
Merci déjà reconnaître qu’il te manquais des définitions de bases nécessaires à la compréhension de Rousseau et Machiavel. C’est l’inconvénient de ces auteurs, car ils répondent à certains principes tenus vrais en leur temps. Si on ne connaît pas ces principes, on ne comprend pas ce qu’ils veulent dire. C’est la raison pour laquelle ces écrits ne sont pas des oeuvres intemporelles, donc ne sont pas des chefs-d’oeuvre.
1° Reprenons l’argument de Machiavel :
On peut aisément constater ce fait, parce qu’il y a et
qu’il y a eu beaucoup de princes, et qu’il y en a eu peu qui furent bons
et sages : je parle des princes qui ont pu rompre le frein qui pouvait
les retenir. Parmi ceux-ci on ne peut compter les rois d’Égypte, à
l’époque très ancienne où ce pays était gouverné par des lois, ni les
rois de France de notre temps, dont le pouvoir est plus réglé par les
lois que dans tout autre royaume de notre temps. Les rois qui vivent
sous de tels édits ne sont pas à compter au nombre des individus dont il
faut considérer la nature pour voir si elle est semblable à celle de la
foule. Car on doit les comparer avec une foule réglée par les lois, comme ils le sont eux-mêmes. On
trouvera alors en cette foule la même vertu que nous constatons chez
les princes ; et l’on ne verra pas qu’elle domine avec orgueil, ni
qu’elle serve avec bassesse
Au passage tu remarqueras que le pouvoir du Roi de France était réglé par des lois...
Je comprends mieux ton argument au sujet de la foule réglée par des lois.
Cependant, ce n’était pas là ma critique : un gouvernement du peuple (si déjà on admet que cette expression ait du sens, car elle n’en a pas) est de nature schizophrénique, non pas parce que le peuple ne suit pas de lois, mais parce que le peuple est une multitude de personnes. Si on veut concevoir le peuple comme un être unique, alors il faut le considérer comme un être schizophrénique, doté de personnalités multiples.
De plus, par dommage collatéraux, on détruit tout le sens la politique, puisqu’elle consiste justement à faire s’accorder la multitude des personnes vers un Bien commun.
Donc la vertu d’un monarque par rapport à la foule est d’être charnellement et intellectuellement Un. C’est pour cela que le monarque peut décider. Le peuple montre toujours des divergences internes (il suffit de voir les sondages, les débats).
Par l’étymologie, science vient du latin scio, qui signifie à l’origine « trancher, décider », la science consiste donc à avoir la faculté de trancher. De la racine indo-européenne du mot, on tire aussi le grec ????? skhízô, mot cette fois pour employé une personne divisée en plusieurs personnalité, donc toujours affectée d’un dilemme.
On en tire que seul un monarque peut avoir la science de gouverner, car son unité charnelle implique son unité intellectuelle et il peut donc décider sans ambigüité interne. Le peuple, au contraire, du fait que sa multitude charnelle implique sa multitude intellectuelle, est toujours affecté de division et donc ne peut jamais rien décider.
Et d’ailleurs, quoiqu’on en dise, il en est toujours ainsi.
En effet, pour promulguer une loi, il faut un crayon qui signe. Celui qui tient ce crayon tient les lois. Or ce n’est jamais le peuple qui tient ce crayon, y compris aujourd’hui, mais une personne, le chef d’état. Par ailleurs, ce chef d’état étant hiérarchiquement au-dessus du premier ministre, le mot ministre venant du latin minister, et ce mot exprimant le degré hiérarchique inférieur à celui du magister, mot latin qui a donné maître, le chef de l’état, celui qui tient le crayon, est donc le maître des lois, le maître de la maison état, c’est-à-dire le despote, car tout changement nécessite son commandement, c’est-à-dire qu’il est un monarque, même si par euphémisme, on le nomme président, mais c’est parce qu’il s’assoit en premier.
Quant à la "vertu occulte" qui fait savoir au peuple le bien et le mal qui l’attend. Un seul exemple contemporain : le traité de Maastricht, pourtant adopté par le peuple, ne le serait plus aujourd’hui...
3° Pour les arguments de Rousseau, qui sont des affirmations, non des démonstrations, on remarque d’ailleurs toujours ce sophisme destructeur :
la voix
publique n’éleve presque jamais aux premieres places que des hommes
éclairés
Or, pour les mêmes raisons que précédemment, il n’y a pas une seule voix publique, mais une multitudes de voix publiques, car autant une collection de personnes ne peut jamais être réduite à une unique personne, à moins de subdiviser l’individu lui-même et pour le rendre schizophrène, autant une multitudes de voix ne peut jamais de ramener à une seule voix...
C’est justement le but d’accorder cette multitude de voix qui justifie l’existence d’une organisation politique. Certes, si tout le monde était toujours d’accord, il n’y en aurait pas besoin.
Bref, Rousseau nous sert là un pur sophisme, et celui-ci ne résiste pas à la mise en pratique. Par conséquent, il est logique qu’à défaut de voix unique, il fut choisi d’approximer le concept par le suffrage majoritaire.
Mais de là à dire que ce suffrage majoritaire n’élève aux premières places que des gens éclairés... Tout cela est fort peu précis et très peu rigoureux.
Il dit par ailleurs : Le peuple se trompe bien moins sur ce choix que le Prince [Pour le choix des ministres].
Je laisse de coté la critique de ce sophisme insistant qui consiste à considérer le peuple comme une unique personne.
Je remarque surtout que le chef d’état dispose d’un appareil d’état, avec ses espions, ses policiers et que s’il veut s’informer sur un individu, il en a toutes les capacités. En revanche, l’homme du peuple, lui, il ne détient que l’information que veut bien lui donner la presse, quand éventuellement elle en donne, quand elle ne le trompe pas.
Prenons le violeur récidiviste Strauss-Kahn : jamais la presse n’a tenu mot de son mal, il était donc très populaire...
Bref, tout cela n’est qu’un ramassis de sophisme.
Si déjà un pays peine à élever un seul des siens à devenir un bon Roi, comment croire qu’il puisse plus aisément élever tout son peuple à devenir comme tel ?
3° Chouard
Chouard se perd à idéaliser une institution vertueuse.
C’est que la vertu ne vient pas par un mécanisme institutionnel, elle vient d’une disposition d’esprit, lorsqu’il est non perverti. C’est donc d’abord un problème moral. Or, je ne vois pas comment, dans l’idéologie actuelle, qui est libérale et qui tient donc que les vices privés font la vertu publique, le pays pourrait sensibiliser les gens à la vertu.
D’ailleurs quand on parle de vertu, au mieux les gens ne comprennent pas de quoi il s’agit, au pire, ils prennent peur. Pourtant, il est évident que le pays ne peut progresser qui si chacun individuellement cherche à se perfectionner, et s’évertue donc à cette fin.
Or l’état lui-même à démissionné de cette mission vis-à-vis de la population.
Au lieu d’apprendre à la jeunesse comment être homme ou femme, il leur dit : il n’y a ni homme ni femme. Au lieu de montrer à la jeunesse comment être un bon père ou une bonne mère, il leur dit : vous pouvez divorcer très simplement et vous pouvez supprimer l’avorton, s’il vous plaît. Au lieu de montrer au peuple comment être un bon fils ou un bonne fille, il leur dit : vous pouvez tuer vos pères et mères, s’il vous plaît. Au lieu de promouvoir l’excellence dans l’art, il promeut un art contemporain de dégénéré...etc
Bref, toutes les affirmations péremptoires des sophistes prérévolutionnaires ne peuvent masquer l’évidence : Au vu de la qualité de ses productions scientifiques, culturelles et artistiques, au vu de la qualité des comportements, la France est devenue, en 2 siècles, un pays de dégénérés.
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