Apollinaire : le poète à la guerre
Les artistes et la guerre.
L’historienne Annette Becker est invitée pour nous parler de ces artistes dans les tranchées.
De nombreux écrivains français ont combattu durant la Première Guerre mondiale. Dans Voyage au bout de la nuit, Céline nous montre bien toute l’absurdité de cette guerre.
Parmi eux également, un des plus grands poètes français, Guillaume Apollinaire (1880-1918).
Quand on pense à Apollinaire, on pense à cet être tourmenté qui, dans ses poèmes, parle de ses chagrins d’amour (La chanson du mal-aimé), de la tristesse qui en découle, de sa relation aux femmes (Les colchiques)...
Un poète, homme de lettres, a du être quelque peu perdu dans cette atmosphère. Surtout que pour la France, ce ne fut pas une petite guerre (1 315 000 soldats français décédés). Apollinaire, lui, est mort le 9 novembre 1918 (2 jours avant l’armistice), mais pas à la guerre. Il est touché par un autre fléau de l’époque : la fièvre espagnole.
Il a écrit sur la guerre. Lisez ces quelques vers :
Si je mourais là-bas...
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
- Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur -
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
30 janv. 1915, Nîmes.
Guillaume Apollinaire - Poèmes à Lou