J’ai dit que tu ne faisais que dénigrer ceux qui se battent sans rien proposer en retour sinon de la résignation. J’ai même dit que je préférais encore l’attitude des militants du Front national à la tienne. C’est complètement le contraire de ce que tu essaies de me faire dire.

Il y a 20 ans, j’étais au collège. Je collais plutôt des autocollants Panini que des tracts, je jouais sur mon premier IBM avec un énorme disque dur de 250 Mo à des jeux comme Nord et sud ou Eternam, je commençais à m’intéresser au foot mais j’y comprenais encore rien, tout comme le traité de Maastricht, cet évènement majeur dont nos profs nous serinaient avec enthousiasme, nous donnant le texte complet, nous forçant à apprendre des choses par coeur sans même se rendre compte qu’on n’en comprenait pas un traître mot. A l’époque, la minuscule salle de perm me semblait gigantesque et mon père était une montagne, alors l’Europe... Je me souviens aussi qu’il y avait des autocollants "Touche pas à mon pote" un peu partout et que même Pif Gadget avait fait un numéro spécial. Là non plus je comprenais pas. Le racisme ? Je ne voyais que des gens différents, comme tout le monde, et dans ma candeur de gosse je ne m’imaginais pas qu’on pouvait en détester certains en raison de leurs origines, de leurs cultures, de leurs couleurs. Ca me semblait absurde.

Alors non je ne peux pas revendiquer mon appartenance à des groupes anti-libéraux depuis 20 ans. Il y a 20 ans, j’avais des activités et des préoccupations de gamin. J’étais comme ceux d’aujourd’hui avec leurs "T cro nul ptdr ptdr xd lol" mais sans le langage sms. En revanche, j’ai commencé à lutter contre le racisme dès que l’occasion s’est présentée, très jeune. Ensuite, dès que l’occasion s’est présentée, j’ai fait apparemment comme toi, camarade... et aussi comme Mélenchon. J’ai fait la connaissance d’un adhérent au PS, j’ai compris que même si mes convictions n’étaient pas encore forgées, au niveau des valeurs, des principes généraux, on se rejoignait. Alors j’ai adhéré, participé à la vie de la petite section, j’ai milité, collé des affiches, donné des tracts, la nuit, dans le froid, sous la pluie, parfois entouré de jeunes un peu agités. Concernant Mitterrand, j’ai toujours été sceptique. De nombreuses choses ont été réalisées sous son ère, à commencer par le RMI, mais les scandales et son attitude de monarque... Idem pendant la période Jospin : les 35 heures, quand même, qu’il aurait sans doute fallu un peu mieux réfléchir notamment au niveau des métiers médicaux ou de l’hôtellerie - restauration, dans les domaines où il est impossible de les appliquer comme tels, les emplois-jeunes, aussi, décriés à tort, et puis Strauss Khan qui a autant sa place au PS qu’un Sarkozy. Libéral pur souche.

Alors là aussi, en voyant le cataclysme Royal, en voyant les idées de droite remporter bataille sur bataille au PS, j’ai fait comme Mélenchon : j’ai laissé s’éloigner le PS de moi, de mes convictions, de mes valeurs et je l’ai regardé me quitter avec dépit. Le camarade qui m’avait intronisé au PS a immédiatement suivi Mélenchon et surtout Marc Dolez, qu’il connait personnellement et qu’il admire. Moi, j’étais déçu et méfiant. J’ai pris du recul, j’ai lu, j’ai observé, écouté, réfléchi. Je me suis particulièrement intéressé à Chomsky et j’ai développé, en grande partie grâce à lui, mon esprit critique, mon scepticisme. J’ai vu Mélenchon se faire attaquer, incendier, comme ici, et j’ai apprécié sa façon de se défendre, cohérente, rationnelle. J’ai surtout vu les arguments trouvés dans je ne sais quel caniveau qu’on lui balançait à la tronche et j’ai commencé à me dire que si ce type se faisait ainsi démolir par les médias et par certains politiques c’est qu’il devait être dangereux pour eux, et s’ils n’ont rien de mieux comme arguments que des procès d’intention, des rumeurs, des fantasmes c’est qu’ils ne réussissent pas à l’attaquer sur son programme, ses idées, ses propos, c’est qu’ils n’ont vraiment rien de mieux contre lui. A partir de là, il est évident que tout ce qui m’a été servi ici, non seulement je le connaissais déjà de longue date, mais surtout ça ne fait que renforcer mon adhésion. Et quoi Sheeldon ? Tu lui reproches Jospin ? Tu lui reproches d’avoir été au PS ? Tu nous dis pourtant que comme lui, comme moi, tu y étais toi aussi au PS et que pour certaines raisons pas très éloignées des nôtres tu as fini par le quitter... Ou plutôt devrais-je dire que le PS s’est également éloigné de toi pour partir à droite. Toi aussi, tu as cru, toi aussi tu as manqué de discernement à une époque, toi aussi tu as été déçu, peut-être trahi... Et tu as pris une autre direction. Laquelle ? Ton lien vers Amazon ne fonctionne pas et tu ne proposes toujours rien, sinon de la résignation.

J’y ai répondu deux fois déjà et je vais donc le faire une troisième fois : toute l’Europe souhaite l’intervention de la BCE sauf Merkel qui n’est pas suivie dans son entêtement par l’ensemble de son propre parti. Elle finira par plier, elle aussi, rattrapée par la réalité, comme Sarkozy qui doit assouplir son propre traité de Lisbonne dont il était si fier, qui se bat aujourd’hui pour instaurer une taxe Tobin alors qu’il y a encore quelques mois il qualifiait ça d’absurdité, comme le défaut de paiement de la Grèce qui était inenvisageable il y a quelques mois... Je ne pense même pas que le Front de gauche soit nécessaire pour qu’on y arrive. La réalité écrase implacablement les volontés libérales les plus acharnées. Estrosi qui parle (sans agir) de lutter contre les évadés fiscaux... Sur tous ces sujets, le Front de gauche, Généreux, Mélenchon ont deux trains d’avance sur tous les autres. Le défaut de paiement de la Grèce, le triple A et le rôle des agences de notation, l’austérité totalement contre-productive, la taxe Tobin... si on avait écouté ce type qui, selon toi, passe son temps à se planter sur tous les sujets, on n’en serait pas là, on aurait au moins gagné du temps et évité à la Grèce de morfler comme elle a morflé et continue de morfler. Et c’est pas fini, puisque malgré ces concessions ils continuent, tous, à s’entêter avec leur catéchisme libéral.

En attendant, le Front de gauche fait tout pour qu’on ne soit pas obligé d’avoir à choisir entre la peste et le choléra. Effectivement, je ne suis pas sûr que Hollande ferait mieux que Sarkozy sauf dans certains domaines. Je doute qu’il essaie de nous monter les uns contre les autres, qu’ils montrent du doigt les minorités, les pauvres, les plus faibles, et qu’il se targue de (mal) éteindre les incendies qu’il aura lui-même allumé. Mais tu sembles sûr que le second tour se jouera entre Hollande et Sarkozy, alors que moi je pense que cette élection sera très ouverte et qu’il risque d’y avoir des surprises. En tous cas, Mélenchon dit et répète encore et encore qu’il ne participera à aucun gouvernement autre que celui qu’il dirigera. S’il ne s’y tient pas, je déchirerai ma carte.

Concernant les propos de Gremetz dont j’apprécie la verve :

Je suis d’accord. C’est pas Montebourg. Il a toujours été à la gauche du PS. Aujourd’hui il est leader du Parti de gauche et n’a pas rejoint le PC. C’est une évidence.

Effectivement et malheureusement à l’époque de Jospin son courant interne au PS était minoritaire et lui n’existait pas. Maintenant, on est obligé de croire Huchon et Gremetz quand ils parlent de cirage de pompe en sachant qu’il y a des chances pour que l’un ait pompé cette "information" toujours sans preuve sur l’autre. Qu’est-ce qu’ils appellent "cirage de pompe" exactement ?

Lui petit secrétaire d’Etat à la formation pratiquement inconnu à l’époque aurait sabordé/trahi son parti en le dénonçant et en démissionnant ? Ca aurait été un absurde suicide politique, et inutile avec ça. Sur le fond, je suis d’accord, ces privatisations ont fait et font encore beaucoup de mal à la France et vont à l’encontre des valeurs de gauche. Seulement, Mélenchon est discipliné et intelligent. S’il avait fait ça, on lui aurait également reproché. On aurait dit que c’était un traître. Et après ? Il aurait fait quoi ? Il fait quoi Gremetz maintenant qu’il a appliqué à lui-même ce qu’il reprochait à Mélenchon ? Rien. Il est politiquement mort, et avec lui sa grande gueule, ses beaux principes et son indiscipline.

Pour moi, il est évident que si Mélenchon profite du PC, c’est surtout le PC qui profite de lui puisqu’il n’a plus été aussi fort et audible depuis Marchais, n’en déplaise à Gremetz qui n’a pas été capable de faire aussi bien. Mais dans l’histoire, celui qui prend le plus de risque, c’est bien Mélenchon. Parce que là c’est la locomotive qui tire le Front de gauche et qui se prend tout dans la gueule, mais contrairement à Mitterrand, le Parti de gauche n’est pas majoritaire dans l’alliance, loin de là. J’ose espérer qu’une fois satisfait, le PC, Laurent, Buffet et les autres ne vont pas le lâcher ou le dégager comme une vieille merde, parce qu’ils en seraient politiquement capables. Lui, il ne peut pas le faire.

Pour le reste de l’intervention de Gremetz, je ne peux pas répondre vu qu’il s’embrouille et que son discours n’a plus aucune clarté. Quant à l’intervention de Huchon dans un talk show comique cherchant à faire du buzz, j’y ai déjà répondu deux fois mais je peux ajouter que Huchon est un proche de Strauss Khan qui veut que le PS rompe avec le Marxisme et qui souffre d’un grave déficit de charisme, d’où l’intérêt d’essayer de marcher sur la gueule de Mélenchon et d’où les railleries du présentateur. Et comme je l’ai encore déjà dit, si c’est tout ce qu’on a contre lui, je m’en accommode parfaitement.

Et évidemment pour le reste je vais m’abstenir de répondre, sauf pour te faire remarquer que ton deuxième lien ne fonctionne pas non plus.

Comme nous sommes d’anciens camarades et que tu as décidé d’être familier avec moi, j’espère que le tutoiement ne t’aura pas dérangé, "mec" ?