jeudi 28 février 2013 - par Éric Guéguen

Saint-Simon, socialiste ET libéral

Les uns recommandent plus d'État, les autres louent l'entrepreneuriat. Les uns et les autres sont les fruits d'un même arbre, celui d'un devenir strictement utilitaire et matériel de l'être humain. Modernes contre Modernes.

 

Il est intéressant de s'en convaincre à la lecture de Saint-Simon - leur père à tous -, dont les œuvres complètes ont été récemment rééditées (novembre dernier) aux PUF.

 

Voici l'émission des Nouveaux chemins de ce matin qui lui était consacrée...

 

 

Voir aussi : L’impasse comme horizon

 



23 réactions


  • Nevenoë 28 février 2013 10:17

    Rien de plus logique, la gauche se réclamant généralement de l’héritage de 1789.

    Une des premières mesures prises par la Constituante a été la loi Le Chappelier, loi ultra libérale s’il en est.

    Les associations ouvrières d’entraide mutuelle sont interdites : on déclare que l’entraide aux chômeurs et aux malades n’est qu’un prétexte. La loi interdit même les pétitions ouvrières, les délibérations collectives tendant à fixer un prix ou un salaire : cela livre donc entièrement les ouvriers à la discrétion du patron. Le contrat doit être conclu entre deux personnes libres et indépendantes de tout lien collectif : le patron et l’ouvrier, théoriquement égaux. Les auteurs de délibérations ouvrières seront passibles d’amendes, et privés de leurs droit de citoyens actifs pour un an. Ceux qui attenteraient par la force à la liberté du travail (grève, etc.) seraient poursuivis devant les tribunaux criminels et les attroupements ouvriers seront dispersés par la force. Ce qui est curieux, c’est qu’aucun députés de gauche ne protesta contre cette loi. Pour les uns, elle est une mesure de circonstance, pour les autres les compagnonnages étaient des centres de propagande contre-révolutionnaire. En réalité cette loi fut décisive et fit triompher toute une conception économique et sociale : le libéralisme profitant au plus fort et correspondant à l’individualisme social et à l’égalité théorique. Elle fut le fondement du capitalisme libéral.

    La loi Le Chapelier fut promulguée, le 14 juin 1791.

    Jacques Ellul, Histoire des institutions, t. 5 : Le XIXe siècle (1789–1914), 1956, PUF.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 10:29

      Bonjour et merci pour votre intervention.
      M’est avis, néanmoins, qu’aujourd’hui, Jacques Ellul s’entendrait répondre qu’il y avait deux révolutions en une dès 1789, une bourgeoise libérale (1789-1792, loi Le chapelier incluse), l’autre populaire et proto-socialiste (1792-1794). Ainsi les uns et les autres se déchirent-ils pour savoir qui d’entre eux peuvent se réclamer de l’héritage des Lumières. Certains invoqueront plus tard Voltaire et Turgot, d’autres Rousseau et Babeuf. Quoi qu’il en soit, tout se fond finalement dans le creuset Saint-Simon, synthèse parfaite à l’orée du nouveau siècle.


    • Nevenoë 28 février 2013 10:54

      D’un autre côté (1792-1794) c’est le bain de sang, répression, massacres de civils, assassinats politiques etc ...

      A part l’abolition de la royauté et autres mesures symboliques qui n’ont eu pour effet que de porter au pouvoir un dictateur puis empereur je ne vois pas de motifs pour se réclamer de cette période....


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 11:01

      Pourtant, une bonne partie des extrêmes actuels s’en réclament : extrême droite et extrême gauche indifférenciées.
      On réhabilite l’Incorruptible, on l’invoque face à nos cuistres corrompus actuels, on se recommande de la Constitution de l’An I, vectrice qu’une véritable démocratie, contre le régime parlementaire actuel, et dans l’élan impulsé par Chouard, on lit et relit Bernard Manin, on écoute et réécoute Henri Guillemin... on prépare la sanglante révolution à venir en somme ! smiley


    • Nevenoë 28 février 2013 11:14

      Les violences ne peuvent trouver de l’indulgence que si derrière on construit quelque chose dans l’intérêt commun ce qui ne fut pas le cas.

      Les révolutionnaires ont plus été préoccupés par des luttes de prises de pouvoir et le déclenchement de guerres plus ou moins bidon (comme la farce de Valmy) pour faire oublier au peuple la disette due à leur incapacité à gouverner.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 11:20

      Mais on vous expliquera - je le maintiens - que Valmy fut l’œuvre de bourgeois va-t-en-guerre, prêts à sacrifier le sang du prolétaire, et que Saint-Just et Robespierre y furent opposés.
      Ne sentez-vous pas une indulgence contemporaine vis-à-vis des crimes de la Terreur ? Ils furent faits au nom du peuple, et de nos jours, ce qui est fait "au nom du peuple" et qui peut nuire aux possédants mérite tous les égards.


    • Nevenoë 28 février 2013 11:37

      Seul le résultat compte et là c’est catastrophique.

      Combien d’horreurs commises, sois disant, au nom du peuple en URSS, Chine, Cambodge, Vietnam Laos.

      Ce ne sont en rien des circonstances atténuantes.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 11:43

      Sur ce point, ce n’est pas moi qu’il faut convaincre. Je ne fais que constater un mouvement diffus mais de plus en plus répandu sur le net. Les peuples sont profondément oublieux de leur passé ; lorsqu’on leur martèle que seuls comptent leurs sous et l’instant présent, ils ne sont pas long à s’en convaincre.
      La haine du banquier - pour lequel, au passage, je n’ai pas plus de sympathie que ça - peut soulever des montagnes. Mais encore une fois, vous prêchez un convaincu.
      ----
      Et sinon, Saint-Simon ?...


    • Mr.Knout Mr.Kout 28 février 2013 13:35

      Le changement sanglant n’a donné que pire.

      Le changement pacifique n’a pas duré.

      En gros on fait rien et on attend ?

      C’est difficile de justifier la voie sanglante quand on a un brin de jugeote mais tout autant de soutenir la voie pacifique quand on voit les peuples en prendre plein la gueule.Personnellement j’oscille entre les deux au gré des informations.

      Je trouve un peu naïf de s’étonner de la réhabilitation de l’incorruptible sanglant après trente ans d’affaires et de promesses mensongère. Naif de croire que les peuples sont assez mature pour ne pas tomber dans le piège de l’homme providentiel et se prendre en main face à des institutions qui font plier les plus grand états.

      Le mouvement 5 étoiles en Italie nous montre que la réaction face aux mouvement citoyen est rapide et efficace,une coalition entre parti prétendument opposée pour changer les règles afin d’éviter la répétition d’un tel évènement politique.Face à cette réaction comment ne pas succomber à l’envie de couper des tètes ?

      Je sais que je n’apporte pas grand chose au débat car je n’ai moi même pas d’avis tranché.


      les saint simonisme est utopique,les deux dernier siècles ont montré qu’on ne peut faire confiance aux élites pour diriger le peuple avec justice.J’en vient même à me demander s’il est possible que des humains administrent les humains avec justice....



    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 14:11

      @ Mr. Kout :
      ------------
      Il faut se rappeler de la fameuse formule de Saint-Simon, invitant les générations futures à "substituer au gouvernement des hommes l’administration des choses". Eh bien nous y sommes, nous avons suivi sa voie, et c’est une voie qu’il n’est jamais venu à l’idée, ni des socialistes, ni des libéraux de récuser.
      Après la Terreur, c’est le recours à la politique que tout le monde semble avoir eu en horreur, d’où la lente montée en puissance du capitalisme (la nature ayant horreur du vide, blablabla...).
      ------
      Aujourd’hui, se sont les choses qui nous gouvernent, et derrière elles, ceux qui sont capables d’offrir toujours plus de ces choses aux masses boulimiques.
      Vous demandiez que faire ? Commençons donc par une salutaire introspection individuelle, après, et seulement après, nous serons en droit de balayer nos dirigeants qui, faut-il le rappeler, en régime représentatif sont à l’image du peuple.


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 28 février 2013 13:09

    Le problème politique n’est pas tant de trouver des solutions organisationnelles (organiser équitablement la nation en donnant sa juste place à l’industrie) que de trouver des méthodes de communication (convaincre un troupeau de veau lobotomisés sous perfusion télévisuelle de prendre son destin en main). 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 13:22

      Je suis bien d’accord avec vous. Notre tâche est bien plus ardue que celle des révoltés de 89 car il nous faut faire avec la cacophonie, le relativisme et l’esprit de parti qu’ils nous ont transmis.
      Mais cela n’empêche nullement de s’élever individuellement, sans égard pour les majorités asthéniques.


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 28 février 2013 14:10

      Je tâche de m’élever, mais je vois le monde poursuivre sa course vers l’abîme. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 14:13

      @ Gaspard Delanuit :
      --------------------------
      Dans ce cas, je m’accorde le droit de dire que vous valez mieux que la plupart.
      Osons le jugement de valeur pour sortir de la fange.


  • robert biloute 28 février 2013 14:24

    Je n’ajouterais rien à la discussion, sinon que quelque part, et malgré sa teneur pessimiste, ça me rassure que certains soient encore capable de l’avoir.
    Merci donc, pour la discussion et pour le lien.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 28 février 2013 14:31

      Merci Robert. Un autre lien va suivre, aujourd’hui ou demain, dans la même veine, plus intéressant encore.
      L’émission d’aujourd’hui consistait en effet à savoir si le socialisme devait "vaincre ou accomplir le libéralisme"... Ce qui perturbe un peu l’esprit de chapelle.
      À suivre donc...


    • robert biloute 28 février 2013 15:03

      J’adore qu’on perturbe l’esprit de chapelle, ce cuistre..


    • Lord Volde lord volde 1er avril 2013 03:57

      L’oiseau est intéressant à suivre, mais il ne chasse que la nuit tombée. S’atteler à lire, écouter et comprendre les idées si nombreuses, si éparses et clairsemées aux quatre vents m’apparaît d’une portée lointaine qu’il me faudrait à la fois faire oeuvre de tâcheron et faire abstraction de tant d’autres choses auxquelles je ne pourrais renoncer sans y consacrer un effort surdimensionné. J’aime bien les chouettes, mais je n’ai pas le désir de devenir un hibou. Cela mis à part, j’aime bien te voir voleter au dessus des autres. smiley 


  • QaviQeQuarQo davideduardo 28 février 2013 20:12

    saint simon plait a cette dame et 

    -il ne remet pas en cause la propriété
    -il est productiviste
    -il pense production au niveau européen
    -s il on y voit du libéralisme , il sera plutot ordolibéral a l allemande plutot que neolibéral financier a l anglosaxonne.

    il peut tout a fait rentrer dans le discour dominant européiste libéral et soi disant social.




    il plait en effet plus que proudhon qui 
    -remet en cause la propriété
    -qui a une certaine dimension conservatrice, localiste, traditionnelle
    proudhon peut plaire au décroissants, aux vrais anar, aux bolivariens et meme au neogaullistes/3eme voies.

    • robert biloute 1er mars 2013 15:49

      et voui, on dirait que Proudhon est destiné à rester un Poulidor, l’anarchie de manière générale d’ailleurs..


  • Lord Volde lord volde 1er avril 2013 04:32

    La fondation Saint Simon a été dissoute par son organe directeur après avoir réussi le tour de force de convaincre les huiles socialistes de renoncer à la thèse de la lutte des classes en s’abandonnant à la primauté de l’économie libérale et du marché commun construit autour de la CEE. Le PS est devenu dés lors un parti de droite agissant sous fausse bannière.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 1er avril 2013 10:33

      Bonjour et merci pour tes messages.


      Effectivement, j’avais oublié cette "Fondation Saint-Simon", hypostase d’une collusion entre les deux grandes idéologies qui, en vitrine, se vouent une guerre sans merci.

  • Lord Volde lord volde 1er avril 2013 04:41

    J’ai un vague sentiment redondant qui me dit que l’oiseau de nuit qui me fait les yeux ronds va devenir à la longue un camarade de chasse. smiley


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