Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 26 mars 2017 12:48

@Éric Guéguen
La fonction légitime d’une armée est de stopper l’envahisseur, une fonction analogue à celle des défenses immunitaires de notre organisme. Dans le cadre de cette mission, un soldat ne tire pas sur une personne qui se rend, c’est la différence entre un militaire et un assassin professionnel. Même une action commando où il n’est pas toujours possible de permettre à l’ennemi de se rendre (parce qu’il faut supprimer les adversaires par surprise) s’inscrit dans cette logique : le but n’est pas de tuer, tuer est le moyen technique de protéger l’intégrité d’un territoire. C’est d’ailleurs un moyen qui pourrait dans l’avenir être remplacé par un autre (avec des armes très efficaces mais non létales). 

Je n’ai pas d’avis tranché (sans mauvais jeu de mots) sur la peine de mort. Je pense tout comme vous que la question doit pouvoir être posée et discutée. C’est bien de le faire et merci pour votre contribution. Mais je trouve en revanche vos arguments peu convaincants et même assez flous. Et sur un tel sujet, on ne peut pas se contenter d’approximations pour étayer une position radicale. 

Par exemple, la question de la "responsabilité" est loin d’être évidente. On croirait que vous postulez que toute conscience humaine est aussi claire que la vôtre, ce qui est un point de vue naïf et biaisé. Le fait de poser comme principe que nous DEVONS être responsables est une autre chose, c’est une approche que je partage en termes de morale sociale, un devoir à enseigner aux enfants. Il n’en demeure pas moins que, DE FAIT, nous ne sommes pas tous également responsables parce que nous ne sommes pas tous également conscients. Dans le cas de plusieurs assassins que je pourrais vous citer, la responsabilité doit être examinée à la mesure d’un niveau de conscience réellement très affaibli : il suffit pour s’en convaincre de considérer le cas de Francis Heaulme, dont le parcours de vie prenant départ dans une anomalie génétique est tout de même assez singulier, non ? Est-ce que vous pensez que vous êtes réellement égal à cet homme en termes de conscience et de responsabilité, par le simple fait que vous êtes citoyens de la même communauté politique et juridique ? 

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Heaulme

Avez-vous déjà étudié l’histoire des jugements des animaux (des cochons assassins d’enfants qui ont été jugés et condamnés à mort, par exemple) ? Si je vous parle de ça, c’est parce que mon point de vue n’est pas spéciste, et que je ne présuppose pas que les "humains" forment une catégorie à part complètement hermétique par rapport aux autres animaux. Il me semble évident que nous sommes des animaux PLUS OU MOINS humains, et qu’il est difficile de ne pas tenir compte de cette relativité dans certains cas limites : ceux des "monstres" et des "barbares". 

Cela me donne une approche assez différente de la vôtre : je n’ai aucun scrupule à recommander d’abattre comme une bête dangereuse un "être humain" qui se comporte effectivement comme une bête dangereuse. Mais mon argument est simplement pratique : un chien enragé qui saute sur les passants pour les mordre doit être abattu. Comment faire autrement ? Même traitement pour celui qui prend des enfants en otages : à la première ouverture de fenêtre de tir, une balle dans la tête, fin de l’histoire. Cela n’a rien à voir avec une notion de justice. 

Enfin, il y a une donnée dont vous ne tenez pas compte du tout, et qui fera sourire certains - mais il n’y a pas de quoi s’en moquer si l’on est véritablement attentif à l’argument et qu’on se sort la tête de son petit cul matérialiste. Voici : il n’est pas assuré que le fait de supprimer le corps d’un meurtrier particulièrement malsain et dangereux mettent la société à l’abri de l’influence de sa malfaisance. Peut-être serait-il avisé de se demander "ce" qu’on libère en supprimant le corps de certains êtres humains particulièrement haineux et sinistres. Je crois préférable de garder "cela" enfermé dans le corps qui le contient et de garder le corps de "cela" enfermé dans une cellule. Et autant que faire se peut, il faudrait tenter de réparer et soigner "cela". Et, non, je ne crois pas qu’on puisse dire qu’une conscience, fut-elle abominable à un moment donnée, est incapable de s’éclaircir... tant qu’elle est dans un corps passant par les expériences physiques, intellectuelles et émotionnelles de l’existence (même dans une prison). 

Ensuite, il y a l’autre aspect de la question qui est la vengeance personnelle en dehors du cadre de la justice collective. Je n’approuve pas à froid et en théorie, mais je comprends (je ne pense pas que j’irais dénoncer à la police la personne qui aurait retrouvé l’assassin de son enfant et aurait fait "justice" elle-même). 



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