Éric Guéguen Éric Guéguen 21 avril 2013 11:03

Lucas, je ne m’en tiens nullement à cette sombre histoire.
Il n’est pas besoin de faire des études très poussées pour se dire qu’à partir du moment où un individu est suffisamment habile, beau parleur, peu scrupuleux et à l’écoute des revendications communes, il peut embobiner une majorité facilement.
Bernays le cynique, que beaucoup citent ici sans l’avoir lu, le dit très bien : la propagande ne peut pas être considérée à notre époque comme un mal en soi. En ayant évacué le jugement de valeur de la sphère politique, en ayant misé sur le relativisme du suffrage universel, en ayant fait de tout homme politique un VRP, il faut pousser la logique jusqu’au bout et offrir aux majorités ce qu’elles demandent, aveuglément. Si elles veulent de la qualité, tant mieux, nous aurons de la qualité. Si elles veulent de la merde, tant pis, nous aurons de la merde.
Il est intéressant de constater à cet effet que Bernays ne rejette nullement la morale. Il en fait, comme le reste, un article de commerce et prend parfaitement en compte l’utilité que les dirigeants peuvent en tirer. C’est-à-dire, en gros, qu’à ses yeux, la morale ne sert à rien d’autre qu’à maintenir les masses tranquilles. Voilà un précepte que partage la démocratie moderne avec tous les régimes et religions qui l’ont précédée. L’intelligence émergeant d’un débat sainement tenu est, dans cette perspective, pure chimère.
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Pour être un citoyen éclairé - je ne dis pas infaillible, mais éclairé - dans un monde qui se complexifie à vue d’œil, il faut s’instruire, encore et encore, chaque jour que Dieu fait, raisonner, débattre, se remettre en question, exercer son esprit critique, admettre ses erreurs publiquement, et en rabattre sur ses intérêts personnels. Quel pourcentage de nos concitoyens sont prêts à le faire ? Et est-ce que le fait que nos dirigeants soient à cent lieues de montrer l’exemple peut constituer éternellement une excuse à la paresse intellectuelle qui se généralise sous les bons auspices de la logique marchande ?
Pour moi, non.
Le régime représentatif est une aberration, nous sommes, je pense, d’accord là-dessus. Mais il a été mis en place avec le consentement de masses de plus en plus réfractaires à la politique, cette grande corvée commune, de manière concomitante avec la montée en importance de l’intérêt pour le confort privé, libéral. L’impéritie de nos gouvernants se nourrit de nos manquements, et non l’inverse.
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Si vous en avez l’occasion, je vous invite à mon tour à lire un papier que j’ai écrit sur Agoravox. Il est assez long, il y était question de l’impasse dans laquelle se trouve une démocratie qui :
1. d’un côté promeut l’égale capacité de chacun à donner un point de vue éclairé sur une question donnée ;
2. de l’autre aimerait défendre la liberté d’expression mais se trouve contrainte de la brider, précisément à cause... du "1."


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