gaijin gaijin 28 juin 2018 17:30

@cassini
merci de votre mansuétude ..........

MONSIEUR PURGON.— J’ai à vous dire que je vous abandonne à votre mauvaise constitution, à l’intempérie de vos entrailles, à la corruption de votre sang, à l’âcreté de votre bile, et à la féculence de vos humeurs84.
TOINETTE.— C’est fort bien fait.
ARGAN.— Mon Dieu !
MONSIEUR PURGON.— Et je veux qu’avant qu’il soit quatre jours, vous deveniez dans un état incurable.
ARGAN.— Ah ! miséricorde.
MONSIEUR PURGON.— Que vous tombiez dans la bradypepsie85.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— De la bradypepsie, dans la dyspepsie86.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— De la dyspepsie, dans l’apepsie87.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— De l’apepsie, dans la lienterie88.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— De la lienterie, dans la dyssenterie.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— De la dyssenterie, dans l’hydropisie.
ARGAN.— Monsieur Purgon.
MONSIEUR PURGON.— Et de l’hydropisie dans la privation de la vie, où vous aura conduit votre folie.
SCÈNE VI
ARGAN, BÉRALDE.
ARGAN.— Ah ! mon Dieu ! je suis mort. Mon frère vous m’avez perdu.

BÉRALDE.— Quoi ? qu’y a-t-il ?
ARGAN.— Je n’en puis plus. Je sens déjà que la médecine se venge.
BÉRALDE.— Ma foi, mon frère, vous êtes fou, et je ne voudrais pas pour beaucoup de choses, qu’on vous vît faire ce que vous faites. Tâtez-vous un peu, je vous prie ; revenez à vous-même ; et ne donnez point tant à votre imagination.
ARGAN.— Vous voyez, mon frère, les étranges maladies, dont il m’a menacé.
BÉRALDE.— Le simple homme que vous êtes !
ARGAN.— Il dit que je deviendrai incurable avant qu’il soit quatre jours.
BÉRALDE.— Et ce qu’il dit, que fait-il à la chose ? Est-ce un oracle qui a parlé ? Il semble à vous entendre, que Monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours89, et que d’autorité suprême il vous l’allonge, et vous le raccourcisse comme il lui plaît. Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de Monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir, que ses remèdes de vous faire vivre. Voici une aventure si vous voulez à vous défaire des médecins, ou si vous êtes né à ne pouvoir vous en passer90, il est aisé d’en avoir un autre, avec lequel, mon frère, vous puissiez courir un peu moins de risque.
ARGAN.— Ah ! mon frère, il sait tout mon tempérament, et la manière dont il faut me gouverner.
BÉRALDE.— Il faut vous avouer que vous êtes un homme d’une grande prévention, et que vous voyez les choses avec d’étranges yeux

Molière ; le malade imaginaire


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