
@ Qaspard Delanuit :
Voici ce que je vous répondrais, Gaspard… Et je vais essayer d’aller au plus simple, pour ne pas pondre un commentaire trop long.
Je crois que toute communauté humaine a besoin de valeurs partagées, que même celles ou ceux qui n’y croient pas doivent, pour le bien de la communauté elle-même, se soumettre au minimum à un jeu de liturgies permettant la cohésion. Et plus la communauté est étendue, plus c’est valable et nécessaire.
Durant l’immense majorité de l’histoire de l’humanité, le fait religieux découlait fatalement de cette nécessité et la communauté importait plus que l’individu. L’Occident moderne – et lui seul – a fait l’expérience de la sortie de ce paradigme pour fonder des institutions sur l’individualisme anthropologique, appelant lui-même l’avènement de valeurs « à la carte ».
Ceci est finalement intenable ; j’entends par là que si les valeurs individuelles sont les bienvenues (le mot est faible), les valeurs collectives, elles, sont vitales. Or on les a totalement sacrifiées. Si nous listions ce que les « républicains » d’aujourd’hui nomment « valeurs », nous nous rendrions compte qu’elles sont toutes « atomisantes ».
Qu’aucune n’est censée – comme je le disais dans une émission précédente – unir, mais que toutes ont vocation à contenter. Contenter l’individu. La laïcité en fait partie.
Je rejoins donc Philouie lorsqu’il dit que, sans l’admettre, la « République » distille ses valeurs au moyen d’un catéchisme (je le dis avec mes mots mais je crois qu’il ne me contredira pas). Tout simplement parce qu’on ne peut pas se passer de valeurs collectives qui ont, fatalement, un pied dans le religieux… ou du moins dans la religiosité (tant il est vrai que le mot religion est trop fourre-tout en l’occurrence).
Vous disiez que vous n’aviez pas ressenti d’instruction religieuse de la part de l’école de la République. Moi on m’a très tôt enseigné que le racisme, c’était moche, que l’Autre devait forcément être le bienvenu, et aujourd’hui on martèle à mes enfants la parité dans tout domaine de manière quasi obsessionnelle. C’est une forme de religion qui ne dit pas son nom. Et, surtout, qui ne se donne pas les moyens de les faire respecter : une morale de l’individu peut difficilement, en effet, trouver des arguments valables pour condamner le port du voile lorsque celui-ci découle d’un choix individuel consenti et assumé. Elle doit faire appel à des valeurs beaucoup moins relatives telles que ce que j’appelle dorénavant la « dignité de l’humanité » en tant qu’espèce (et non « dignité des individus » ou des « êtres humains »).
Pour finir, je suis tout à fait d’accord avec vous et Mach’ pour dire que la confusion entre communauté et État ne rend service à personne. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Précisément parce que la communauté n’existe plus, qu’en lieu et place on a à présent un amas d’individus appelé « société », et qu’une fois ces individus pris au dépourvu, une main devant une main derrière, ils sont bien contents de s’en remettre à une instance qui les contente – l’État maternant – et ce sans les contraintes du sentiment d’appartenance en co-mmu-nau-té.
Bien à vous tous, et encore joyeux Noël.
EG
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