robin6 13 janvier 2014 15:54
Au secours, je vois des antisémites partout

 

Depuis que l’affaire de l’autre fou furieux a éclaté, ma raison vacille.

Je ne me reconnais plus.

Ce matin encore, alors que mon chat se passionnait pour son rituel exercice de toilettage quotidien, très distinctement, je l’ai surpris en train de lever sa patte gauche dans un geste qui ne laissait place à aucune équivoque : durant la nuit il s’était converti au national-socialisme.

Cette découverte a fini de m’achever.

Je l’ai bien averti que s’il continuait à me narguer de la sorte en refusant de replier sur-le-champ cette patte gauche suspendue narquoisement au-dessus de sa tête, je saisirais derechef le Conseil d’État afin de le contraindre à arrêter sur le champ ces gesticulations nauséabondes et autres incitations à la haine canine.

Sans résultat.

” Je fais ce que je veux, je suis un chat libre, nous autres chats avons aussi souffert d’être ce que nous sommes, tout au long de notre douloureuse histoire féline, nous avons été castrés, équeutés, défenestrés, je ne vois pas pourquoi moi aussi je ne pourrais pas prétendre à ce que nos souffrances soient reconnues et enseignées à l’école de la république ” m’a-t-il répondu.

Le pire, c’est qu’il a raison. Mille fois raison.

Je ne sais plus quoi faire.

Je passe mes journées à soliloquer, à me demander s’il est vraiment interdit d’interdire, si on peut rire de la shoah ou pas (avec Lubitsch et Chaplin oui ), si je devrais arrêter de boire du coca, si je ne devrais pas me convertir au catholicisme et demander pardon au Pape François de m’être égaré dans les caves du judaïsme, si je ne devrais pas prendre une maîtresse goy, si je n’ai pas adopté à escient une position victimaire afin de m’attirer des sympathies douteuses et autres compensations financières qui ont contribué à cette insolente richesse dans laquelle je me vautre à satiété.

Suis-je encore juif ? Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? Devrais-je effectuer une promenade au phare ? Y aura-t-il de la neige à Noël ?

Suis-je manipulé par le lobby juif ? Appartiens-je sans le savoir à ce même lobby ? Si Slate abrite mon blog, est-ce seulement pour la fulgurance de ma pensée ou parce que c’est un site foncièrement israélite visant à pervertir de l’intérieur la société française ?

Je perds pied.

Mes journées sont désormais occupées à lire les commentaires postés sur les articles concernant Diableperdu et à force je me demande si toute cette bande de chicaneurs exaltés n’a pas raison.

Je dois admettre que j’ai toujours aimé me plaindre, que je me complais à me considérer comme une victime de l’histoire et que dès que je suis confronté à un désagrément, j’imagine tout de suite que c’est ma qualité de juif qui me vaut cette avalanche d’ennuis et non pas mon comportement singulier.

Ainsi hier ma voisine a tambouriné à la porte pour m’avertir que si je ne baissais pas le son de ma musique, elle avertirait la police.

Évidemment comme j’étais en train d’écouter Bob Dylan, j’en ai tout de suite conclu que ce n’était pas tant le volume sonore qui l’importunait, mais bel et bien l’obligation d’écouter la voix nasillarde d’un youpin gémissant.

Je vois des antisémites partout.

Dans la rue. A la poste. Chez le coiffeur. A la synagogue. Au bord de l’océan. Au milieu de la piscine. Par la fenêtre. Au détour d’un rêve. Dans mon miroir.

Et je n’arrive même plus à opérer la distinction entre l’antisémitisme et l’antisionisme.

J’ai le cerveau tellement dérangé que si une personne juge que le sionisme est une forme de racisme, que l’état d’Israël se comporte vis-à-vis des palestiniens comme les nazis vis-à-vis de mes ancêtres juifs, j’en conclus que cette personne éprouve des sentiments antisémites, alors que de toute évidence elle ne fait que professer des vérités historiques.

N’est-il pas de notoriété publique que les israéliens se croient tout permis ?

Qu’au seul motif d’avoir provoqué auprès de la population polonaise des millions de cancer du poumon à cause de la nocivité de leurs cendres répandues dans l’air, ils se permettent aujourd’hui d’agir de la même manière que leurs bourreaux d’hier, en s’amusant par exemple, la nuit tombée, à transformer leur mur des lamentations en terrain de squash, joutes pendant lesquelles l’habituelle balle en caoutchouc est remplacée par le cœur encore palpitant d’enfants palestiniens.

Je vais rentrer en cure de désintoxication.

Il vaut mieux avant qu’il ne soit trop tard.

Bientôt si ne je réagis pas, je serais capable de signer le premier suicide antisémite de l’histoire en laissant une lettre où je démontrerais l’entière responsabilité du comique dans ma mort programmée.

Pour l’instant je m’y refuse mais pour combien de temps ?

 


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