"Ceci n’est pas une pipe" disait Magritte.
Rembrandt, dans le "Boeuf écorché" signifiait aussi le même regard.La représentation participe de l’acte de symbolisation propre à notre espèce. Hirst, bien de son temps, dit le contraire : ceci est un veau,des mouches, un squelette etc. Un reproche, dans cette démarche : manquent les odeurs - aussi putréfiées que possible -, le cri du cochon qu’on égorge - aussi déchirant que possible etc. Dans cette mesure/démesure, Hirst reste fade. On peut être très déçu.
On attend une autre "intervention" : l’équarissage d’un veau-vivant- en direct, devant un parterre de milliardaires libéraux. Le prix des places permettant d’envoyer du riz à quelques petits Ethiopiens ( à moins de les nourrir sur place ou, mieux, de les exposer en durée réelle passant de l’extrême maigreur à une taille normale pendant qu’on équarrit, régulièrement, à côté des veaux bien vifs et meuglant.)Je suggère au charlatan de foire dit Hirst un abonnement, extrêmement cher, à des milliardaires triés sur volet des euros ou des dollars volés. Aux éleveurs maliens de coton, aux contribuables et salariés occidentaux, aux épargnants, aux petits retraités, aux délocalisés, aux jeunes au chômage, aux Américains sans toit ni couverture sociale etc., etc.
Autrement dit, Hirst doit son succès à son grand art de la courtisanerie,de la "lèche" disait-on, autrefois dans les écoles. Il ne s’agit plus de "penser" ( My God ! shoking ! seriez-vous "communist" ? )mais de SIDERER. De plonger l’ancien SUJET, l’humaniste ringard, dans l’hébétude pré-onsciente. De plonger tout cerveau dans le formol. Et de l’y voir, à terme, se décomposer.
Allégorie du cher, très cher, très onéreux, dispendieux, capitalisme financier contemporain dont on mesure, enfin, la démesure, la folie, l’"hybris" : un monde à VENDRE n’existe plus. Il n’est plus symbolisable, il n’y a plus ce léger et fragile - et donc si précieux - DECALAGE entre les choses et soi, les autres et soi, cette DISTANCE ou cet INTERVALLE mettant du mystère et provoquant le DESIR de l’échange et de la quête : les choses, et soi-même, sont là, inertes. Formolisées. Non plus formalisées. Mises en cuves, en containers, identiques, sérialisées : l’homme est de trop. Comme pour Staline ( étrange avatar, à première vue, mais pas surprenant si l’on réfléchit ), le problème c’est l’HOMME. Que faire de ce résidu irréductible, jamais ADAPTE, qui, au lieu - l’enfoiré, l’enquiquineur - de plonger le nez dans les entrailles des bisons, de se barbouiller de son sang ou de sa merde, le REPRESENTE sur les parois des grottes, de Lascaux ou d’ailleurs. Fonction symbolique : "ceci n’est pas un bison". Et c’est parti : on parle, on chante, on invente des récits, des dieux, on se masque, etc.
Hirst a compris où était le POUVOIR qui le lui rend bien, qui le paie bien pour le service rendu. Le geste de Duchamps tenait sa valeur de son caractère PROVISOIRE. Les contestations les plus courtes sont les meilleures. Sinon on tombe dans un nouvel académisme. Un académisme pire encore que les autres puisque, au moins, il ne prétendait pas être autre chose qu’une représentation complaisante et apprivoisée des choses. Celui-ci, la Hirstmania, veut choquer alors qu’il est exactement dans l’esprit du temps, qu’il va au-devant, comme savent le faire tous les courtisans, des désirs du Maître. Bref, comme on disait autrefois, Hirst est un lèche-cul. On attend la cuve au formol où il se représentera lui-même dans cette posture.