mercredi 12 février 2014 - par Rounga

Confucius contre Lao-tseu

Les deux principaux courants de la pensée chinoise, le taoïsme et le confucianisme, se sont souvent disputé sur la question de l'engagement politique. Alors que le confucianisme fait de la participation à la marche du royaume la fonction essentielle du lettré, les taoïstes n'ont aucun scrupule à se faire ermites dès lors que le pays a perdu la Voie. Dans cette présentation, Anne Cheng, sinologue émérite et titulaire de la chaire "Histoire intellectuelle de la Chine" au Collège de France, nous présente le fondement de cette opposition.

 

Confucius est considéré comme le penseur qui a eu l’influence la plus marquante sur la civilisation chinoise, un équivalent asiatique de Socrate, qui partage avec lui la particularité de n’avoir jamais mis par écrit les propos qui lui sont attribués aujourd’hui. Son enseignement repose sur le perfectionnement moral de l’individu, qui s’opère par la pratique des rites et par la poursuite incessante de l’étude, c’est-à-dire par l’acquisition de connaissances immédiatement mises en pratique. Pour Confucius, la vertu du sage ne trouve sa raison d’être que mise au service d’un souverain, assistant ce dernier dans l’accomplissement du "décret du Ciel", ce qui implique une observance scrupuleuse des convenances liées à la hiérarchie sociale.

 

Le taoïsme, quant à lui, est une doctrine qui vise à atteindre le Tao, c’est-à-dire le principe par lequel toutes les choses adviennent naturellement. Le "saint" taoïste qui a trouvé le Tao pratique le non-agir : il produit un effet dans le monde sans entrer en interférence avec le cours harmonieux des choses. Alors que le sage confucéen s’enrichit et se perfectionne perpétuellement par l’étude, le saint taoïste se dépouille progressivement de tout ce qui peut entacher sa spontanéité naturelle et l’éloigner du non-agir.

 

 

La divergence de vues entre taoïstes et confucianistes influence aussi bien la conception individuelle du cheminement intellectuel et spirituel que les considérations politiques sur la meilleure façon de gouverner. Dans le Tao-te king, le "livre de la Voie et de la Vertu" attribué à Lao-tseu, le royaume est bien gouverné dès lors que le peuple est maintenu dans l’ignorance et la satiété, la glorification des vertus sociales et morales ne faisant qu’opérer une séparation néfaste au sein de ce qui est confondu dans l’unité primordiale du Tao. Si un pays a perdu la connection avec la Voie (le Tao), le saint taoïste ne peut que s’exposer à la souillure en restant dans le monde, et préservera plutôt son intégrité en vivant au contact de la nature. Pour le confucianiste, en revanche, le sage doit participer en toute circonstance à la vie politique. Dans un régime corrompu, celui-ci mettra tout en oeuvre pour remettre le gouvernement dans le droit chemin, même si cela lui vaut de ne recevoir aucun honneur officiel. Confucius a d’ailleurs cherché toute sa vie le monarque idéal chez qui il aurait pu exercer ses talents sans se compromettre.

 

Cet aspect de la polémique apparaît dans l’anecdote suivante, présente dans les Entretiens de Confucius ( XVIII.6.)

 

"Tch’ang Ts’iu et Kie Gni s’étaient associés pour cultiver la terre. Confucius, passant en char auprès d’eux, envoya Tzeu lou leur demander où était le gué¹. Tch’ang Ts’iu dit : « Quel est celui qui est dans le char et tient les rênes ? – C’est Confucius », répondit Tzeu lou. « Est-ce Confucius de la principauté de Lou ? » reprit Tch’ang Ts’iu. « C’est lui », dit Tzeu lou. Tch’ang Ts’iu remarqua : « Il connaît le gué. »

 

Tzeu lou interrogea Kie Gni. « Qui êtes-vous ? » dit Kie Gni. « Je suis Tchoung lou », répondit Tzeu lou. Kie Gni dit : « N’êtes-vous pas l’un des disciples de Confucius de Lou ? – Oui », répondit Tzeu lou. « Le monde, dit Kie Gni, est comme un torrent qui se précipite. Qui vous aidera à le réformer ? Au lieu de suivre un gentilhomme qui fuit les hommes², ne feriez-vous pas mieux d’imiter ceux qui fuient le monde et vivent dans la retraite ? » Kie Gni continua à recouvrir avec sa herse la semence qu’il avait déposée dans la terre.

 

Tzeu lou alla porter à Confucius les réponses de ces deux hommes. Le Maître dit avec un accent de douleur : « Nous ne pouvons pas faire société avec les animaux. Si je fuis la société de ces hommes³, avec qui ferai-je société. Si la Voie régnait dans le monde, je n’aurais pas lieu de travailler à le réformer. "

 

1. Pour passer la rivière.

 

2. Qui cherche partout des princes et des ministres amis de la vertu, et qui, n’en trouvant pas, passe sans cesse d’une principauté dans une autre.

 

3. Des princes et de leurs sujets.

 

La tendance inverse se trouve chez Tchouang-tseu, qui vante l’attitude du sage qui fuit les charges officielles pour suivre librement les élans de son coeur et trouver la sérénité. L’anecdote suivante illustre bien cette tendance (Tchouang-tseu, XVII) :

 

"Comme Tchouang-tseu pêchait à la ligne au bord de la rivière P’ou, le roi de Tch’ou lui envoya deux de ses grands officiers, pour lui offrir la charge de ministre. Sans relever sa ligne, sans détourner les yeux de son flotteur, Tchouang-tseu leur dit : J’ai ouï raconter que le roi de Tch’ou conserve précieusement, dans le temple de ses ancêtres, la carapace d’une tortue transcendante sacrifiée pour servir à la divination, il y a trois mille ans. Dites-moi, si on lui avait laissé le choix, cette tortue aurait-elle préféré mourir pour qu’on honorât sa carapace, aurait-elle préféré vivre en traînant sa queue dans la boue des marais ? — Elle aurait préféré vivre en traînant sa queue dans la boue des marais, dirent les deux grands officiers, à l’unisson. — Alors, dit Tchouang-tseu, retournez d’où vous êtes venus ; moi aussi je préfère traîner ma queue dans la boue des marais."

 

Cette problématique n’a aujourd’hui rien perdu de son actualité. La question se pose toujours de savoir si, au sein d’un Etat corrompu, l’homme de bonne volonté doit tenter par tous les moyens de redresser la situation en s’investissant dans la vie publique, ou s’il doit plutôt préserver son intégrité en s’écartant des affaires mondaines, et jouir égoïstement de sa liberté. Nous avons vu que ces deux conceptions opposées reposent sur des présupposés différents : alors que l’option taoïste s’appuie sur une vision transcendante des choses, le confucianiste reste étranger à toute métaphysique et ne prend pas en compte ce qui sort du cadre social. Si le premier semble désinvolte, le second peut paraître trop rigide. Le juste milieu consisterait peut-être à bien reconnaître, tout en distinguant, ce qui est de l’ordre du transcendant et ce qui est de l’ordre du social, et de donner à chaque domaine sa juste part.

 



113 réactions


  • howahkan hotah Buddha hotah 12 février 2014 12:32

    encore un conflit de plus.......y’en a pas assez ????


    • Rounga Rounga 12 février 2014 12:44

      Les conflits sont là pour qu’on les résolve, pas pour qu’on les évite.


    • howahkan hotah Buddha hotah 12 février 2014 13:14

      Salut je comprends oui mais pas pour moi ,les conflits doivent être compris en profondeur et non pas pensés en profondeur , conflit = problème = souffrance, l’ énergie qui est derriere la souffrance est le seul catalyseur que nous ayons pour ne plus penser la vie mais vivre la vie dont les problèmes ..et si solution il y a ,elle sera montrée par la compréhension profonde du conflit et jamais par la résolution aveugle de celui ci car sans rapport avec le cœur du conflit.....

      long sujet...salutations


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 13:21

      "Les conflits sont là pour qu’on les résolve, pas pour qu’on les évite"


      Espèce de confucéen ! smiley

    • howahkan hotah Buddha hotah 12 février 2014 13:27

      en fait il me semble qu’on ne fait qu’éviter tous les problèmes-conflits en fonçant dans des solutions...sans jamais savoir la racine des dits problèmes....a titre personnel et aussi global .....


    • howahkan hotah Buddha hotah 12 février 2014 13:28

      euh cela dit, le sujet me semble intéressant ca me rappelle mes années 1970....on lisait ça à l’école...


  • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 12:59

    Merci Rounga pour ce passionnant sujet. Je connais bien Anne Cheng pour avoir écouté tous ses cours au Collège de France. Je vous donne mon point de vue dès que possible.


  • micnet 12 février 2014 13:13

    Superbe article, très intéressant ! Le parallèle entre Confucius et Socrate est très bien vu !


    • Rounga Rounga 12 février 2014 13:24

      Et je peux même prolonger ce parallèle : Tchouang-tseu, dans son œuvre, n’a de cesse de tourner Confucius en dérision, le mettant en scène dans des situations où il est édifié par un maître taoïste dont la sagesse est supposée supérieure. Le reproche que fait Tchouang-tseu à Confucius, c’est de suivre une voie qui a pour résultat de se couper du principe premier, le Tao, en exaltant des vertus morales qui ne font qu’éloigner les hommes de leur spontanéité première. Or, je retrouve dans ce reproche une forte similitude avec celui que Nietzsche fait à Socrate : celui d’avoir sorti la forme (côté apollinien) de l’informe (côté dionysiaque), et d’avoir mis en valeur une morale qui bride les instincts des individus. Cela renvoie à l’article que Eric Guéguen a posté récemment.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 13:28

    • Gollum Gollum 12 février 2014 13:49

      Or, je retrouve dans ce reproche une forte similitude avec celui que Nietzsche fait à Socrate : celui d’avoir sorti la forme (côté apollinien) de l’informe (côté dionysiaque), et d’avoir mis en valeur une morale qui bride les instincts des individus. Cela renvoie à l’article que Eric Guéguen a posté récemment.


      Il y a similitude mais ça s’arrête là. Nietzsche vise la part animale de l’homme, les instincts, le dionysiaque.. Lao-Zi vise l’union du Ciel et de la Terre, le non-agir étant l’action suprême fécondée par le Ciel. Ce qui implique détachement et renoncement à soi, alors que Nietzsche veut libérer les instincts afin d’exalter l’homme.. 

    • erQar erQar 12 février 2014 20:11

      @Rounga
      -
      mis en valeur une morale qui bride les instincts des individus
      -
      Attention, la morale est ce qui fait la différence entre l’homme et l’animal.
      -
      Mais aussi dans la réflexion, il faut ajouter que dans le règne animal, les animaux tuent pour leur survie tandis que l’homme tue parfois uniquement par plaisir.
      -
      Attention, je ne dis pas que nous sommes complètement différents des animaux.


  • Gollum Gollum 12 février 2014 13:43

    Intéressant cette dialectique entre Kong Fou Tseu et les Taoïstes..


    Première remarque. Pour Guénon, Confucius correspond à la voie exotérique alors que le Taoïsme est d’emblée ésotérique.

    Je ferai remarquer aussi que Confucius en prônant la culture de l’individu est plus proche de l’esprit occidental que du véritable esprit chinois qui à mon sens est celui des Taoïstes.

    Que disent les Taoïstes ? Qu’il faut cultiver le non-agir (Wu Wei) qui n’a rien à voir avec la passivité telle que la comprendrait un occidental, au j’m’en foutisme..

    Non, le non-agir, c’est diminuer l’homme pour que le divin circule à l’intérieur de celui-ci et que ce soit celui-ci qui agisse, à la place de l’homme.

    En fait cela correspond à l’homme intérieur de Saint-Paul : "ce n’est plus moi qui agit, c’est Christ qui agit à travers moi". Bref, l’idéal chrétien et l’idéal taoïste sont les mêmes.. Réduire la part de l’humain et de l’ego pour laisser la place au divin, qui lui seul est habilité à agir et qui sait, véritablement, ce qu’il est bon de faire..

    La dialectique chinoise du Yin et du Yang d’ailleurs correspond à la même logique sous-jacente dans les Évangiles..

    "Celui se met en avant sera diminué" "les premiers seront les derniers", etc.. qui dévoilent une logique non-linéaire et qui est la même que celle que Lao-Zi propose..

    Suffit de lire le Tao-Te-King pour s’en apercevoir..

    La conférencière prône un équilibre entre les deux façons de voir. Non. La façon de voir taoïste est supérieure. Simplement, pour y arriver il faut d’abord se cultiver soi-même, donc suivre la voie confucéenne de culture de l’individu, à condition de savoir que cela aura une fin et que l’on aboutira dans une façon de faire qui soit celle du détachement et du non-agir..

    D’ailleurs la logique taoïste veut que pour avoir un esprit taoïste il faut d’abord faire le contraire…

    Donc le Taoïsme est le meilleur système philosophique pour comprendre le christianisme de l’intérieur..

    • Rounga Rounga 12 février 2014 14:12

      Gollum,
      Je vous rejoint sur de nombreux points. Cependant, j’avoue que je doute souvent que Confucius soit vraiment resté au stade exotérique. La citation des Entretiens qui me pousse dans ce sens est celle que cite Anne Cheng. La dernière strophe "A soixante-dix ans je suivait les élans de mon cœur sans sortir du droit chemin", montre que le résultat de la voie confucéenne est finalement une libération de l’être par rapport aux règles. L’observance des rites a pour but d’orienter le cœur de l’individu vers la bonne voie, mais elle n’est pas une finalité en soi. Un commentateur de Lao-tseu, Wang Bi, au IIIème siècle avant J.C., faisait la remarque suivante :
      "Confucius a fait corps avec le principe suprême inconditionné, lequel est ineffable, c’est pourquoi il n’en parle pas, tandis que Lao-tseu évolue encore dans l’être, c’est pourquoi il ne cesse de s’en gargariser."
      Ce qui est en accord avec le passage suivant des Entretiens (XVII.18.) :
       Le Maître dit : « Je voudrais ne plus parler. – Maître, dit Tzeu koung, si vous ne parlez pas, qu’aurions-nous, vos humbles disciples, à transmettre ? » Le Maître répondit : « Est-ce que le Ciel parle ? Les quatre saisons suivent leur cours ; tous les êtres croissent. Est-ce que le Ciel parle jamais ? »


    • Alexandre Banquet 12 février 2014 16:35

      Gollum

      Il est très fructueux de comparer Christianisme et Taoïsme, et vos comparaisons sont intéressantes. Mais je pense que vous vous trompez complètement, pour plusieurs raisons dont la principale est celle-ci : vous faites comme si les questions de Dieu et du Tao, de la Voie, n’avaient aucune importance dans l’équation. 
      Vous dites du Wu Wei "C’est diminuer l’homme pour que le divin circule à l’intérieur de celui-ci, et que ce soit celui-ci qui agisse". Quel divin ? Le Tao n’est pas Dieu. Le Tao c’est profondément... personne. le Wu Wei ce n’est pas le non-agir pour qu’un Autre agisse à votre place, c’est votre devenir une fois que vous ne répondez plus a l’univers par la volonté, par l’intentionnalité, mais par la puissance(Te) spontanée du fond des choses, de la "nature"(Ziran). Ce n’est pas le divin qui doit "circuler", si cette image est appropriée, mais le Tao, dont le comportement ressemble plus à celui de l’eau qu’à Dieu. Pratiquer le Wu-Wei, c’est comme ne pas obstruer le lit d’une rivière car : "La grande Voie se répand comme un flot"(XXXIV, trad Leiris-Houang), ou"La Voie est comme une eau impétueuse"(Trad.J.Levi). 
      Plus largement, il n’est pas sûr que l’on puisse parler de métaphysique pour la pensée chinoise, et elle n’est pas dualiste. Nos catégories : Esprit et Matière n’y sont pas efficientes. Même à l’époque du Taoïsme en tant que tel, c’est à dire en tant que religion. Les êtres humains peuvent bien avoir 10"âmes"(Je vous renvoie à Maspero, "Le Taoïsme" en particulier). Cela engendre un clivage important entre les religions d’Abraham et la spiritualité chinoise.

      Vous dites : "La dialectique chinoise du Yin et du Yang d’ailleurs correspond à la même logique sous-jacente dans les Évangiles.."pardon, mais vous exagérez. Vous confondez l’éthique chrétienne, et la cosmologie chinoise...
      A la rigueur on peut associer Héraclite et son énantiodromie, et le Taiji.

      Par ailleurs, la "logique sous-jacente" des Evangiles, synoptiques et apocryphes, est difficile à saisir, en dehors de raconter Jésus/Dieu, d’inspirer la foi, et d’inviter à suivre son exemple.
      Il y aurait tant d’autres choses à dire sur les aspects irréconciliables du Christianisme et du Taoïsme de Lao-tseu. Le fait que celui-là soit une religion révélée, les différences de conception de la temporalité, etc...
       
      A propos de Confucius, et de ses Entretiens en particulier, il faut dire ici que Anne Cheng a soulevé le débat philologique, complexe, autour de cette question, et pour résumer une des idées de ce débat : la parole de Maître Kong telle qu’elle nous est parvenue, sous la forme des Entretiens, pourrait très bien être une construction opérée sous la dynastie des Han, pour donner au pouvoir impérial un socle idéologique. Donc, comme pour Socrate, Jésus, et même Lao-Tseu, mais peut-être dans une moindre mesure, l’intention initiale de Confucius a sûrement subi quelques distortions. Cela c’est du point de vue du texte, car au fond les pouvoirs chinois, et des pays sur lesquels la culture chinoise a rayonné, ont souvent utilisé les paroles de Confucius comme outils de fabrication du consentement. 
          

    • Gollum Gollum 12 février 2014 17:43

      Bonjour. Merci de votre apport.


      Je vais réagir à vos remarques.

      Vous dites du Wu Wei "C’est diminuer l’homme pour que le divin circule à l’intérieur de celui-ci, et que ce soit celui-ci qui agisse". Quel divin ? Le Tao n’est pas Dieu.


      Bien évidemment je fais usage de concepts occidentaux afin de bien me faire comprendre. Ceci dit si le Tao n’est pas Dieu il est quand même, il me semble, image de l’Absolu.

      L’analogie que je fais entre Saint Paul agit par Dieu (Christ ou Esprit Saint peu importe) et le sage chinois agit par le Tao me semble pertinente. Dans les deux cas il faut faire taire son individualité afin de laisser parler le Tout Autre.


      Le Tao c’est profondément... personne. Effectivement mais cette impersonnalité a existé chez quelques penseurs chrétiens. Je pense au dominicain Eckhart notamment.


      e Wu Wei ce n’est pas le non-agir pour qu’un Autre agisse à votre place, c’est votre devenir une fois que vous ne répondez plus a l’univers par la volonté, par l’intentionnalité, mais par la puissance(Te) spontanée du fond des choses, de la "nature"(Ziran).


      Pour moi cela revient au même. La nature au sens chinois n’est pas quelque chose d’imparfait bien au contraire. Rien à voir avec la nature telle que le conçoit un occidental, fruit du hasard et de la nécessité..


      Ce n’est pas le divin qui doit "circuler", si cette image est appropriée, mais le Tao, dont le comportement ressemble plus à celui de l’eau qu’à Dieu. 


      Tout a fait d’accord avec cette image fluide de l’eau. Mais en Occident on dit que Dieu écrit avec des lignes courbes (Paul Claudel si je ne m’abuse). Vous voyez donc bien qu’en Occident aussi on a conscience que la logique divine n’est pas une logique linéaire.

      Vous dites : "La dialectique chinoise du Yin et du Yang d’ailleurs correspond à la même logique sous-jacente dans les Évangiles.."pardon, mais vous exagérez.


      Non. Il est vrai que les Évangiles sont moins explicites quant à cette logique. Néanmoins, la logique non linéaire des Évangiles est bien perceptible : Si vous voulez être grand dans le Royaume de Dieu soyez le plus humble sur terre, ressemble fort au Qui s’incline sera redressé du chapitre 22 du Tao Te King et qui exprime la même idée. Du reste je ne suis pas le seul à avoir exprimé cette idée, bien d’autres se sont aperçus qu’il y avait là des affinités..



      Il y aurait tant d’autres choses à dire sur les aspects irréconciliables du Christianisme et du Taoïsme de Lao-tseu. Le fait que celui-là soit une religion révélée, les différences de conception de la temporalité, etc


      Je crois que cela semble irréconciliable si on reste à la surface des choses. Je pense qu’en profondeur il y a beaucoup de points communs. Mais certes, il y a de grandes différences.


       L’absence de révélation. Mais les Taoïstes s’expriment comme s’ils disaient la Vérité toute nue sans l’avouer de façon explicite. Eckhart quand il faisait ses sermons disaient des choses sur Dieu et il affirmait : ceci est la Vérité. Il y a donc une part de foi pour adhérer aux textes taoïstes. D’ailleurs Lao-Tseu disait : Quand le fou entend parler de la Voie il rit aux éclats. Seul l’homme doué (l’homme qui commence à percevoir les choses sous leur vrai aspect) peut comprendre le Taoïsme.


      L’absence du sacrifice. Mais cela concerne toutes les traditions asiatiques qui sont beaucoup plus dans la contemplation introvertie que dans l’action extérieure. Néanmoins le moine occidental, trappiste, bénédictin, vit comme un sage de l’Orient, sans sacrifice sanglant et vise le même dépouillement..


      Au fond l’essence de toute authentique sagesse est le détachement, le reste étant accessoire.

      La mort à soi-même qu’elle se fasse dans le sacrifice concret ou non est la constante de toute tradition spirituelle.


    • attis attis 12 février 2014 18:21

      Le Tao c’est profondément... personne. Effectivement mais cette impersonnalité a existé chez quelques penseurs chrétiens. Je pense au dominicain Eckhart notamment.


      Et surtout chez le pseudo-Denys l’ aréopagite.
      Quelle différence entre "la femelle mystérieuse" et "la divine ténèbre" ?


      Le Tao te jing est purement ésotérique, et les évangiles portent un message ésotérique qui, bien qu’ il n’ ait pas ou peu été exploré par la suite, rapproche le christianisme du taoïsme. Le problème de ces textes est qu’ ils s’ adressent avant tout aux mystiques ayant déjà eu accès aux vérités occultes, pas aux théologiens, philosophes ou exégètes qui découpent en tranche des textes qu’ ils sont incapables de comprendre.


      Pour ce qui est de Confucius, et pour rester dans le domaine des comparaisons orient/occident, je le situerai quelque part entre Voltaire et Rousseau.


    • Alexandre Banquet 12 février 2014 21:34

      Gollum


      Je ne suis toujours pas convaincu par le rapprochement , que je considère abusif, que vous voulez faire entre le christianisme et le Taoïsme de Lao-tseu en particulier. 

      Et par soucis d’efficacité je vais vous répondre d’une manière synthétique.


      Vous ne trouverez nulle part dans le Lao-tseu, le Tchouang-tseu, ou même chez Confucius, ou chez Wang-bi, une notion équivalente de notre "Absolu" pour qualifier le Tao. 

      Je vous renvoie par exemple au Lao-tseu (41) :

      "Le grand carré n’a pas d’angles

      Le grand vase est long à parfaire

      la grande musique est avare de notes

      La grande image n’a pas de forme

      le Tao est trop grand pour avoir un nom"

      (trad J.Levi)


      Il faut considérer les différences de structures linguistiques entre les deux cultures, qui sous-tendent un rapport au réel radicalement différent. 

      Ce qui me fait dire, et pour répondre, à un deuxième point : il y a effectivement dans la culture chrétienne la mystique et la théologie négative, pour contrecarrer l’arrogance des dogmes, par conséquent point n’est besoin d’un syncrétisme Tao/Dieu. On peut les comparer bien sûr.Mais Maître Eckhart, et les autres maîtres du courant apophatique ont un pouvoir de subversion suffisant pour ne pas avoir recours dans la pratique a un système philosophique exotique. Au moins il y a le même point de référence : Dieu.

      Alors que de l’autre côté :

      "La Voie qui a voie n’est pas la vraie Voie 

      le nom qui a nom n’est pas le vrai nom" (Lao-tseu 1)


      Il y a dans le christianisme, même mystique, un point de référence, nommément DIEU, vers lequel convergent les objets de la théologie, de la téléologie, de la sotériologie, de l’ontologie, et j’en passe des moins -gie... On est en rapport avec Dieu, on ne fait pas l’expérience d’être Dieu. Et ceux qui l’on prétendu ont été, la plupart du temps, persécutés. 

      Hors, le sage taoïste, le daoshi, n’est pas en rapport avec le Tao, il ne fait même pas l’expérience du Tao, mais peut-être quelque chose d’un peu différent, même bien après Lao-tseu, au début de l’ère chrétienne : 

      "il a le coeur identique au ciel et il est sans connaissance ; il a le coeur identique au Tao et il est sans corporéité"

       (Livre de l’ascension en occident) 


      D’ailleurs, le dialogue Bouddhisme-christianisme est beaucoup plus fructueux, si on veut vraiment un dialogue syncrétique avec l’orient. 


      Autre point, sur la nature : votre réponse dépasse le cadre de la comparaison, mais je dirais ceci : dans le cadre de la bible, Dieu est la source, le créateur de l’univers et des êtres. Or même dans le Taoïsme religieux, ecclésiastique, des six dynasties, qui accueille manifestement un panthéon, la notion de création est absente :

       "les dieux et l’univers sortirent presque ensemble du Chaos, sans que les dieux, malgré une légère antériorité, aient rien à faire dans la création"(Maspero "le taoïsme")

       

      Il y a aussi une conception panthéiste de la nature en occident(conf.Spinoza) "Deus sive natura", mais même cette idée n’est pas équivalente au ziran du vieux maître. Celui-ci se contente de dire que la nature est : ainsi, d’elle même. Aussi, hasard et nécessité peuvent être considérer comme des interprétations de certains aspects du réel, c’est à dire des réductions. Mais "le grand carré n’a pas d’angles". 


      Pas de point de référence extérieur, pas de lois, pas de Logos, pas de tout Autre, si ce soucis de dissiper l’Ego est présent aussi dans la spiritualité chinoise, et hindoue, et bouddhiste(qui est l’hindouisme emballé pour l’exportation...) ce n’est pas suffisant pour qu’on puisse dire que, mutatis mutandis, Dieu et Tao, Jésus et Lao-tseu, St Paul et daoshi : même combat.


      Je ne nie pas les rapprochements que vous avez fait, et je le redis, c’est intéressant. 

      Ce que je réfute c’est vos conclusions, qui sont identiques à vos prémisses :

      Dieu et Tao, au fond, c’est pareil. 

      Maintenant il est toujours possible de trouver des similarités entre les choses. Par exemple : 

      La pomme et le litchi sont des fruits.

      Mais au lieu de dire :

      une pomme est un fruit, un litchi est un fruit, mais une pomme n’est pas un litchi.

      Vous dites :

      une pomme est un fruit, un litchi est un fruit, donc une pomme est un litchi.

       


    • Rounga Rounga 12 février 2014 23:22

      La conférencière prône un équilibre entre les deux façons de voir.

      C’est vrai que déclarer "il faut trouver le juste milieu", c’est la conclusion couille molle, ça ne mange jamais de pain. Surtout qu’effectivement, conclure ainsi alors que les deux alternatives sont, en l’état, complètement opposées et inconciliables, ça ressemble plutôt à un refus de choisir. Si on affirme qu’il faut un juste milieu, il ne faut pas seulement le dire, il faut aussi établir dans quelles conditions ce juste milieu est possible.
      Je pense que la solution réside dans la formule "il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu". Confucius déclare la transcendance inconnaissable, et préconise de d’abord connaître le monde avant de s’engager dans des spéculations métaphysiques, tandis que les taoïstes ont tendance à ne voir que la transcendance, ce qui leur fait négliger les affaires du monde.
      Feng Youlan, dans le Nouveau Traité sur l’homme, établit quatre milieux, c’est à dire quatre manières d’être au monde :
      -le milieu naturel : c’est le milieu de la satisfaction des instincts
      -le milieu utilitaire : le milieu de la satisfaction des intérêts
      -le milieu culturel : le milieu du respect de certaines règles morales
      -le milieu transcendant : le milieu de la communion avec le principe suprême
      Il fait remarquer que les taoïstes dénigrent les milieux utilitaire et culturel, mais ont tendance à confondre les milieux naturel et transcendant. A l’inverse, les confucianistes rejettent les milieux naturels et transcendants, et confondent parfois l’utilitaire et le culturel. La solution serait de reconnaître l’existence de ces quatre milieux, ainsi que leur hiérarchie, le milieu naturel étant qualitativement le plus bas, et le milieu transcendant le plus élevé. Chaque milieu aboutit,après un saut qualitatif, au milieu supérieur.
      Je remarque au passage que Feng Youlan n’est pas mentionné dans l’Histoire de la pensée chinoise de Anne Cheng...


    • Gollum Gollum 13 février 2014 09:20

      Rounga : Confucius déclare la transcendance inconnaissable, et préconise de d’abord connaître le monde avant de s’engager dans des spéculations métaphysiques, tandis que les taoïstes ont tendance à ne voir que la transcendance, ce qui leur fait négliger les affaires du monde.


      Je ne crois pas que le taoïste néglige les affaires du monde. Cela est un regard d’occidental. Encore une fois, pour un taoïste, la meilleure façon de s’occuper de quelque chose, est de ne pas s’en occuper. Logique paradoxale à laquelle il faut s’habituer. Le taoïste par la culture du non-agir, agit par émanation comme disent les kabbalistes, par influence, subtile. En se retirant dans le secret, la méditation, en pratiquant le non-agir, le vide de l’âme, le sage a plus d’influence que n’importe quel prince qui se pense être aux commandes




      Il fait remarquer que les taoïstes dénigrent les milieux utilitaire et culturel, mais ont tendance à confondre les milieux naturel et transcendant. 



      Je ne crois pas à une telle confusion. Simplement pour un taoïste, la nature est le canal d’expression de cette transcendance. Et même le meilleur canal.



      A l’inverse, les confucianistes rejettent les milieux naturels et transcendants, et confondent parfois l’utilitaire et le culturel. 


      Le culturel mène toujours à l’utilitaire. C’est une dégradation fatale du culturel comme la technique est le fruit entropique fatal des sciences.


    • Gollum Gollum 13 février 2014 09:51

      Vous ne trouverez nulle part dans le Lao-tseu, le Tchouang-tseu, ou même chez Confucius, ou chez Wang-bi, une notion équivalente de notre "Absolu" pour qualifier le Tao. 

      Je vous renvoie par exemple au Lao-tseu (41) :

      "Le grand carré n’a pas d’angles

      Le grand vase est long à parfaire

      la grande musique est avare de notes

      La grande image n’a pas de forme

      le Tao est trop grand pour avoir un nom"


      Ben je suis désolé mais je trouve que cette citation va tout à fait dans mon sens.. 


      Le grand carré n’a pas d’angles par exemple est une image que l’on retrouve chez Nicolas de Cues, où il dit dans La docte ignorance, qu’une sphère infinie, meilleure image de Dieu, est à la fois carré, triangle, cercle et ligne…


      La grande musique avare de notes est clairement une coincidentia oppositorum au sens de Jung comme au sens de Nicolas de Cues.


      Le Tao qui n’a pas de nom fait clairement penser à la théologie apophatique où il est impossible de nommer, qualifier l’Absolu. Certes, ce terme n’est pas utilisé, mais à mon sens, cela est accessoire.


      Il y a dans le christianisme, même mystique, un point de référence, nommément DIEU, vers lequel convergent les objets de la théologie, de la téléologie, de la sotériologie, de l’ontologie, et j’en passe des moins -gie... On est en rapport avec Dieu, on ne fait pas l’expérience d’être Dieu.


      Simple question de vocabulaire pour moi non essentielle.. Mais Eckhart relativise Dieu en mettant au-dessus la Gottheit ou déité. Même chose chez Angelus Silésius qui veut aller au-delà de Dieu même, dans un sans fond non nommable..


      Cette dialectique Dieu/déité est la même que celle de l’Hindouisme entre Bramah Dieu créateur et le brahman, principe absolu.


      L’unité parfaite se trouve dans la déité. Alors que Dieu implique un rapport entre Dieu et l’homme. Il y a encore dualité à ce niveau. C’est toute la différence entre un mystique chrétien pour lequel cette dualité est toujours maintenue, alors que pour un non-dualiste d’Orient (ainsi qu’Eckhart et ceux qui lui ressemblent), il y a unité parfaite.


      Hors, le sage taoïste, le daoshi, n’est pas en rapport avec le Tao, il ne fait même pas l’expérience du Tao, mais peut-être quelque chose d’un peu différent, même bien après Lao-tseu, au début de l’ère chrétienne : 

      "il a le coeur identique au ciel et il est sans connaissance ; il a le coeur identique au Tao et il est sans corporéité"


      Identité du cœur du sage avec celui du Ciel, avec le Tao, sans corporéité, cela est l’Absolu.


      D’ailleurs, le dialogue Bouddhisme-christianisme est beaucoup plus fructueux, si on veut vraiment un dialogue syncrétique avec l’orient. 


      Je n’aime pas ce terme de syncrétisme, je préfère parler d’unité par-delà les mots, sur le plan de l’essence des choses.. Mais je suis d’accord que le bouddhisme présente un réel intérêt. Ceci dit, le bouddhisme s’est trouvé en accord avec le taoïsme puisque celui-ci l’a énormément influencé pour donner le bouddhisme tchan, puis zen au Japon. Du reste l’Orient a beaucoup moins de difficultés que l’Occident pour faire des emprunts, se laisser aller à des influences, sans avoir l’impression de perdre son identité. En Occident, on aime les oppositions tranchées qui semblent toujours insurmontables alors qu’en fait (à mon sens) il n’en est rien.


      la notion de création est absente : ça aussi ça se discute ! Le un engendra le deux, le deux engendra le trois, et le trois engendra les dix mille êtres.


      Si ça ce n’est pas de la Création je ne sais pas ce que c’est.. On y retrouve même la trinité chrétienne. Certes il n’y a pas le Père, le Fils..


      Pas de point de référence extérieur, pas de lois, pas de Logos, pas de tout Autre


      Le Tao est loi à lui seul. Sans lui, rien ne fonctionne, plus d’harmonie de la nature à laquelle un chinois est ultra sensible.. Il n’utilise pas le terme de loi.. et alors ? Est-elle pour autant absente ?


      une pomme est un fruit, un litchi est un fruit, donc une pomme est un litchi.


      Si l’important est le fruit qui nourrit, que ce soit une pomme ou un litchi dans le fond on s’en fout…


      Et ce que je dis c’est que l’essence de toutes les religions est toujours la même : renoncer à soi-même. Vivre dans le détachement absolu vis à vis de tout : biens matériels, relations affectives, doctrines philosophiques, celles-ci n’étant que le doigt qui montre la lune et non la lune elle-même..


    • Rounga Rounga 13 février 2014 11:17

      Alexandre Banquet,

      Tout d’abord, merci de votre contribution enrichissante.
      J’aimerais revenir sur vos commentaires, à l’appui de Gollum.
      Les répugnances que vous affectez à trop rapprocher les conceptions taoïstes et chrétiennes ne seraient-elles pas une manière d’isoler la pensée chinoise et de l’ériger en altérité radicale par rapport à la pensée occidentale ? C’est là le reproche que font beaucoup de sinologues, dont Anne Cheng, à François Jullien. Car en effet, si nous partons du principe que les termes de Dieu et de Tao se réfèrent tous les deux à "quelque chose", alors soit les chrétiens et les taoïstes se rapprochent tous les deux d’un même "quelque chose", soit ils parlent de deux "quelque choses" complètement différents. Il faut donc choisir, et si les termes de "Dieu" et de "Tao" se rapportent à deux "quelque chose" différents, alors il y en a un des deux à éliminer, car les deux ne peuvent pas coexister. On empêche dont un pont de s’ériger entre Chine et Occident.
      Vous me direz que je fais dans le réalisme, et qu’on peut attribuer aux termes "Dieu" et "Tao", non pas des choses, mais des centres de gravité d’une façon de voir particulière, d’une "vision de l’esprit". Mais cela ne revient-il pas à isoler chaque camp dans sa subjectivité propre, et à rendre le dialogue impossible ?


    • Rounga Rounga 13 février 2014 11:42

      Le un engendra le deux, le deux engendra le trois, et le trois engendra les dix mille êtres.

       


      Si ça ce n’est pas de la Création je ne sais pas ce que c’est.. On y retrouve même la trinité chrétienne.


      Attention sur ce point. Cette citation du Laozi concerne en fait les trigrammes, et non des hypostases comme dans la Trinité.


    • llsalv 13 février 2014 16:49

      J’ai suivi avec intérêt le débat Gollum, Alexandre et Rounga.
      Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce que disent Gollum et Rounga (notamment l’argument final de Rounga sur Dieu et Tao comme "quelque chose", il y a carrément une hérésie si je puis dire) je pense qu’ils sont fondés à repérer des similitudes et qu’on peut insister autant qu’on veut sur les différences, elles ne pourront annihiler les premières.
      Tel que je le vois Gollum a exprimé la dynamique du Tao dans le champ conceptuel occidental qui est "causaliste" : il accuse, il isole les causes (les boucs émissaires), il ontologise au lieu de faire dans le processuel. Mais une fois qu’on sait dépasser ça, quelle importance ?
      C’est sûr qu’il n’y a rien de tel en Orient et c’est pourquoi il est "hérétique" d’évoquer des "quelques choses" pour le Tao, car "quelques choses", étymologiquement veut dire "quelques causes". Et le Tao n’est pas cause, quand il est vrai, Dieu est cause première.
      Mais même cette opposition radicale apparente sous le rapport de la cause ne constitue pas à mes yeux un obstacle définitif de Dieu et du Tao.
      J’y vois une invitation à penser une "synthèse majorante" (pour parler en termes piagétiens) qui me parait d’autant plus accessible que contrairement à ce que j’ai vu dans le fil, l’Orient a bel et bien une origine sacrificielle qui interpelle d’autant plus sous le rapport du christianisme que son histoire peut alors se lire comme un dépassement de la "mise en accusation", ce à quoi précisément invite le christinianisme.

      Bon, tout ça est bien trop vite dit, mais ça traîne dans ma tête depuis mes lectures assidues et post-girardiennes de François Jullien. J’en ferai un article un jour...

      Pour conclure, je crois la synthèse orient-occident aussi possible que la synthèse homme-femme. La différence ne risque pas plus de se perdre que lors d’une copulation smiley


    • Rounga Rounga 13 février 2014 17:19

      notamment l’argument final de Rounga sur Dieu et Tao comme "quelque chose", il y a carrément une hérésie si je puis dire

      J’ai justement mis "quelque chose" entre guillemets car j’étais conscient du caractère "hérétique" de la chose. Mais il fallait bien que je passe par là pour montrer à Alexandre ce qui me gêne dans sa manière de présenter les choses.


    • Anténor 18 septembre 2016 00:55

      @llsalv

      Tout à fait d’accord vous et avec Gollum sur les similitudes troublantes entre christianisme et taoisme. Je dirais pour ma part que l’analogie se fait en distinguant l’ancien du nouveau testament d’une part, et Lao tseu de Confucius d’autre part. Il y a dialectique générative entre chacun dans une logique institué / instituant qui nous ramène à celle de la Trinité, ou pour parler "anthropologie dynamique" (avec Ballandier) le mouvement fondateur de l’ordre et du désordre ( le père et le fils). On retrouve même une structure narrative quasi universelle commune à l’évangile de Jean et au yi king. Je pense d’ailleurs que le yi king commenté par confucius est ce qui se fait de mieux pour saisir la quintessence de l’esprit chinois tant dans son exotérisme (culte, religion, famille et engagement) que son ésotérisme (alchimie, théologie négative, wu wei et détachement). Ce qui m’amène à conclure que le taoisme est la religion des dieux (un idéal, le saint esprit) que l’on peut atteindre qu’après maîtrise de la pratique (moïse et confucius). Jesus l’immanentiste serait-il un Taoiste incompris dans un monde de confucéens zélés ?


  • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 14:53

    Bon, ça y est, j’ai tout lu et tout écouté.
    Vidéo parfaitement synthétique, et texte très bien écrit, merci pour tout ça.

     

    En ce qui me concerne, il y a un autre parallèle que je serais tenté de faire : Lao-Tseu/Platon d’un côté, Confucius/Aristote de l’autre. Le premier couple prônant un détachement quasi complet de la matière dans l’effusion spirituelle, le second l’actualisation de la puissance de l’esprit dans l’ordonnancement terrestre.

    Mais attention, je ne connais pas suffisamment la pensée chinoise pour émettre autre chose que des pistes d’étude.

    Si je comprends bien les choses, je serais d’accord avec Rounga pour dire qu’il y a bien plus que de l’exotérique chez Confucius, mais en même temps, et contrairement cette fois à ce que dit Rounga, l’attachement à la politique n’empêche nullement l’emploi de la métaphysique, soit la recherche des causes premières qui, précisément, nous permettent d’inférer l’animalité politique de l’homme, que celui-ci soit chinois ou grec.

     

    Je me permettrais enfin une autre hypothèse : j’ai l’impression que le taoïsme est plus exposé que le confucianisme, à la fois à la récupération autocratique et à celle de l’hédonisme marchand. À mes yeux, on n’évite jamais la question politique, et pour qu’un sage puisse penser en paix, il faut un minimum d’ordre, de paix, de sécurité que garantissent l’activité politique. Cette solidarité entre les contingences d’ordre politique et la finalité spirituelle de l’être humain, je comprends chaque jour qu’Aristote l’a pensée mieux qu’aucun autre. D’où son actualité, et d’où, en vertu du parallèle que j’ai énoncé plus haut, l’intérêt que je porte à Confucius, que j’étudierai à fond dès que possible.

    En attendant, m’est avis qu’entre la pensée chinoise, la pensée grecque et la pensée islamique de la belle époque (celle qui s’est saisie justement des Grecs), il y a comme la recherche de principes véritablement universels. À méditer ?...

     
    PS : Connexion de s’écrit pas "connection". Savez-vous pourquoi je me permets de vous le dire ? Parce que je fais systématiquement la même erreur. smiley


    • Gollum Gollum 12 février 2014 15:03

      Bon je vais m’absenter quelque peu je ne vais pas pouvoir en dire beaucoup..


      Lao-Tseu/Platon d’un côté, Confucius/Aristote de l’autre.

      C’est tout à fait pertinent. Cela correspond à deux grandes classes d’esprit : les introvertis avec Lao-Tseu et Platon, plutôt portés sur l’essence des choses et la Transcendance. Et les extravertis, Confucius et Aristote, portés sur l’immanence et l’action, avec l’utilitarisme qui va avec..

      On retrouve quelque peu cette dualité dans le Christianisme entre Pierre et Paul d’un côté et Jean (avec Jacques ?) de l’autre..

      On pourrait en trouver d’autres..

    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 15:17
      Moi je ne trouve pas du tout de relation entre Lao-Tseu et Platon. Je dirais au contraire que Confucius est à mettre en relation avec le raisonnable Platon qui donne des conseils sur la bonne organisation de la Cité, tandis que Lao-Tseu ressemble à Diogène de Sinope, le philosophe sauvage et inconvenant.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 15:20

      Vous remportez la manche : la comparaison avec Diogène est peut-être, après coup, plus pertinente en effet.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 15:23

      Peut-être, dans ce cas, y a-t-il à la fois du platonisme et de l’aristotélisme dans le confucianisme...


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 15:27

      Il me semble bien, en effet. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 15:28

      D’ailleurs, je n’ai jamais vraiment cru à une opposition entre un courant platonicien et un courant aristotélicien. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 15:44

      "Opposition" n’est pas le mot idoine. En fait, je parlerais plutôt d’une divergence d’ordre anthropologique. Pour l’un, l’homme est animal politique et ce statut fait partie intégrante du travail rationnel ; pour l’autre, le travail rationnel est suffisamment noble pour négliger la vie politique. Pour l’un la politique est organique, vivante, pour l’autre c’est davantage une nécessité terre à terre n’apportant rien à l’acte cognitif.


    • Rounga Rounga 12 février 2014 15:46

      Il faut bien avoir à l’esprit que nous comparons deux modes de pensée qui s’articulent de manière assez différente, ne serait-ce qu’à cause du langage, propice à une description analytique des choses chez les Grecs, plus combinatoire chez les Chinois. Pour cette raison, les parallèles que nous pouvons tracer entre les penseurs chinois et européens, s’ils peuvent se révéler pertinents, s’avèreront toujours incomplets. D’où leur multiplicité.

      P.S. Eric, merci pour la "connexion".


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 17:15

      Aristote et Platon sont différents mais tellement complémentaires qu’on pourrait les croire complices. smiley


    • Gollum Gollum 12 février 2014 17:58

      Bien sûr dans la comparaison de Guéguen que je trouve toujours valide, il faut quand même réajuster avec deux univers mentaux différents. L’esprit grec n’est pas l’esprit chinois. Mais la différence entre deux types d’esprit, les essentialistes, mystiques, contemplatifs, et les substantialistes, utilitaristes, pragmatiques, demeure.


      On peut d’ailleurs avoir parfois cette dualité dans la même personne.

  • Morpheus Morpheus 12 février 2014 16:29

    La vrai question n’est pas « ne rien faire et jouir égoïstement de la vie » ou « se mêler de résoudre la corruption dans le gouvernement ».
     
    La vrai question - et le vrai problème - réside dans le fait de chercher, chez Confucius comme chez Aristote, la vertu dans le Prince, plutôt que dans l’assemblée du peuple.
     
    Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse que tous les Princes et tous les sages réunis, parce que, précisément, dans cette assemblée, la grand nombre ne veut pas le pouvoir, mais jouir de la vie, non pas égoïstement, mais dans le partage commun - tant des tâches que des biens qui en résultent.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 16:36

      Morpheus, sauf votre respect, il faut lire davantage Aristote et écouter moins Chouard.
       
      Les millions de consommateurs contemporains, ne veulent-ils pas précisément "jouir de la vie" ? Être sage, n’est-ce pas plutôt savoir qu’il y a un temps pour tout, un temps pour "jouir de la vie" et un temps - certes plus fastidieux - pour organiser la vie en commun permettant cette jouissance ? Vous en connaissez beaucoup autour de vous des gens qui seront capables de rogner un peu de leur temps de consommation pour s’adonner gratuitement à cette tâche, sans rien gagner d’autre en échange que la satisfaction d’avoir fait son devoir ? Honnêtement ? Là aussi il y le petit nombre et le grand nombre. Le petit nombre de ceux qui accepteront spontanément leur office, et le grand nombre de ceux qui traîneront les pieds.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 février 2014 17:11

      "Les millions de consommateurs contemporains, ne veulent-ils pas précisément "jouir de la vie" ?"


      Actuellement, c’est évident. Cependant il est difficile de savoir si c’est une propriété essentielle de l’espèce humaine ou bien une anomalie historiquement localisée. 

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 17:15

      Disons, cher Gaspard, que sur la route du devenir humain, on rencontre l’appétence marchande bien avant la construction intellectuelle de soi... et certains n’iront pas plus loin.


    • passtavie 12 février 2014 17:32

      Faut-il nécessairement consommer pour jouir de la vie ? L’acte d’acheter n’est pas jouir de la vie, prendre du temps avec sa famille, profiter d’une belle journée pour aller marcher dans la nature peuvent être profiter de la vie. Jouer d’un instrument ça peut être jouir de la vie. Il y a plein de façon de jouir de la vie. Passer son temps dans un magasin pour acheter frénétiquement, je ne suis pas sûr que ce soit jouir de la vie.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 17:45

      Tout à fait d’accord avec vous. Mais pour en arriver à de telles conclusions, vous vous êtes vous-même posé un certains nombres de questions, intimes ou collectives, et vous avez clairement établi des valeurs. En clair, la vie bonne vous importe et vous êtes davantage attaché au bien-vivre qu’au bien-être.
      Question à présent : au vu du nombre grandissant de celles et ceux qui ne conçoivent un bon week-end qu’à flâner dans les galeries marchandes de grandes surfaces (et je pourrais ainsi multiplier les exemples), pensez-vous que tout le monde pense comme vous ? Comme moi ? Comme nous ? Et pensez-vous qu’ils sont dans l’erreur parce qu’on les y maintient contre leur volonté ?


    • Gollum Gollum 12 février 2014 17:53

      Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse 


      Je crois au contraire que si l’on suit la masse on est sûr d’aller vers un nivellement par le bas
      Et c’est bien ce qui se passe à notre époque où l’on flatte partout les bas instincts du peuple, son envie de vie facile et ses appétits de jouissance.. 

      Le capitalisme n’aurait pas pu triompher aussi facilement si le bon peuple ne l’avait pas soutenu au moins de façon passive tant que le frigo était plein et qu’on lui inventait des tas de trucs censés le distr aire et lui faciliter la vie..
      Ce sont d’ailleurs les plus matérialistes qui maintenant se rendant compte qu’ils se sont fait avoir, râlent le plus contre les élites oligarchiques financières, cachant mal ainsi leur mauvaise conscience de n’avoir pas suivi une voie spirituelle plus tôt...

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 17:59

      En revanche je crois volontiers à ce qu’Orwell nomme la common decency, ce bon sens des gens ordinaires.


    • maQiavel maQiavel1983 12 février 2014 18:58

      -Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse 

      Une réflexion de Nicolas Machiavel à ce sujet : La foule est plus sage et plus constante qu’un prince.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 20:14

      "Il est possible que de nombreux individus, dont aucun n’est un homme vertueux, quand ils s’assemblent soient meilleurs que les gens dont il a été question, non pas individuellement, mais collectivement, comme les repas collectifs sont meilleurs que ceux qui sont organisés aux frais d’une seule personne. Au sein d’un grand nombre, en effet, chacun possède une part d’excellence et de prudence, et quand les gens se sont mis ensemble de même que cela donne une sorte d’homme unique aux multiples pieds, aux multiples mains et avec beaucoup d’organes des sens, de même en est-il aussi pour les qualités éthiques et intellectuelles."
       
      Qui a écrit ceci à votre avis Mach’ ?


    • maQiavel maQiavel1983 12 février 2014 20:18

      La colle. smiley


      On dirait du Machiavel mais cela semble trop facile. Aristote ? 

    • maQiavel maQiavel1983 12 février 2014 20:20

      Non , vraiment je ne sais pas , il vaut mieux se taire que de dire une bêtise ... 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 20:28

      Aristote, Politiques, livre III, chapitre 11.
       
      Machiavel n’a rien inventé, il a lu les Anciens et les a adaptés en fonction des guerres de religion de son temps.


    • maQiavel maQiavel1983 12 février 2014 20:39

      Je pense aussi que Machiavel n’ a rien inventé et son but n’ était pas d’ inventer quoi que ce soit. Mais pour ce qui est de cette thématique précise, Aristote non plus. 

      Est ce qu’ on invente ou on découvre ? Mais même dans ce cas , est il le premier à avoir découvert ce phénomène ? 
      Je m’ en vais , c’ est hors sujet , je réagissais juste à la phrase de morphéus que l’ on ne peut pas balayer d’ un revers de la main :"Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse que tous les Princes et tous les sages réunis".

      Ceci dit en passant Gueguen, de quel coté êtes vous ? De Confucius ou de lao Tseu , en ce qui concerne la participation à la vie politique ?

      P.S : participer à la vie politique ça veut dire agir sur le monde réel et concret, c’est ainsi que je le comprends mais peut être que je me trompe.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 21:12

      "Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse que tous les Princes et tous les sages réunis"  : pour ma part, je considère que cette phrase, en l’état, n’a aucune valeur. C’est simplement du populisme. Ça peut être vrai comme ça peut être faux. Un Prince peut tout à fait n’être intéressé que par son intérêt personnel et le peuple peut très bien être uni dans un même but. Inversement, un Prince peut très bien être l’homme de la situation et un peuple n’être qu’un amas d’individus mus par leur intérêt propre.

       

      Lorsque Aristote se montre, pour le coup, favorable à la démocratie (n’en déplaise à Morpheus), il a en tête un groupe de personnes réellement investies et réellement unies dans la perspective du bien commun (pas dans celle de la volonté des majorités), en conformité avec l’esprit de sacrifice au sein de la Cité ("comme les repas collectifs sont meilleurs que ceux qui sont organisés aux frais d’une seule personne" => ce qui implique un investissement, des devoirs...). Cela induit la recherche du meilleur régime, et celle de la vie bonne : la démocratie ne serait donc pas toujours le meilleur régime, et tous les styles de vie ne se vaudraient pas. Peut-on escompter une telle cohésion de nos jours d’un pays socio-libéral comme la France ? J’en doute fort... sauf à retrouver le sens du commun.
       
      Et concernant votre question , je suis résolument confucéen  : je ne peux concevoir que les esprits les plus brillants ne s’intéressent pas à la politique. Et vous finirez par sentir combien la philosophie politique que je brandis n’est pas idéaliste, mais belle et bien attachée à une complémentarité entre philosophie politique et pragmatisme raisonné.



    • Morpheus Morpheus 12 février 2014 21:25

      Eric, tu devrais lire (relire ?) cet article de Philippe VERGNES.
       
      Où il est démontré scientifiquement que dans un milieu instable (économie, politique, ...) une assemblée de singes (parlant ou non) tirés au sort obtiendrait de meilleurs résultats que des « experts » dans les dits domaines smiley
       
      Morceaux choisis : « Sa conclusion sans appel a de quoi laisser perplexes et dubitatifs tous ceux qui prêtent des talents particuliers et font aveuglément confiance aux décideurs, experts ou responsables en tout genre qui exercent dans les domaines des affaires, de l’économie et de la politique. Elle se résume à ceci : les choix fondés sur l’expertise ne sont pas plus exacts que s’ils étaient faits à l’aveuglette. » (...) « Autrement dit, des gens qui passent tout leur temps à étudier un sujet particulier, et gagnent ainsi leur vie, fournissent des prédictions moins sûres que ce qu’obtiendraient des singes en tirant des fléchettes au hasard. »
       
      Je sais, cher Eric, que cela va égratigner ta croyance en la supériorité des élites dans les décisions, mais là, on a tout de même une étude scientifique qui démontre que cela tiens bien de la croyance. Et pour ce qui est 1) de l’économie et 2) de la politique, cette étude ne fait que confirmer des FAITS que nous pouvons TOUS observer avec une aisance remarquable depuis... un bon moment déjà smiley


    • Morpheus Morpheus 12 février 2014 21:48

      Concernant Aristote, nous savons qu’il a élaboré sa logique sur trois postulats :
      1) la loi d’identité : tout ce qui est, est.
      2) la loi de contradiction : rien ne peut à la fois être et ne pas être.
      3) la loi du tiers exclu : tout doit ou bien être, ou bien ne pas être.
       
      Aristote décrit ces postulats comme régissant "les lois de la pensée", alors qu’il s’agissait de principes mathématiques. Cette logique, appelée aussi "logique d’opposition", est le fondement de la conception dualiste, manichéenne, binaire, qui a structuré (empoisonné) les langages, les modes de pensée et les comportements en occident de l’antiquité à nos jours. Ces conséquences désastreuses sont, pour résumer :
      a) évalusations basées sur des jugements de valeurs, générateurs de malentendus.
      b) fausses identifications, confusion entre ce que les mots désignes et les faits réels.
      c) concepts abstraits érigés en valeurs absolues, au détriment des valeurs humaines.
      d) inversion des valeurs (= perversions) à l’origine des interdits non fondés, engendrant la notion de crime sans victime, génératrice d’irresponsabilité.
      e) logique du conflit (bien vs mal).
      f) vision statique et réductrice d’une réalité dynamique.
      g) perte e l’aptitude à opérer des choix, et donc perte de la liberté.
      h) logique piégée à la base, aux issues dramatiques.
       
      Cette conception, qui identifie l’homme à un animal et le partage en d’un côté un corps matériel, siège de l’animalité, considérée comme inférieur, et de l’autre une âme, domaine de la raison et de la spiritualité, considérée comme supérieure, a structuré toute notre vision de nous-mêmes depuis 24 siècles.
       
      La logique d’Aristote a également structuré l’ensemble des relations au sein des sociétés : "certaines espèces sont faites pour régir et dominer les autres" (Aristote), divisant l’humanité en deux catégories distinctes, les maîtres et les esclaves. « Être capable de prévoir par la pensée, c’est être par nature apte à commander, c’est-à-dire être maître par nature, alors qu’être capable d’exécuter physiquement ces tâches c’est être destiné à être commandé c’est-à-dire être esclave par nature » (Aristote, "Les Politiques", Livre 1, ch. 2)
       
      Ces mêmes concept aristotélicen furent repris et amplifié par le catholicisme dès son origine au 4e s. par Paul de Tarse (« Saint » Paul), qui, exactement comme le fit Freud 15 siècles plus tard, névrosa (et nécrosa) le monde pour se sentir "comme les autres" (Saül de Tarse, comme Freud, étaient des malades mentaux). De là est née la doctrine du péché originel (merci Aristote, car c’est en lisant Aristote que Paul développe ses doctrines de psychotique).


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 12 février 2014 22:42

      @ Morpheus :
       
      Je vais vous répondre en bloc.
      Bon, je vous sens exalté par votre récente lecture de Korzybski, on passe toutes et tous par des moments comme ça, ça va passer. smiley
       
      Aristote est un philosophe ayant vécu au IVe siècle avant notre ère. Il s’est intéressé à tout, à fondé l’éthique, la métaphysique, la biologie et la logique. Il s’est montré tellement génial qu’il a creusé derrière lui un trou de près de 20 siècles, que l’on ne s’est escrimé à combler qu’à partir (en gros) de la fin du XVIe siècle. Et à partir de cette date, on a bêtement reproché à Aristote le vide abyssal qui lui a succédé, comme s’il était le gourou d’une secte satanique. Partant de là, de nombreux logiciens (en particulier) et des philosophes analytiques ont pris un malin plaisir à confiner Aristote au rayon poussiéreux "histoire de la pensée" : sa logique devenait éculée (on oubliait qu’il avait quand même fondé cette science), son éthique se trouvait dissoute dans l’utilitarisme de bas étage, quant à sa métaphysique, bah, de vieilles lunes !
      Bref, on n’a plus gardé de lui que ce qu’il dit de l’esclavage naturel dans le livre I des Politiques. En se gardant bien, toutefois, de faire remarquer que dans le livre V de l’Éthique à Nicomaque, son raisonnement, poussé dans ses retranchements, va précisément à l’encontre de l’esclavage naturel. En fait, Nietzsche parlait tout aussi bien des serfs par nature, et on ne le lui a jamais autant reproché. Mais c’est vrai que Nietzsche, lui, n’était pas tendre avec l’Église à une période où il était grand temps d’en finir avec elle également...
       

       

      J’en viens maintenant au pavé que vous m’avez demandé de lire. Le Monsieur (avec lequel j’avais eu l’occasion de discuter chez les rouges) est bien remonté contre l’homo œconomicus, et, si vous suivez mon raisonnement depuis plusieurs mois maintenant, vous devez savoir que j’ai la même aversion.

      Toujours est-il que l’expérience qu’il relève nous démontre en gros qu’une expertise au débotté a plus de chance de parvenir à des résultats corrects qu’une expertise menée chaque jour de la même manière par un... expert, comme endormi par la côté répétitif de sa tâche. Je le crois volontiers, mais cela ne remet absolument pas en cause les bienfaits d’un savoir mis au service d’une cause. Et pour vous montrer combien le commanditaire de cette étude - tout Nobel qu’il soit - n’a pas inventé l’eau chaude, savez-vous qui je vais à nouveau convoquer ? Aristote en personne...

       

      Dans l’Éthique à Nicomaque (que vous finirez par lire...), Aristote nous dit que l’action humaine la mieux aboutie est régie par deux sortes de vertus : les vertus intellectuelles et les vertus morales. L’homme le mieux disposé à bien agir en toute situation est celui qui possède à la fois ces deux sortes de vertus. Il y a donc le cognitif d’un côté (vertus de la connaissance) et le conatif de l’autre (vertus de la volonté de caractère). Un homme disposant d’un savoir étendu mais dépourvu de perspective morale se condamne à mettre son savoir au service du mal en embuscade. Mais un homme à haute valeur morale et dépourvu du moindre savoir n’est guère plus avancé : l’enfer est pavé de bonnes intentions, non abouties par manque de connaissance des moyens d’y parvenir...

      Bref, est en mesure de bien juger celui qui, d’une part possède un peu de ces deux vertus, d’autre part en fait montre de manière équilibrée. Un expert n’appartient pas à cette catégorie, certes, mais le ravi de la crèche non plus !!! Vous pourrez me rétorquer que l’avis d’Aristote compte pour rien face à des analyses en laboratoire sur cobayes humains, sauf que ce que je viens d’exposer parle à tout le monde (ou presque) : il est évident qu’être intelligent ne suffit pas à bien agir, et qu’être disposé à faire le bien non plus. Le bien est le but, la connaissance le moyen, et l’une ne va pas sans l’autre. Autrement dit, lutter contre le préjugé consistant à croire qu’un homme instruit en vaut deux, je suis entièrement d’accord. Mais de là à en déduire que l’instruction ne compte pour rien, c’est un pas dans le vide que je vous laisserais seul franchir, cher Morpheus. smiley


    • Rounga Rounga 12 février 2014 23:39

      La vrai question - et le vrai problème - réside dans le fait de chercher, chez Confucius comme chez Aristote, la vertu dans le Prince, plutôt que dans l’assemblée du peuple.

      Pour Confucius, la vertu du souverain se diffuse à ses subordonnés, qui a leur tour l’inspirent à leurs inférieurs, et ce jusqu’au peuple. On peut se représenter une pyramide de coupes de champagne, qui permet,à mesure que le verre du haut est rempli et déborde, rempli les verres du dessous, et ainsi de suite.
      Je suis assez d’accord avec cette vision des choses. Je ne vois en effet pas d’autre manière d’insuffler à une masse d’individu la vertu si celle-ci n’est pas montrée en exemple et honorée par en haut. Dans un pays organisé politiquement, les structures primitives qui imposaient la triple obligation (donner, recevoir, rendre) n’existent plus, car chacun peut être tenté de vivre uniquement pour son intérêt égoïste.
      Il est donc plus désirable, selon moi, de confier le gouvernement à un souverain vertuaux. En effet, il est plus facile d’attendre qu’un seul homme soit éminemment vertueux plutôt que de demander à des millions de gens d’être moyennement vertueux. Toute la question est de savoir où et comment trouver cet homme vertueux.
      En revanche, la propriété du peuple est d’être soumise à l’inertie, c’est-à-dire qu’il faut un certain temps pour que le champagne, bon ou mauvais, qui est versé dans la coupe du sommet parvienne en bas, pour reprendre la métaphore ci-dessus. Ainsi, alors que les élites d’un pays peuvent être corrompues pendant longtemps, mais on trouvera encore chez le peuple des sursauts d’indignation morale devant cette déchéance. C’est pour cela qu’on dit que "le poisson pourrit par la tête".


    • Morpheus Morpheus 12 février 2014 23:45

      Eric, mon propos n’était pas de "démolir" Aristote, mais de montrer que ses principes de la pensée avaient influencé - négativement - le monde occidental. Je ne le tiens pas pour responsable, à lui tout seul, de ce que d’autres que lui firent de cela, et je ne veux pas réduire l’œuvre d’Aristote à cela.
       
      J’observe par contre que ce mode de pensée dualiste empoisonne nos concepts, notre façon de penser, notre langage, nos relations humaines, depuis trop longtemps. Cela, c’est juste l’observation de faits incontestables. Cette simple observation (que j’avais moi-même faite avant de découvrir Korzybski, même si je ne l’attribuais pas à Aristote, mais au manichéisme chrétien - qui n’a fait que perpétuer et peut-être amplifier par dogmatisme ce dualisme) ne réduit pas Aristote à cela.
       
      C’est de cela que je parle lorsque j’évoque la pensée aristotélicienne, de la même façon que Korzybski lorsqu’il parle de conception non-aristotélicienne (non-Â).
       
      De la même façon, je ne vais pas en vouloir à Lucrèce et Démocrite d’avoir formulé la théorie atomique il y a 26 siècles, quand bien même celle-ci fut invalidée par la physique quantique* (en revanche, je trouve proprement ahurissant que le monde scientifique ne cesse d’utiliser le terme "atome" pour décrire un élément qui ne correspond nullement à ce que signifie le mot : personnellement, je parle de nanoparticule, et non d’atome).
       
      Donc, Eric, mon point n’était pas tant Aristote que l’usage déplorable que d’autres que lui ont fait de sa pensée dualiste (tout de même à la base de sa pensée). Dualisme que l’on retrouve d’ailleurs dans ce que tu dis ci-dessus en séparant vertus intellectuelles et vertus morales : C’est le fait même de concevoir cela comme des choses séparées (réifiées) qui constitue le blocage cognitif qui parasite notre pensée. Cette logique par opposition nous maintient prisonnier des réactions émotionnelles (réactions bloquées au niveau du thalamus), et nous empêche d’utiliser correctement notre cortex. Ainsi, il n’y a pas de vertus morales d’un côté et intellectuelles de l’autre : il n’y a tout simplement pas de vertu du tout (la vertu est une notion arbitraire, abstraite, issue du dualisme qui engendre des jugements de valeur).
       
      * à noter qu’elle fut également invalidée bien avant la physique quantique, vers le 8e s. de notre ère, par des exégètes du bouddhisme, à travers une expérience de pensée tout-à-fait édifiante smiley - (et hop, là on rejoint le sujet de Frida sur Gandhara ; la rencontre entre l’occident grec et l’orient bouddhiste)


    • Morpheus Morpheus 13 février 2014 00:01

      @ Rounga
       
      Le principe du ruissellement est un sophisme. Sophisme qui justifie le principe hiérarchique, qui découle précisément de ce que j’explique au sujet de la pensée dualiste, qui est également la pensée réificatrice (réifier, c’est séparer les phénomènes en nature ET en essence).
       
      La hiérarchie n’apparait dans l’humanité qu’au néolithique (entre -8000 et -6000, environ). C’est la civilisation qui développe la hiérarchie, et c’est avec la civilisation que tous les errements de l’humanité se développent (guerre, esclavage, productivisme, etc.).
       
      La hiérarchie n’est pas naturelle, elle est culturelle. Elle ne se justifie pas par un mécanisme de la "nature humaine", mais uniquement par un mécanisme de la "culture humaine", culture influencée et dévoyée par les erreurs de pensée, comme l’explique effectivement Korzybski. mais il n’est pas le seul : les exégètes du bouddhisme également le disent, et bien avant Korzibski.
       
      A ma connaissance, ce sont ces exégètes qui ont perçu et expliqué la véritable nature de l’univers en décrivant celui-ci comme un ensemble de phénomènes en interdépendance mutuelles, n’existant pas par eux-mêmes mais par leurs relations les uns par rapport aux autres, exactement ce que la physique quantique démontre aujourd’hui.
       
      Je sais, par expérience, qu’il n’y a pas d’un côté les "intellectuels" et de l’autre les "manuels". Je sais aussi qu’il n’y a pas de "vertu" (ce qui est vertueux pour l’un pourra être vicieux pour un autre, selon ses propres repères culturels).


    • Gollum Gollum 13 février 2014 10:01

      La hiérarchie n’est pas naturelle, elle est culturelle. 


      J’aurai tendance à dire exactement l’inverse.. La hiérarchie est de l’ordre du monde animal. On la retrouve chez les loups, chez certains grands singes (gorilles), les lycaons, etc.. Il y a toujours des dominants et des dominés. 

      C’est l’absence de hiérarchie qui est de l’ordre, non pas du culturel, qui lui aménage cette hiérarchie naturelle, mais du spirituel. C’est le Christ disant : "vous êtes mes amis".

      Dans l’Eden idéal de l’âge d’Or gréco-romain, pas de hiérarchie, les hommes vivants selon la Vertu avec un V majuscule, qui est unité avec le Tao. Dès que la roue du temps se mit en place, la hiérarchie fut nécessaire, avec l’émergence des castes, la caste sacerdotale agissant par influence, le pouvoir politique étant aux mains de la caste royale.

    • Gollum Gollum 13 février 2014 10:09

      Sur la logique binaire d’Aristote, le remède est la logique quaternaire du Taoïsme : chaque pôle ayant en son sein le germe du pôle opposé, ce qui permet une dialectique beaucoup plus subtile, au lieu d’avoir des catégories tranchées et définitivement irréconciliables. Bref, la logique d’Aristote est une logique d’affrontement. La logique chinoise est une logique de réconciliation. À terme elle débouche sur l’union et la complémentarité des contraires.


    • Rounga Rounga 13 février 2014 10:19

      "Il est possible que de nombreux individus, dont aucun n’est un homme vertueux, quand ils s’assemblent soient meilleurs que les gens dont il a été question, non pas individuellement, mais collectivement (...)"

      Remarquons que Aristote dit "ile est possible", et n’énonce pas là une vérité générale. Puisque vous avez l’air de bien connaître Aristote, Eric, pouvez-vous nous dire si le stagirite précise quelles sont les conditions qui rendent cette excellence de la foule actuelle ? (Je m’aperçois que votre post du 12 février, 21:12 a déjà répondu en partie à cette question, mais si vous êtes en mesure de développer, je suis tout ouïe)


    • Rounga Rounga 13 février 2014 10:23

      Morpheus,

      Eric Guéguen a écrit :
      "Aristote nous dit que l’action humaine la mieux aboutie est régie par deux sortes de vertus : les vertus intellectuelles et les vertus morales."

      Or, c’est exactement la distinction que je voulais mettre en valeur pour répondre à votre discours. En effet, quand vous dites
      "Une assemblée populaire a plus de vertu et de sagesse que tous les Princes et tous les sages réunis, parce que, précisément, dans cette assemblée, la grand nombre ne veut pas le pouvoir, mais jouir de la vie, non pas égoïstement, mais dans le partage commun"
      Vous exprimez une chose qui n’est pas à mon sens la "sagesse et la vertu", mais ce que j’appellerai le bon sens, pratique et moral.
      Le bon sens pratique consiste à prendre les bonnes décisions pour parvenir à un objectif immédiat. Le peuple, de par sa praxis, porte en lui une certaine intelligence de la causalité. Il saura par exemple, en voyant les effets immédiats de telle ou telle réforme sur leurs conditions de travail et de vie, si celle-ci est bénéfique ou non.
      Le bon sens moral est à rapprocher de la common decency d’Orwell. Il s’agit d’un sens moral minimal né des conditions de vie, qui impliquent la solidarité, la parcimonie, le respect de son voisin.
      Mais ni l’un ni l’autre ne sont sagesse et vertu. La sagesse, même si elle implique le bon sens pratique, recouvre un domaine plus large. Dans le domaine des relations internationales, par exemple, le peuple ne peut pas délibérer sur les bonnes décisions à prendre. Le sujet est complexe et recquiert des connaissances rares (sens de la diplomatie, connaissance des cultures étrangères, maîtrise de l’économie des échanges internationaux). On voit donc la nécessité d’avoir, dans certaines fonctions, des experts compétents, qui possèdent un savoir, ainsi qu’un souverain sage, qui saura évaluer la compétence des experts pour les placer aux postes adéquats.
      En ce qui concerne le bon sens moral, je suis désolé de vous dire qu’il n’est pas une vertu, au sens éthique du terme. Je pense plutôt qu’il est un comportement imposé par une certaine situation et qui est bénéfique pour tous. Cela implique qu’un changement de situation social chez un individu peut révéler en lui son manque de vertu : si ce dernier n’était pas sensible à la corruption, c’est parce qu’il n’y avait jamais été exposé. La vertu est indépendante des conditions. Un homme vertueux sera vertueux aussi bien en bas de l’échelle sociale qu’à la tête de l’Etat.

       

      P.S. "L’homme le mieux disposé à bien agir en toute situation est celui qui possède à la fois ces deux sortes de vertus. Il y a donc le cognitif d’un côté (vertus de la connaissance) et le conatif de l’autre (vertus de la volonté de caractère). Un homme disposant d’un savoir étendu mais dépourvu de perspective morale se condamne à mettre son savoir au service du mal en embuscade. Mais un homme à haute valeur morale et dépourvu du moindre savoir n’est guère plus avancé : l’enfer est pavé de bonnes intentions, non abouties par manque de connaissance des moyens d’y parvenir..."

      Confucius a dit exactement la même chose, dans la forme ultra-synthétique dont il avait le secret : « Étudier sans réfléchir est une occupation vaine ; réfléchir sans étudier est dangereux. »


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 10:33

      À nous deux, Morpheus... smiley
       
      J’ai bien compris que le "dualisme" vous incommodait, et j’irais même jusqu’à penser que tout vient de votre suspicion à l’égard de toute verticalité. Comme la verticalité est susceptible de dévoiement, sûrement préférez-vous chercher des arguments pour déclarer toute verticalité non avenue. Mais vous savez, c’est ainsi qu’a œuvré également un philosophe comme Deleuze, que je me plais à citer en ce moment car il est à mes yeux à l’origine d’un grand foutoir idéologique. Il analysait tout avec cette même volonté de tout aplanir, de tout niveler, de déconsidérer la moindre assignation, la moindre transcendance, la moindre identité. Il allait jusqu’à dénier, symboliquement, l’emploi du mot "racine" pour lui préférer le "rhizome", horizontal et sans queue ni tête, donc éminemment plus sympathique. Inutile de vous dire que Judith Butler a directement puisé là-dedans ses délires sur le "genre"...
       
      J’en reviens au "dualisme". Je récuse un peu cette réduction, à laquelle je préfère le mot de "dyadisme". Le dualisme marque l’opposition, le dyadisme la complémentarité. Et non seulement Aristote n’est pas le père de ce mauvais réflexe qu’est le dualisme sec, mais il a manifesté constamment une volonté de le dépasser(contre son maître) et de creuser entre deux termes opposés. Ainsi, par exemple, la vertu de prudence est-elle celle reliant, non seulement vertus morales et intellectuelles, mais pratique et théorie qui, vous l’admettrez vous-même, existent bel et bien l’une en face de l’autre (en tant que dyadisme). Cette vertu s’est trouvée récusée par les Modernes, et ce sont eux qui ont opéré un dualisme, se scindant pour le coup en empiristes ou utilitaristes d’un côté, en rationalistes ou idéalistes de l’autre. Aristote, lui, avait le bon goût d’être ni l’un, ni l’autre. Mieux : il était tout ça à la fois.

       

      Bref, ce réflexe oppositif typiquement moderne, vous l’adoptez vous-même dans votre grille de lecture : dominants d’un coté, dominés de l’autre, riches contre pauvres, le grand nombre face au petit. Qui ici essaie désespérément de convaincre l’autre que les choses sont bien plus complexes qu’il n’y paraît dans ce dualisme de façade ?...

       

      Aristote, pour en finir avec lui, admettait par exemple une certaine multiplicité de l’âme (végétative, sensitive, appétitive, intellective), il a inauguré la typologie des régimes politiques (monarchie, aristocratie, démocratie), et surtout, il a œuvré pour établir la médiété dans la vertu, que l’on pourrait assurément rapprocher de la voie du milieu asiatique. Ainsi Aristote n’oppose-t-il pas la vertu au vice, comme vous le dites, mais la vertu au vice par défaut, et au vice par excès. Donner trop peu (façon libéral, paradoxalement), c’est entacher son action d’un vice ; mais donner trop (façon socialiste)... également !! C’est difficile à comprendre de nos jours, mais tout à fait cohérent.

       

      Morpheus, n’avez-vous donc aucune autorité intellectuelle que vous respectiez ? Croyez-vous réellement ce que vous dites en prétendant que la vertu n’existe pas ? Pourquoi ? Parce que l’on ne peut pas la quantifier en laboratoire ???

      Vous savez, j’ai eu l’immense chance d’effectuer mon service militaire en tant qu’officier. Savez-vous ce que j’ai appris en particulier ? Qu’il valait beaucoup mieux soigner ses rapports avec ses subalternes qu’avec ses supérieurs. Non que j’aie été vertueux dans cette histoire, mais tout simplement cohérent. La hiérarchie était nécessaire, et j’avais le devoir de faire en sorte qu’elle soit effective. Je crois modestement être parvenu à me montrer juste à ce moment-là, et jamais mes trente appelés du contingent ne m’ont manqué de respect ou désobéi. Je suis resté en contact dans le civil avec certains d’entre eux.

       

      La hiérarchie n’est pas une plaie, c’est son utilisation à des fins personnelles qui donne cette impression. On dira alors que dans la plupart des cas c’est ce qui arrive. Dans la plupart des cas seulement, car les hommes sont ce qu’ils sont : non pas "égaux", mais éminemment "divers".


    • Rounga Rounga 13 février 2014 10:35

      Morpheus,
      Je déduis de vos commentaires que, pour en revenir au sujet de l’article, vous vous sentez davantage du côté taoïste que du côté confucianiste.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 10:42

      @ Rounga :
       
      Comme je le disais à demi-mots, Aristote, en disant "il est possible que..." (et attention, ce n’est qu’une traduction parmi d’autres), envisage le cas où des gens profanes (i.e. non savants) se rassemblent pour délibérer sur un sujet commun. Ils ont beau ne pas posséder la science, ils ont au moins la volonté bonne dirigée vers le bien commun (à cent lieues du monde marchand actuel). Ceci renvoie à ce que vous répondez à Morpheus plus haut en parlant du bon sens populaire qui s’insurge face à des inepties décrétées au sommet par des gens qui n’auront pas à vivre les retombées de leurs conneries de technocrates.


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 11:19

      Juste quelques remarques terre à terre (désolé, c’est plus fort que moi ), qui s’ adressent particulièrement à Rounga

      -Il est donc plus désirable, selon moi, de confier le gouvernement à un souverain vertuaux. En effet, il est plus facile d’attendre qu’un seul homme soit éminemment vertueux plutôt que de demander à des millions de gens d’être moyennement vertueux. 

      R /Le pouvoir est d’extrêmement dangereux. On peut rechercher un homme éminemment vertueux pour le lui donner mais il faut prendre en compte le fait :

      1.  Qu’on puisse se tromper. Celui qui était supposé être vertueux a pu dissimuler sa vraie nature ( il ‘y a des créatures qui excellent dans cet art ) et dans ce cas , c’ est le début de l’ oppression.

      2.  Que si on le trouve, il peut dans sa gestion du pouvoir changer. On sait que l’exercice du pouvoir corrompt. On se retrouve de nouveau opprimé.

      3.  Qu’on peut le trouver et que cet homme a la force de caractère de ne pas se laisser corrompre par le pouvoir. Mais une fois cet homme rare et exceptionnel aura disparu, qu’en sera –t-il de son successeurs ?Et le risque d’ oppression persiste.

      Il est donc plus désirable pour moi, de confier le gouvernement au peuple ou alors de donner au peuple des moyens institutionnels de lui résister). Ce sont les seuls moyens concret d’ échapper à l’ esclavage.

      -Dans le domaine des relations internationales, par exemple, le peuple ne peut pas délibérer sur les bonnes décisions à prendre. Le sujet est complexe et recquiert des connaissances rares On voit donc la nécessité d’avoir, dans certaines fonctions, des experts compétents, qui possèdent un savoir, ainsi qu’un souverain sage, qui saura évaluer la compétence des experts pour les placer aux postes adéquats.

      R /Depuis l’émergence des premiers Etats, que constate t-on ? Que ce sont les experts qui ont dirigé la diplomatie. Résultats  ? Les hommes n’ont eu de cesse de s’étriper les uns les autres dans une gigantesque orgie darwinienne civilisationnelle.

      Je ne dis pas que ce serait mieux que le peuple dirige la diplomatie, mais en tous cas, ce ne pourra pas être pire.

       - car les hommes sont ce qu’ils sont : non pas "égaux", mais éminemment "divers".

      R / Ça c’est une réponse à Gueguen. Certes les hommes sont inégaux. Mais il n’y a pas d’ un coté des demi-dieux et de l’autre des avortons. Nous ne sommes qu’avortons et des demi-avortons. En tous cas c’est mon opinion, à moi qui ne crois pas en l’homme (que ce soit le peuple ou les élites).

       


    • Rounga Rounga 13 février 2014 11:36

      Bon, je vois qu’ils nous amènent loin, Confucius et Lao-tseu, comme quoi ils sont, eux aussi, plus que jamais d’actualité !

      maQiavel,
      1. Qu’on puisse se tromper. Celui qui était supposé être vertueux a pu dissimuler sa vraie nature ( il ‘y a des créatures qui excellent dans cet art ) et dans ce cas , c’ est le début de l’ oppression.

      C’est vrai que c’est le principal problème, et pour l’instant je ne sais pas comment le résoudre. Comme ils étaient tranquille, avant, quand le roi était choisi par Dieu ! Comme je les envie !*


      2. Que si on le trouve, il peut dans sa gestion du pouvoir changer. On sait que l’exercice du pouvoir corrompt. On se retrouve de nouveau opprimé.

      En fait, cela nous ramène à votre point 1, puisque si l’homme vertueux s’est laissé corrompre, c’est qu’il n’était finalement pas si vertueux que ça, et donc qu’on s’est trompé.


      3. Qu’on peut le trouver et que cet homme a la force de caractère de ne pas se laisser corrompre par le pouvoir. Mais une fois cet homme rare et exceptionnel aura disparu, qu’en sera –t-il de son successeurs ?Et le risque d’ oppression persiste.

      C’est également un problème. Le souverain pourrait désigner son successeur, en qui il reconnaîtrait une vertu au moins égale à la sienne, mais si on prend en compte le point 1, on n’est pas plus avancés.

      Il y a au moins un marqueur qu’on peut mettre en avant, et dont Eric Guéguen a parlé dans un autre poste, c’est l’adhésion à une mythologie commune. Elle pouvait être le culte des dieux ou de Dieu par le passé, aujourd’hui la forme la plus adaptée est la Nation. Avec ce critère, on aperçoit déjà clairement qu’on ne peut pas porter au pouvoir des anti-nationaux (bien qu’il n’y ait que ça au gouvernement !).


      *Je précise que c’est une boutade, juste au cas où...


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 13:02

      Vous voyez bien que tout est verrouillé.

      On arrivera jamais à produire quelque chose de bon politiquement , le choix n’ est pas entre le bien et le mal mais entre le pire et le moindre mal. 
      Soit on accepte cette réalité et on se démerde avec , soit on essaie de faire bien et on tombe dans le très mauvais voir le pire.

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 13:10

      Hors sujet... quoi que :

      Tiens, Mach’, j’ai enfin pris contact avec Michel Drac. Il m’a mis en relation avec le patron des éditions Retour aux sources. Un Monsieur très occupé que je dois rencontrer sur le prochain salon du livre.


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 13:20

      Ah ? Je finissais par croire que ces éditions n’ existaient pas ... smiley


    • Rounga Rounga 13 février 2014 13:47
      On arrivera jamais à produire quelque chose de bon politiquement , le choix n’ est pas entre le bien et le mal mais entre le pire et le moindre mal. 

      Effectivement, c’est ce que je disais il y a quelques jours sur un autre fil. Cependant, cela ne signifie pas qu’on ne doive pas avoir une aspiration au bien. La politique du moindre mal mène au TINA, c’est d’ailleurs par le nom d’"Empire du moindre mal" que Michéa désigne le libéralisme dans son livre éponyme.

    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 13:55

      Les libéraux n’ont pas participé à l’édification de l’empire du moindre mal mais à l’empire libéral capitaliste.

      Ils ont fait un tas de constat sur la nature humaine complètement absurde au regard de l’histoire. Faisons des constats plus réalistes et peut être arriverons nous à produire ce que nous pouvons faire de mieux çàd le moins mauvais.

      Pour ce qui est de l’aspiration au bien, je suis d’ accord mais c’est au monde culturel de s’atteler à cette tache, pas au monde politique qui lui doit être dans le concret au risque de produire des désastres.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 14:05

      Bien souvent on appelle "idéaliste" celui qui propose une issue, non pas parce que ce qu’il propose est déconnecté du réel, mais parce que le passage de l’état présent à l’état pensé semble insurmontable... D’autant plus insurmontable dans un monde où l’on a ET à virer les bergers, ET à botter le cul du troupeau.


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 14:11

      -Bien souvent on appelle "idéaliste" celui qui propose une issue, non pas parce que ce qu’il propose est déconnecté du réel, mais parce que le passage de l’état présent à l’état pensé semble insurmontable...

      R / Si le passage de l’état présent à l’état de pensée est insurmontable, c’est bien que, l’issue proposée par la pensée est déconnectée du réel, par définition.

      Mais moi je ne suis pas contre l’idéalisme, les spéculations métaphysiques etc., mais que ça reste dans le monde culturel.

      Sauf que je suis contre l’idéalisme dans la politique (qui est la gestion des rapports de domination, qu’on le veuille ou pas).


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 14:20

      Pas du tout. Ce n’est pas "déconnecté du réel", et surtout pas "par définition". Ce qu’il y a, c’est que l’accoutumance à la chienlit laisse penser qu’elle est éternelle. Sans compter que la majeure partie des êtres humains ne sont que des suiveurs, et que le régime actuel légitime les suiveurs.
      Quand je dis autour de moi que nous vivons les dernières années du système politique actuel, on me rigole au nez. Bientôt la violence leur prouvera que c’est possible ; ce que je dis, c’est qu’il faut prendre de cours la violence.

       

      Chaque objet politique était - par définition cette fois - réputé "impossible" avant sa première occurrence. Jusqu’au jour où... Et les réticents d’hier de parler maintenant d’évidences...


    • Rounga Rounga 13 février 2014 14:22

      Mais moi je ne suis pas contre l’idéalisme, les spéculations métaphysiques etc., mais que ça reste dans le monde culturel.


      Sauf que je suis contre l’idéalisme dans la politique (qui est la gestion des rapports de domination, qu’on le veuille ou pas).

       

      Est-ce que cette distinction est aussi nette que vous le présentez ? Est-ce que la production culturelle n’aurait pas, elle aussi, un rôle éminemment politique ? Ou plutôt mystique, au sens de Péguy ? Est-ce que ce ne serait pas là la clef que l’on cherchait tout à l’heure, fuir le monde politicien pour exercer discrètement son action sur le monde à distance, comme les taoïstes retranchés dans la montagne, par le biais d’oeuvres d’art ?


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 14:42

      @Gueguen

      -Pas du tout. Ce n’est pas "déconnecté du réel", et surtout pas "par définition". Ce qu’il y a, c’est que l’accoutumance à la chienlit laisse penser qu’elle est éternelle. 

      R / Oui mais si vous prétendez qu’il est possible de transformer cette chienlit en rose, et que le passage d’un état à l’autre est insurmontable, désolé mais les roses de vos pensées sont déconnectées du réel, par définition, c’est la chienlit qui est réelle (puisqu’ elle existe), jusqu’ à ce que vous trouviez le moyen de la déraciner. Et ces moyens ne peuvent qu’avoir des applications concrètes, sinon, ils sont aussi déconnecté de la réalité …

      @Rounga

      -Est-ce que cette distinction est aussi nette que vous le présentez ? Est-ce que la production culturelle n’aurait pas, elle aussi, un rôle éminemment politique ?

      R / Je ne fais pas de distinction nette, il y’ a bien évidemment des interactions continue entre la sphère culturelle et politique.

      Est-ce que ce ne serait pas là la clef que l’on cherchait tout à l’heure, fuir le monde politicien pour exercer discrètement son action sur le monde à distance, comme les taoïstes retranchés dans la montagne, par le biais d’oeuvres d’art ?

      R / Voilà, ça, c’est le rôle du monde culturelle (dans lequel je met la philosophie politique ).

      Le monde politique est celui de l’action. Quand on agit, on est influencé par le monde culturel mais la différence est que l’on a affaire à des contraintes et des nécessités concrètes.

       Les deux activités, politiques et culturelles, même si elles sont interconnectée ne sont pas les mêmes.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 15:01

      @ MAah’ :
       
      "Oui mais si vous prétendez qu’il est possible de transformer cette chienlit en rose, et que le passage d’un état à l’autre est insurmontable..."
       
      => Je n’ai pas dit "est insurmontable", j’ai dit "semble insurmontable". Et ça semble insurmontable à une masse de gens qui ne se posent jamais les questions ici abordées. Pour rendre les choses surmontables, il faut retrouver du sens en politique et ne pas demander à des moutons paumés le chemin de la bergerie.


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 15:05

      Est ce que vous savez qu’ il y’ a des choses qui sont insurmontables pour les humains ?


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 15:11

      Non, Mach’, pour certains humains. L’impuissance d’êtres humains, fussent-ils les plus nombreux, ne fait pas de l’impuissance un trait de l’espèce. Vous raisonnez comme un Moderne...


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 15:17

      Je crois que c’est la différence entre nous : vous croyez aux humains, moi pas.

      Je ne crois pas que certains humains soient des demi-dieux ( plus haut je vous disais que nous étions des avortons ou des demis avortons. Un demi avorton reste un avorton). Il  y’ a des choses que même les meilleurs humains sont incapables de surmonter.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 15:26

      Non, je crois en l’homme générique. Je crois que l’homme est capable d’aller dans l’espace sans en être capable moi-même. Et je ne vous soumets pas des "demi-dieux", mais des bergers. C’est déjà pas mal, convenez-en.


    • maQiavel maQiavel1983 13 février 2014 15:40

      Je ne vois que des veaux. Mais si les veaux marchent ensemble ils n’ont pas le même prix. Ce pendant même les veaux les plus chers restent des veaux.


  • QaviQeQuarQo QaviQeQuarQo 12 février 2014 17:54

    Plus jeune, j ai eu cette intuition de choisir entre deux chemins que j aurai pu résumer par l intellectualisation ou le bonheur pur.


    J étais a une période de ma vie ou je vivais d une manière très frugale, très proche de la nature, ou j attirai que des personnes bonnes et joyeuses
    et ou j avais la bizarre impression que tout ce qui arrivait devait arriver suivant une ligne conductrice supérieure.

    J avais le sentiment d être dans le vrai (sans l intellectualiser), de préférer l idiot du village , heureux par nature que le philosophe qui a fait vœux de s habiller en noir tant qu il n aura pas trouver la vérité.


    Puis j ai lu , je me suis enrichi de mes lectures et de diverses connaissances, j ai forgé mon éthique, plus j ai senti que je m éloignais de cette état.
    J ai du bonheur aussi aujourd hui, mais il est totalement différent de celui que j avais connu :
    la différence ,
    entre la joie pure des chrétiens et le plaisir des connaissances et de vivre suivant une morale chérit.
    entre la voie de lao tseu et celle de confucius

    image que l on retrouve aussi dans l arbre de la pomme dans l ancien testament.

    et me voila a intellectualiser ce sentiment passé sur agoravox smiley


    merci en tout cas pour la vidéo, je les trouvé très intéressante



    • Rounga Rounga 13 février 2014 10:39

      Merci pour votre témoignage. Il illustre bien la position tragique de l’être humain, balloté entre deux polarités de l’existence entre lesquelles le juste milieu est bien difficile à déceler.


  • Hijack ... Hijack 12 février 2014 18:31

    Merci pour le partage.


  • herve_hum 12 février 2014 23:05

    Très instructif, merci.

    Je connais Confucius et Lao Tseu que de loin et votre article confirme bien en le précisant, la vision que je me faisais d’eux. Ou plutôt de leur philosophie.
     
    J’aime bien la fin où votre conclusion me fait penser à la voie du milieu de Bouddha !
     
    Ce qui me fait penser à une petite anecdote. Un homme qui se voulait sage (comme moi même !) me disait qu’il faut tout ramener à la voie du milieu. Suivant cela, il fallait viriliser les hommes efféminés et féminiser les femme virile. Et tout devait être ainsi, mais dans un syncrétisme mariant christianisme et hindouisme avec un peu de Bouddhisme.
     
    Pour étayer sa pensée, il prenait comme exemple le petit bois, une fois que l’on dépasse le milieu, on commence à sortir. Ce sur quoi je lui répondait que s’il n’y avait qu’un milieu, il n’y aurait pas de petit bois du tout, mais seulement une rangé d’arbres !
     
    En fait le bon exemple est celui de la balance, le milieu idéalisé est l’équilibre entre deux poids égaux, mais si tout le poids est ramené au milieu, il n’y a plus d’équilibre. Par contre, si un poids devient plus pesant que l’autre, la balance indique l’écart. Tant que cet écart reste mesurable, il y a toujours équilibre ou déséquilibre relatif. Ce n’est que lorsque l’écart n’est plus mesurable qu’il y a perte d’équilibre/déséquilibre relatif et déséquilibre total.

    Le rôle du sage est peut être bien là, indiquer l’écart et attendre qu’on vienne lui demander de le corriger autrement que par la violence. Seule méthode qui n’en impose pas !

    Dans la question sur le genre, la réponse est peut être là, à savoir qu’il y a avant tout un esprit féminin et un esprit masculin, indépendamment de la culture et de la biologie...


    • Rounga Rounga 13 février 2014 10:46

      "Le juste milieu est le dieu des pauvres cons", a écrit Nabe.
      Loin de dénigrer le juste milieu en soi, il faut prendre conscience qu’il sert bien souvent d’échappatoire pour toute situation de tension entre deux alternatives absolument immiscibles. Ce lieu commun permet à beaucoup de personnes de choisir la voie du compromis, qu’ils identifient à celle du juste milieu, alors qu’elle est seulement celle de la médiocrité (on se penchera sur l’étymologie du mot).
      Le juste milieu, le vrai, demande une exigence particulière, d’abord pour le trouver, ensuite pour y rester. Un grand classique confucéen s’appelle d’ailleurs L’invariable milieu.


    • Rounga Rounga 13 février 2014 11:20

      La médiocrité, ce n’est pas la voie du juste milieu, c’est le milieu qui n’est pas juste. C’est juste le milieu.


    • herve_hum 13 février 2014 12:00

       Bonjour Rounga,
       
      "Le juste milieu est le dieu des pauvres cons", a écrit Nabe. Je connais très peu ce personnage, mais le peu que je l’ai écouté, ne me donne rien de bon à penser, sinon qu’il semble exceller dans l’art de l’invective. J’aurai tendance à penser que c’est là son seul talent. Mais comme je ne l’ai pas lu et très peu écouté, mon ignorance m’interdit tout jugement définitif, seulement une mauvaise impression laissé par le peu que j’ai écouté.
       
      Je vais vous épargner un long commentaire, mais de mon point de vue, vous pouvez appliquer le principe du juste milieu au lieu commun (oeil pour oeil, dent pour dent), mais pas au cas particulier de chaque être, c’est ici que la voie du milieu prend son sens. La voie est un chemin, le juste renvoi à la justice, un jugement de valeur. le premier est dynamique, évolutif, le deuxième est statique.
       
      La voie du milieu consiste donc à trouver l’équilibre intérieur en fonction de sa véritable nature d’être, en rapport à son environnement extérieur (les deux sont inséparables, sauf pour les ignorants). il ne s’agit donc pas de compromis (direct) avec autrui, mais d’harmonie intérieure. La conséquence, est qu’il n’existe pas de repère absolu autre que le principe en lui même. Par exemple, il n’existe pas de milieu pour définir de manière absolu le comportement sexuel de telle sorte que ma voie du milieu n’est pas forcément la même que la votre. Si je suis hétéro, l’homosexuel est situé à mon extrême, mais si je suis homo, c’est l’hétéro qui est situé à mon extrême. Rester sur la voie du milieu, consiste à accepter la différence de l’autre pour éviter de se laisser aller à l’excès opposé, par réaction. Ainsi, si hétéro je hais les homos, j’aurai tendance à forcer ma virilité contre ma propre nature, dans le but de valider ma haine des homos et vice versa. La voie du milieu consiste donc à rester centré sur sa nature d’être vrai et de prendre garde de ne pas se laisser happer ou pervertir et basculer dans l’extrême ou excès. Mais il m’est nécessaire de bien connaître ma voie du milieu pour connaître mes extrêmes. Donc, de bien connaître son milieu d’expression en tant qu’être.

       

      Au delà, il faut développer...


  • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 13 février 2014 03:52

    @Rounga : "Il est donc plus désirable, selon moi, de confier le gouvernement à un souverain vertueux. En effet, il est plus facile d’attendre qu’un seul homme soit éminemment vertueux plutôt que de demander à des millions de gens d’être moyennement vertueux. Toute la question est de savoir où et comment trouver cet homme vertueux".


    La véritable question politique est surtout de savoir comment il serait possible de faire reconnaître la légitimité de cet homme vertueux par une population qui ne serait même pas moyennement vertueuse. Le problème crucial de la politique est la légitimité. Attention à ne pas envisager le problème politique depuis le point de vue imaginaire d’une divinité tout-puissante qui se poserait seulement la question "à qui confier le gouvernement de la population ?" comme si elle en avait le pouvoir. En fait, personne n’a le pouvoir de confier le gouvernement à qui que ce soit (hormis l’auteur d’une fiction qui fait ce qu’il veut des mondes qu’il invente). 

    Ce qui nous ramène à la question essentielle de la philosophie politique : 

    - Qu’est-ce qui a autorité en moi ?

    Car ce qui n’a pas autorité en moi, ne pourra pas avoir autorité sur moi depuis l’extérieur. Au contraire, ce qui représente à l’extérieur de moi cette même autorité à laquelle je me soumets en moi-même, je la reconnais aussi comme autorité sur moi. 

    De sorte que si la raison est mon autorité intérieure, je reconnaîtrai la légitimité de l’homme qui fait preuve d’une grande faculté de raisonnement. De même, si je suis gouverné par l’agressivité instinctive, je reconnaîtrai la légitimité du chef le plus brutal. 

    J’affirme donc qu’il n’existe aucun moyen de changer le destin politique d’une population en imaginant pouvoir "mettre au pouvoir" qui que ce soit. Il s’agit là d’une erreur de représentation typiquement idéaliste négligeant le véritable processus de construction de la réalité politique. En réalité, chaque population a exactement le type de gouvernement collectif qui correspond au type de gouvernement dominant dans les consciences. 

    Par conséquent, contrairement aux croyances marxistes, tyranniques ou totalitaires, la seule manière de changer les structures sociales est de changer les structures de la conscience en chaque individu. 

    Ceci n’est possible qu’à travers des actes révolutionnaires personnels exemplaires, héroïques et sacrificiels, d’abord incompris du grand nombre, actes qui ont pour effet d’extraire de manière explosive chaque conscience individuelle de la masse où elle est endormie et engluée. 

    C’est pourquoi la plus grande figure révolutionnaire de tous les temps connus est Jésus-Christ. smiley

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 09:47

      Salut Gaspard.
       
      Tout d’abord je tiens à signaler une mini-révolution dans le paysage politique hexagonal : la reconnaissance, cette semaine, du vote blanc. J’ai enfin un parti à moi. smiley
      Ça n’a l’air de rien, mais si le vote blanc devient le premier parti de France (faisable avec disons 20 à 25% de voix exprimées, sachant le nombre de mécontents...), chaque élection sera invalidée... et ainsi de suite, jusqu’à ce que la classe politique, tous partis confondus, demande à ses ouailles : "que voulez-vous au juste ?" Réponse : la fin de la représentation.
      Bref, à condition que tout le monde prenne conscience que le vote blanc est le vrai parti du changement, il reste un petit espoir avant le bain de sang.
      Pour rappel, jusqu’à présent, quand on votait blanc (ce qui est mon cas), on n’était pas pris en compte du tout, ou seulement dans l’abstention.
       
      Sinon, Gaspard, c’est une question fondamentale que vous soulevez là : en gros, comment légitimer l’autorité autrement que par le principe de vote majoritaire, et sans tomber dans le choix au doigt mouillé dans le bottin ?
      Et je suis en partie d’accord avec la réponse que vous fournissez, en partie seulement. Je crois d’une part qu’il faut en effet exhorter les gens à s’élever, à se développer, à s’extraire de leur gangue, et à ce titre une totale liberté de pensée doublée d’une totale liberté d’expression me semblent fondamentales. Mais d’autre part - et c’est, je trouve, ce que vous négligez dans l’histoire - il faut aussi, en parallèle, promouvoir le commun, et le commun c’est quoi sous nos latitudes ? La nation.

       
      Gaspard, êtes-vous capable de reconnaître que tel individu mérite telle place que vous ambitionniez d’occuper parce qu’il est plus doué et mieux à son aise dans cette partie que vous ? Même si vous ne l’avouez pas verbalement, en serez-vous néanmoins convaincu dans votre for intérieur ? Êtes-vous capable d’une telle objectivité ? Il y a de fortes chances que vous me répondiez "oui", et je vous croirai sur parole. Le problème, c’est que tout le monde n’en est pas capable, que ceux qui en sont capables ne le seront pas toujours non plus, et qu’une personne objective, noyée dans le relativisme actuel, se dira légitimement : à quoi bon être honnête si la majorité de mes semblables n’est pas capable du même effort ? C’est une goutte d’eau dans un océan. Et en effet, je pense que la paresse, la couardise, l’injustice, la bêtise, la facilité ou l’insouciance sont bien plus contagieuses que l’effort, la volonté de se dépasser, le sens du devoir, l’humilité ou bien encore la responsabilité et le courage. Or, notre régime politique se fonde sur le nombre, sur ce qui agglutine sans le moindre jugement de valeur, autrement dit sur la contagion, quelle qu’elle soit.

       
      Alors comment diable faire en sorte que chacun sorte de son pré-carré privatif pour reconnaître objectivement l’importance du développement de son prochain ? Par une entité médiatrice : la nation, le commun. Dès l’enfance, afin de concilier réalisation personnelle et souci du commun, je pense qu’il devrait être enseigné la maxime que voici à chacun :
      « Tu es l’élément singulier d’un tout qui t’a précédé et qui te survivra, en tant qu’élément tu n’oublieras jamais d’où tu viens, en tant qu’être singulier tu devras toujours t’instruire pour accomplir ta nature. »


    • Rounga Rounga 13 février 2014 11:02

      Gaspard,

      La véritable question politique est surtout de savoir comment il serait possible de faire reconnaître la légitimité de cet homme vertueux par une population qui ne serait même pas moyennement vertueuse.

      C’est effectivement le problème, surtout dans notre société actuelle où tout se vaut, où il n’y a pas de valeur érigée au-dessus des autres (à part peut-être la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, et les préjugés sexistes).
      Je n’ai évidemment pas de réponse précise et définitive, sinon j’aurai déjà écrit un livre, mais la piste que j’étudie actuellement rejoint assez votre point de vue : et si ce n’était pas une question d’institution et d’organisation du pouvoir, mais une question d’esprit ? Nous vivons dans une démocratie (du moins en a-t-elle le nom), et cela implique théoriquement que chacun a le droit à la parole, que tout point de vue peut s’exprimer librement, comme cela se produit sur ce forum. Mais au final, qu’est-ce qui détermine les choix pratiques d’une démocratie ? Le suffrage, le nombre (clin d’oeil à Eric Guéguen). C’est-à-dire que nous intégrons tous que la majorité a une légitimité supérieure à décider, même si notre conviction intime nous crie qu’elle est dans l’erreur. L’esprit démocratique implique ce déchirement intérieur. Moi je pense qu’on peut garder une société organisée en démocratie, mais que l’esprit qui doit dominer est l’esprit aristocratique. Je veux dire par là qu’une certaine hiérarchie des valeurs doit être préservée, et qu’il faut affirmer que tout ne se vaut pas.
      Voilà, comme je vous le disais, c’est une piste, et pour l’instant je ne saurai aller plus loin.

      Par conséquent, contrairement aux croyances marxistes, tyranniques ou totalitaires, la seule manière de changer les structures sociales est de changer les structures de la conscience en chaque individu.

      En menant, par exemple, une lutte acharnée contre les stéréotypes du genre dans les écoles maternelles ? smiley

      Ceci n’est possible qu’à travers des actes révolutionnaires personnels exemplaires, héroïques et sacrificiels, d’abord incompris du grand nombre, actes qui ont pour effet d’extraire de manière explosive chaque conscience individuelle de la masse où elle est endormie et engluée.

      Vous rejoignez donc la théorie de ce qu’on peut appeler la "diffusion de la vertu", qui ne se fait pas par la loi et le raisonnement, mais par l’exemple. Cela implique nécessairement l’esprit aristocratique, hiérarchique, dont j’ai parlé, car autrement cela peut être détourné dans la mauvaise direction. L’idolâtrie autour d’Obama en est un exemple flagrant.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 13 février 2014 11:09

      "Par conséquent, contrairement aux croyances marxistes, tyranniques ou totalitaires, la seule manière de changer les structures sociales est de changer les structures de la conscience en chaque individu.

      En menant, par exemple, une lutte acharnée contre les stéréotypes du genre dans les écoles maternelles ? "


      Malheureusement oui ! La véritable clé politique est l’éducation, tout le reste est du décor, du brassage de vent, des pirouettes de clowns pour créer des diversions. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 13 février 2014 12:53

      "Alors comment diable faire en sorte que chacun sorte de son pré-carré privatif pour reconnaître objectivement l’importance du développement de son prochain ? Par une entité médiatrice : la nation, le commun. Dès l’enfance, afin de concilier réalisation personnelle et souci du commun, je pense qu’il devrait être enseigné la maxime que voici à chacun :
      « Tu es l’élément singulier d’un tout qui t’a précédé et qui te survivra, en tant qu’élément tu n’oublieras jamais d’où tu viens, en tant qu’être singulier tu devras toujours t’instruire pour accomplir ta nature. »"


      @ Eric, oui, l’éducation donc ! 

    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 13 février 2014 13:00

      @ Rounga : "Cela implique nécessairement l’esprit aristocratique, hiérarchique"


      Je ne sais pas ce que cela signifie concrètement en termes d’actions pour changer le monde. Je sais que l’éducation peut changer le monde, c’est concret. Par exemple, en 2 générations, le conflit en Israël-Palestine est réglé par l’éducation. 

    • Éric Guéguen Éric Guéguen 13 février 2014 13:07

      Tout à fait Gaspard, je n’ai jamais cessé d’insister sur le rôle de la formation au métier de citoyen : d’une part une éducation nationale au sein du foyer, d’autre part une instruction publique à l’école.


    • herve_hum 13 février 2014 13:34

      Hum, la nation est un bien commun relatif, car à ce niveau de conscience, elle est un bien privatif vis à vis des autres nations. Vous n’avez fait que déplacer le problème sans le résoudre, bien au contraire car l’histoire nous enseigne que la nation fut autant un outil d’asservissement et d’aliénation que d’émancipation.
       
      La question est de savoir pourquoi donc faut il quelqu’un pour gouverner tous les autres ? Si au temps de Confucius et Lao-Tseu la question ne se posait pas, elle se pose aujourd’hui et je doute même que l’un et l’autre resteraient avec l’idée de la nécessité d’un souverain.


      La réponse est simple, parce que l’histoire est une histoire de colonisation et donc de guerres entre les peuples et plus tard les nations. Aujourd’hui, il faut toujours des chefs parce que sous nos contrée, outre la menace militaire extérieure, la guerre se poursuit à travers la concurrence économique.
       
      En fait, la seule chose qui nécessite un chef, c’est la guerre et rien d’autre. Que celle ci soit militaire ou économique.
       
      En temps de guerre, le chef est l’unificateur, en temps de paix il est le diviseur. Cela n’a rien à voir avec le vice ou la vertu, mais de la raison d’être du chef. En temps de paix, celui ci est inutile et son pouvoir illusoire. Le chef à besoin, au minimum, d’une menace permanente pour exister, avoir un sens. Si celle ci n’est pas extérieure, alors il devra faire en sorte qu’elle vienne de l’intérieur.

       

      Mais dans un monde en paix militaire et en coopération économique, le besoin de chef est limité à l’urgence, en dehors, il n’est de besoin que de respecter les droits humains par l’accomplissement de ses devoirs faisant les êtres responsables. Ou autrement dit, la responsabilité est la capacité à répondre de ses droits et devoirs envers autrui. Horizontalement et verticalement. Par contre, ce qui n’a pas lieu de changer, c’est le principe du mérite, sauf que ce dernier devient exclusivement personnel et non plus impersonnel, permettant aux médiocres de gouverner le monde.


    • Rounga Rounga 13 février 2014 13:35

      Je ne sais pas ce que cela signifie concrètement en termes d’actions pour changer le monde.

      Une politique de l’esprit implique la créativité. Je pense que celui qui parviendrait à écrire un équivalent de L’Odyssée aujourd’hui aurait plus fait politiquement que tous les politiciens de son temps. Mais seulement, qui en est capable ? C’est là que le principe hiérarchique revient dans toute sa splendeur.
      C’est pour cela que je pense qu’une politique salutaire encouragerait l’art et la créativité. Les artistes nous font voir le monde autrement, en aiguisant sa sensibilité artistique, on peut voir les choses artistiquement, et le problème n’est plus "comment se positionner ?" mais "que créer ?". Et si c’était l’art qui changeait le monde ?


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