de la pensée collective, d’un pool de gènes assez stable. Comme c’est compliqué / étrange de penser ainsi je peux faire une analogie : c’est comme si toi en réalité tu n’étais qu’un organe d’un truc plus grand, comme ton coeur est un organe de ton corps, ben c’est pareil "toi" tu es un organe d’un clan, d’une tribu, que tu le veuille ou non, même si c’est un peu plus compliqué de nos jours parce que notre réseau social n’est pas forcément le même que notre réseau génétique.

Tout ce je raconte la rejoint donc la critique de l’idée chrétienne (augustinienne) de libre abritre, d’âme individuelle qui aurait son salut à la fin en fonction de ses choix (de croire en Jésus ou non !), car TOUT découle de la, cette idée d’individu n’existant pas avant. Avant il y avait "le clan" et sa réputation. Tu faisais un truc non pas pour ton salut personnel, mais pour le clan, pour le faire grandir, prospérer ou pour qu’il plaise aux Dieux ; Ca n’avait pas de sens de faire des trucs "pour soi". Tout ça c’est le christianisme qui l’a amené et institué jusqu’à aboutir en la démocratie parlementaire, le marché, la libre entreprise, propriété privée.

Si tu as suivi jusque la, tout ça à l’air peut être très abstrait, mais en fait pas du tout. C’est juste un renversement de perspective qui débouche sur la négation d’idée d’individu, et donc sur une spiritualité très différente, une spiritualité plus "naturelle" en réalité puisqu’elle ne renie pas les liens du sang comme l’a fait jésus, au contraire, elle les sublime, les transcende. Elle ne renie pas la nature comme le christianisme (qui veut vaincre la mort en fait avec son idée de résurrection), elle l’embrasse, lui donne un sens à travers de la filiation. Plus de conflit avec la chair (et le sexe) non plus, mais simplement la conscientisation pour le transmuter. La violence est de nouveau remise à sa place naturelle et non pas refoulée comme chez les chrétiens (tu as remarqué comme les chrétiens ici sont vindicatifs ? c’est la violence refoulée de leur modèle christique, peuvent pas s’empêcher). Etc...

Pour autant, je peux me tromper. Oui, il semble bien qu’il y ait comme un truc de "l’individuation". Plus tu avance dans la pratique spirituelle et plus tu deviens conscient plus tu t’émancipes de ton groupe, des mèmes et des gènes, plus tu deviens "qui tu es" et moins tu es "automate inconscient et inconsistant".

Mais pas que au niveau spirituel. Au niveau institutionnel aussi. Je viens de découvrir Elinor Bostrom (prix nobel) qui ré-habilite l’ancienne notion de "commun" de propriété collective qui existait bien avant que la révolution bourgeoise ne s’accapare de tout avec sa "propriété privée des moyens de production" avec l’aide de l’état complice des marchés. Elle démontre que c’est LA solution à la tragédie des communs. Hors si tu sors de l’individualisme, ça devient une évidence.

Voila en gros ce que j’entends par "l’individu n’existe pas". (si ça existe c’est à la marge, et je ne connais aucun individu personnellement, et je n’en suis pas un ; je n’en ai jamais vu)


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