Il y a deux murailles de Chine entre votre conception de la vie et la mienne, ce qui ne peut s’exprimer qu’en un désaccord total, donc inutile d’envenimer cette discussion improductive. Je ne peux partager la philosophie d’une personne qui pense la qualité d’une vie humaine en terme de pouvoir d’achat, de croissance, de centralité absolue du travail (travail au sens occidental du terme, donc salariat, travailler pour un autre). C’est faire le jeu des forces impérialistes. C’est déjà accepter le paradigme dominant. Je peux faire remarquer en passant que la France, bien qu’elle se porte mal, se porte toujours mieux qu’une bonne centaine de pays dans le monde, quantitativement parlant. Est-ce un indice pertinent ? Non, mais c’est le votre. Vous ne pouvez penser ce qui pourrait être car vous pensez ce qui est, vous sacralisez un modèle (vu qu’on ne peut pas le critiquer, le toucher), comme vous sacralisez les indices quantitatifs d’émancipation humaine, des instruments qui ont été élaborés par nos maitres à penser.
Concernant la démocratie, pareil, problème de définition. Bien que je reconnaisse tout à fait la dimension démocratique de ce pays, mon idéal m’empêche de considérer ceci comme une démocratie athénienne. Seul le libéral peut penser un tel système démocratique, c’est-à-dire quelqu’un qui pense que les seuls instruments politiques suffisent à établir une démocratie (suffrage universel, élection, référendum). Montesquieu appelle ça une oligarchie. Je vous conseille les écrits de Bernard Manin sur le "système représentatif". Or, lorsque Rousseau dit justement qu’il faut une participation démocratique active, sinon ce système s’effondre, et qu’on remarque une moyenne de moins de 45% de participation au vote (le truc de base, tous ces chiffres sont dispos sur le site du Parlement), on a le droit de désacraliser ce système pour se poser des questions. Et tout mouvement progressiste depuis les lumières considère qu’il faut, outre une démocratie politique, une démocratie économique et culturelle, là on est niqué. Syndicalisme faible, Etat faible (ce qui est pas forcément mauvais s’il ne laissait sa puissance aux institutions financières). Et culturellement, vu que vous êtes souvent sur le territoire, allez demander au hasard dans la rue à 20 personnes le nom du président actuel et d’au moins 4 Conseillers parlementaires, vous allez rire. Ce qui est par ailleurs tout à fait compréhensible. En travaillant 8h30 par jour, on peut ni se former un esprit citoyen, ni philosophique, ni économique, et encore moins artistique. Comme beaucoup le disent ici, en voulant gagner sa vie en Suisse, on finit par la perdre. Encore une fois, c’est une démocratie libérale, ce qui est pour moi un oxymoron.
A devoir choisir entre sacraliser Jésus-Christ ou Mammon, pour peu que le premier ait un peu de bonne nourriture, de vin, de poésie et un ballon rond, je choisirais toujours le premier. Question de philosophie de vie.
(Si vous ne prenez que quelques phrases décontextualisées et répondez en fonction, inutile de me répondre, faites-le sur l’ensemble du message, l’ensemble de l’idée, sinon ça tourne en rond).