Joe Chip Joe Chip 2 novembre 2015 12:20

@attis

C’est un peu paradoxal ce que tu dis, s’il faut s’en référer à la lutte des classes pour définir ces catégories, cela veut dire qu’il faut les analyser de manière dynamique. D’un point de vue strictement marxiste, ton analyse omet le fait que l’aristocratie a épousé les intérêts de la classe bourgeoise montante bien avant la seconde moitié du XIXème siècle, en deux temps :

- sous la Révolution, d’une part, qui a scellé l’alliance de l’aristocratie progressiste et libérale et de la bourgeoisie d’affaires contre la monarchie absolue : La Fayette et quelques autres sont emblématiques de cette "collusion" d’intérêts à priori opposés.

- dans les années 1820/1830 la plupart des aristocrates émigrés reviennent en France et recouvrent leurs biens ; la loi du milliard acte le ralliement politique de l’aristocratie au gouvernement libéral et bourgeois qui s’est drapé dans le légitimisme dans le but d’étouffer la contestation républicaine, ouvrière et révolutionnaire qui conduira à 1848. C’est durant cette période que l’aristocratie est devenue socialement conservatrice et a renoncé à toute revendication politique en échange d’un gros chèque et de rentes garanties sur son patrimoine, à l’exception d’une minorité d’ultras qui allait constituer plus tard le noyau de l’extrême-droite avec les déçus du républicanisme. C’est l’essence même du conservatisme : renoncer à un rôle actif pour conserver des acquis financiers et matériels. Cette caractéristique n’est pas du tout celle de la bourgeoisie qui est la classe progressiste par excellence, c’est à dire la classe qui ne sacrifie jamais un progrès potentiel à la conservation d’un acquis (il y a aussi des faillites de bourgeois tout au long du XIXème siècle liées à leurs activités industrieuses et financières) et ce que traduit concrètement son évolution politique, la bourgeoisie s’étant alliée successivement avec l’aristocratie (monarchie de juillet) puis avec le peuple (révolution de 1848 impulsée par les libéraux) avant de le "trahir" à nouveau en 1870... La bourgeoisie défend toujours des intérêts, plus rarement des acquis, ce qui correspond à une tournure d’esprit bien différente de celle du conservatisme même s’il peut y avoir des points communs en apparence (train de vie, statut social, consommation, fréquentations...). 

Il n’y a pas lieu selon moi d’opposer une bourgeoisie soi-disant conservatrice à une "hyper-bourgeoisie" mondialisée et progressiste qui chercherait à détruire la première, ce "schisme" est purement spéculatif et n’existe pas dans la réalité. C’est justement cette fausse dualité qui a longtemps empêché de comprendre mai 68 en opposant artificiellement les intérêts de la bourgeoisie conservatrice (dite "de droite") et de la bourgeoisie progressiste (dite "de gauche"). En réalité, on sait aujourd’hui que ce clivage a été largement mis en scène pour dissimuler une stratégie de conquête culturelle et politique. Cohn-Bendit incarnait les intérêts de la jeune génération bourgeoise en mettant en scène une pseudo-révolte contre le père. Lui-même le reconnaît cyniquement aujourd’hui, en jouissant rétrospectivement de se présenter comme "grand bourgeois". 

Or, petit bourgeois acceptera toujours d’être mangé par gros bourgeois : cela correspond à sa praxis économique et donc à sa vision du monde. S’il ne l’accepte pas, il ira devant un tribunal, mais ça s’arrêtera-là. 

Il ne reste désormais plus grand-chose aux authentiques bourgeois. Des biens immobiliers qui leur assurent une rente désormais assez dérisoire, peut-être ?

Il ne reste rien aux bourgeois ? ah ah ah ! Non mais sérieusement... la bourgeoisie "authentique" ou non (l’authenticité n’est pas un critère bourgeois, c’est contradictoire avec l’arrivisme...) détient l’essentiel du patrimoine immobilier et financier en France.


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