micnet 10 février 2014 13:50
(suite)
Le "capitalisme rhénan" ou le patriotisme économique à l’allemande
 
Voici ci-joint un article rédigé par un spécialiste de la question, ancien directeur du Centre d’études germaniques de l’université de Strasbourg

Ou comment ce capitalisme hérité des idées de Max Weber et du luthérianisme s’articule autour de plusieurs thèmes que sont la famille (vision paternaliste des entreprises), la coopération ouvriers/patronats, le participation (idée si chère à De Gaulle), la décentralisation, et surtout un patriotisme de toute la communauté chevillée au corps. L’état d’esprit en Allemagne étant de prioriser autant que faire ce peut, la consommation de produits allemands.
Je vous mets en exergue un extrait de cet article :
 
«  Liberté, solidarité, équité

Le capitalisme rhénan insiste au fond sur trois valeurs essentielles, la liberté, la solidarité, l’équité.

La liberté est associée à la notion de lien : l’homme est fait pour atteindre son plus grand épanouissement et l’on souligne que la liberté implique l’acceptation d’un certain nombre d’obligations sociales.

La solidarité implique pour l’individu de travailler au bien commun – thème fondamental que l’on trouve chez saint Thomas d’Aquin et les évangéliques sociaux du XIXe siècle – et que les personnalistes derrière Jacques Maritain et avec Emmanuel Mounier remettront à l’honneur dans le premier tiers du XXe siècle. Ce principe se retrouve dans les conceptions sociales des deux églises chrétiennes. On le constate à la lecture des textes fondamentaux de Vatican II ou encore de Centesimus Annus, qui rejoignent tout naturellement la tradition évangélique sociale d’un Blumhardt ou d’un Todt. Si à gauche comme à droite les critiques n’ont pas manqué, beaucoup de responsables politiques ont admis – au moins jusqu’à une date récente – que le nouveau clivage social passe entre les faibles, les nécessiteux, les laissés pour compte parce que « non-organisés » et les « organisés » soutenus par les organisations professionnelles les plus diverses. Le SPD lui-même, soutient plus facilement les « organisés » face aux faibles, vieux travailleurs indépendants, familles nombreuses, femmes. Ce travail de solidarité est au moins autant du ressort de la société civile que de l’État. Ce qui oblige au recours au principe de subsidiarité, autre principe constitutif du christianisme social.

L’équité implique que « tout individu a des chances égales de s’épanouir librement ». En se refusant à un égalitarisme dont on a mesuré, comme dans les autres États européens, les innombrables inconvénients, on parle avec plus de réalisme d’équité des chances – Chancengerechtigungen – et non d’égalité des chances. Ce qui conduit à accorder une grande valeur aux notions d’effort et de performance. On notera au passage que l’on utilise à peu près les mêmes termes que le dernier rapport de Honecker au comité central du SED du printemps 1989 !

À la différence des libéraux hayekiens, le capitalisme rhénan insiste sur le rôle de l’État : il n’a pas à être « prestataire de services » mais doit demeurer le « régulateur du marché ». Il doit en faire respecter les règles et s’opposer aux groupes de pression qui vont à l’encontre du bien commun ou oppriment les non organisés. La classe politique allemande n’a d’ailleurs cessé d’insister sur la nécessité d’assurer la « sécurité des biens des personnes », indissociable à l’intérieur, d’une « démocratie militante » et d’une « lutte sans merci » contre le marxisme et le gauchisme. La bureaucratie et la centralisation sont critiquées avec persévérance conformément aux traditions socio-politiques et économiques de l’Allemagne contemporaine : de 1815 à nos jours, l’Allemagne n’a été un État centralisé que pendant vingt-cinq ans, de 1919 à 1945.

Ces caractères distinguent profondément le capitalisme rhénan de son homologue libéral anglo-saxon. La place faite à l’homme et à son environnement par l’intermédiaire d’une politique sociale assez proche de celle de l’État-providence, comme la part accordée aux partenaires sociaux par le biais de la cogestion dans l’économie sociale de marché, constitue en particulier des différences essentielles."
(suite à venir)

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