samedi 28 décembre 2019 - par Gokani

« Baise ton prochain » : quand les pires salauds sont les premiers de cordée du divin marché (Mandeville par Dany-Robert Dufour)

Cachez ce Mandeville qui avait tout dit de la profonde perversité du capitalisme : les pires salauds seront les premiers de cordée du divin marché 

 

Cet essai résulte d’une sidération. Celle qui m’a saisi lorsque je suis tombé sur un écrit aujourd’hui oublié, Recherches sur l’origine de la vertu morale de Bernard de Mandeville. C’est en 1714, à l’aube de la première révolution industrielle, que Mandeville, philosophe et médecin, a publié ce libelle sulfureux, en complément de sa fameuse Fable des abeilles. Cet écrit est le logiciel caché du capitalisme car ses idées ont infusé toute la pensée économique libérale moderne, d’Adam Smith à Friedrich Hayek.
Fini l’amour du prochain ! Il faut confier le destin du monde aux “pires d’entre les hommes” (les pervers), ceux qui veulent toujours plus, quels que soient les moyens à employer. Eux seuls sauront faire en sorte que la richesse s’accroisse et ruisselle ensuite sur le reste des hommes. Et c’est là le véritable plan de Dieu dont il résultera un quasi-paradis sur terre. Pour ce faire, Mandeville a élaboré un art de gouverner – flatter les uns, stigmatiser les autres – qui se révélera bien plus retors et plus efficace que celui de Machiavel, parce que fondé sur l’instauration d’un nouveau régime, la libération des pulsions. On comprend pourquoi Mandeville fut de son vivant surnommé Man Devil (l’homme du Diable) et pourquoi son paradis ressemble à l’enfer.
Trois siècles plus tard, il s’avère qu’aucune autre idée n’a autant transformé le monde. Nous sommes globalement plus riches. À ceci près que le ruissellement aurait tendance à couler à l’envers (voir Comment Macron engraisse les ultra riches - Le ruissellement en marche arrière) : les 1 % d’individus les plus riches possèdent désormais autant que les 99 % restants. Mais on commence à comprendre le coût de ce pacte faustien : la destruction du monde. Peut-on encore obvier à ce devenir ? (Baise ton prochain - Une histoire souterraine du capitalisme, Dany-Robert Dufour, Actes Sud)

 

Publicité

LIB TROPIQUES - "Le Man Devil code" : Baise to prochain - Dany-Robert Dufour - 8 déc. 2019 - 1h42

 

Entretien : Dany-Robert Dufour “L’éthique libérale, c’est Baise ton prochain !”

Dany-Robert Dufour vient de faire paraître le livre Baise ton prochain (Actes sud), dans lequel il passe au crible les présupposés philosophiques de l’idéologie libérale, à travers une analyse des travaux de Bernard de Mandeville. Dufour nous explique que le culte de l’enrichissement personnel n’a pu prendre son essor qu’à partir du moment où le cadre moral des sociétés traditionnelles s’est trouvé balayé au nom d’une idée apparemment étrange : les vices privés garantissent la vertu publique. Les comportements les plus vicieux favorisent en effet la croissance de la production et de la consommation. Autrement dit : ils font marcher le commerce ! En régime libéral, il n’est donc plus question de s’autolimiter, mais de laisser libre cours à la vie sauvage des pulsions...

Lire la suite de l'entretien : sur le site L'Inactuelle (7 novembre 2019)

 

Dany-Robert Dufour est philosophe. Il a publié une vingtaine de livres, dont L’individu qui vient, La Cité perverse (Denoël, 2011 et 2009) et Le code Jupiter (Equateurs, 2018).

Baise ton prochain - 10 premières pages

Accéder aux 10 premières pages du livre

 



27 réactions


  • Yakaa Yakaa 28 décembre 2019 15:24

    J’avais adoré "Le divin marché" qui par son approche à la fois psycho-symbolique, historique et philosophique constitue une pensée très complémentaire à celle de J.C Michéa.

    Vidéo passionnante qui permets de se débarrasser une fois pour toute de tout le fatras conspirationniste de bas étage qui tourne en boucle sur le net (Satanistes, reptiliens, anciens astronautes, etc...) Bien sûr ce que décrit Dany Robert Dufour ici est en soi une forme de conspiration hautement perverse qui sous l’angle de la religion pourrait être qualifiée de sataniste, mais son propos s’appuie sur des recherches factuelles et non pas de simples projections psychiques douteuses.


  • yoananda2 28 décembre 2019 18:30

    Je suis le premier à critiquer le libéralisme.

    ouai mais le libéralisme ça marche, c’est ce qui nous a donné la richesse de dingue qu’on a actuellement. Alors on peut toujours dit que c’est vilain caca boudin, le reste de la planète voudra copier la recette du succès qui nous a donné tant d’abondance.

    On peut regretter le temps béni des famines, des épidémies, et des enfants qui meurent en bas age, ou l’église dominait avec sa morale tellement plus mieux : personne ne vous empêche d’aller vivre dans un pays pauvre catholique. Je crois qu’il y en a 2 ou 3 encore en afrique.


    • zzz999 28 décembre 2019 19:48

      @yoananda2

      votre argument est du meme niveau que celui d’un gangster qui trouve plus confortable d’etre du bon coté du flingue..... mais attention de ne jamais jamais le lacher.


    • Yakaa Yakaa 29 décembre 2019 11:29

      @yoananda2

      "ouai mais le libéralisme ça marche, c’est ce qui nous a donné la richesse de dingue qu’on a actuellement."

      .
      Pour l’instant... ça marche très bien et la "croissances sacrée" est au rendez-vous, mais cette croissance n’es possible que par le pillage des ressources naturelles avec toutes les conséquences désastreuses que cela a sur les espèces et l’environnement qui se trouve détruit à vitesse grand V.
      La croissance est déjà en panne un peu partout dans le monde (avec quelques sursauts dus au gaz de schiste par exemple) mais la quasi-gratuité des énergies et des ressources par le pillage ne sera plus possible très longtemps encore car toutes ces ressources ne sont pas infinies.

      L’idéologie libérale qui ne peut exister que par le pillage des ressources va donc se heurter à un premier mur qui est et sera celui de la pénurie de ressources et surtout d’énergies fossiles dont la croissance est directement liée (écouter Jean-Marc Jancovici

      ). quand au deuxième mur c’est celui de la destruction des milieux naturels, la destruction de la vie et de notre monde.

      L’idéologie libérale n’est donc pas viable et l’humanité comme les autres espèces ne pourront jamais survivre à cette folie qui détruit les bases mêmes de la vie.


    • yoananda2 29 décembre 2019 11:37

      @Yakaa
      ça c’est une vraie critique du libéralisme. Je suis à 90% d’accord avec ce que tu dis.
      les critiques "le libéralisme c’est pas moral" ou "le libéralisme c’est égoïste" ou "le libéralisme c’est caca" sont toutes du même ordre pour moi.
      Le libéralisme est un système de coopération qui est tellement efficace qu’il nique la nature. Il est issu du christianisme, c’est du christianisme sécularisé et on reconnaît derrière la patte du judaïsme, qui, si j’en crois Attali, veut "réparer la nature parce que la nature c’est le mal" (je cite).
      Pas étonnant alors qu’elle soit exploitée sans vergogne au point de la détruire. On est bien dans une idéologie religieuse au fond. Et d’ailleurs le libéralisme est entièrement un avatar de la théologie du péché.


    • Giordano-Bruno 29 décembre 2019 15:03

      @yoananda2

      ouai mais le libéralisme ça marche, c’est ce qui nous a donné la richesse de dingue qu’on a actuellement.

      Non. La richesse actuelle est due au développement des connaissances scientifiques et techniques.


    • ffi 31 décembre 2019 05:56

      @yoananda2
      Aux temps médiévaux, l’Europe catholique n’était vraiment pas la partie du monde la plus pauvre. C’est bien pourquoi elle s’est exportée autant.
      Certes, ce n’était pas un monde libéral. La vie économique était très réglementée (sauf dans les zones ingouvernables, comme sur les mers).

      Personnellement, l’abondance de biens du libéralisme ne me saute pas aux yeux. Tout y est très cher. Les bidonvilles ne sont pas rares, sauf dans les pays suffisamment puissants, munis d’une fibre sociale : les états y prennent le soin de redistribuer les revenus.

      On peut dire que le libéralisme, c’est cette permission laissée au particulier, par le pouvoir politique, de développer des sociétés privées aussi nombreuses que possible, et d’en jouir des profits à titre privé. Il y avait aussi des sociétés privées sous l’ancien régime. Mais, généralement, la corporation qui les fédérait en limitaient le nombre de personnel.

      Il y eut aussi la grande période des manufactures, systématisées par Colbert. Là encore, leur existence était soumise à privilège (= loi à titre privée), c’est-à-dire à autorisation.

      On sait bien qu’une vie de labeur acharné ne permettrait jamais de produire les fortunes dont certains disposent aujourd’hui. Forcément, s’ils en disposent, c’est qu’ils prélèvent une part sur le travail de chacun des employés de leurs gigantesques sociétés. Aussi, pour mener tout ce petit monde, ils leurs faut plein de petits commissaires, qui ne font rien de concret, sauf faire se tenir les employés tranquille. Ce sont les cadres, et ils faut les payer grassement. Et donc on prend encore aux employés pour payer leurs gardiens.

      Au final, on se trouve avec une classe de super-riches, les possédants, une classe de riches, les cadres, commissaires des premiers, et une classe d’employés et d’ouvriers qui ont tout juste de quoi boucler les fins de mois.

      L’inconvénient de cette structure est que ceux qui sont en prise avec la réalité physique (les ouvriers), donc les seuls à pouvoir innover valablement, sont dénués de moyens et ne peuvent investir.

      En effet, les possédants et leurs commissaires travaillent sur l’humain. Ils sont des genres de politiciens, qui prélèvent leur taxe sur le travail, et accumulent les profits. Peu en prise avec la réalité physique, ils sont faciles à berner, car ils ne connaissent pas vraiment le travail nécessaire à la facture des choses. Ils tendent à gaspiller l’argent. Les projets d’innovation deviennent de plus en plus fumeux et de moins en moins crédibles. La French’Tech à la Macron fait pshit.

      On reconnait l’arbre à son fruit, dit-on. C’est au sortir d’une période qu’on juge de ses résultats. Ils ne m’emballent pas. Au début du XXème, une centaines d’artisan charretiers se sont lancés dans la production d’automobile, provoquant une grande émulation. Aujourd’hui, il y a une dizaine de grosses boites au niveau mondial, guère plus. L’aviation a été inventée par des amateurs, bricoleurs (de génie). Aujourd’hui, qui pourrait innover ? Personne ne sait plus rien faire. Il n’y a presque plus que des beaux-parleurs

      Suffit d’être confronté quotidiennement aux donneurs d’ordres des sociétés à haute concentration capitalistique et de voir leurs niveaux d’incompétence pour comprendre que ça ne va pas durer.


    • ffi 31 décembre 2019 17:26

      @Djam
      Mettre en place des éponges à fric, pour promettre un ruissellement...

      De ce capitalisme spongieux, seul un bon essorage pourrait en faire s’écouler la sève.


    • yoananda2 31 décembre 2019 17:35

      @ffi
      il y a une étude parue récemment qui montre l’inévitabilité de la concentration des richesse. C’est une simulation informatique basée sur la théorie des jeux dans laquelle mon met des agents économiques avec des règles simple. On voit que peu importe comment on s’y prends, dans un système de marché EQUITABLE la richesse à tendance a se concentrer en monopole ou oligarchie.


    • ffi 31 décembre 2019 18:55

      @yoananda2
      Dans une guerre, il y a toujours un vainqueur et un seul. Le monopole est l’aboutissement d’une concurrence économique comme la monarchie est l’aboutissement d’une guerre politique. C’est pourquoi la société politique féodale s’est toujours entichée de la monarchie : En effet, à la fin d’une guerre, il y a un pouvoir unique, mais aussi la paix. Rester fidèle à la monarchie en place, c’est promouvoir la paix.

      Il faut noter cette loi de 1945, prélude aux nationalisations : Une entreprise en situation de monopole implique sa propriété par l’état. Les monopoles nationaux sont une forme de paix économique. Or, les processus de privatisation ont réintroduit la concurrence, c’est-à-dire la guerre économique, par-dessus les états, engendrant ainsi la perspective de monopoles mondiaux, aboutissements logiques de la mondialisation.

      Personnellement, je ne suis pas totalement contre les monopoles, car je suis pour la paix économique. Hélas, aujourd’hui, ils se construisent par des montages financiers astucieux plutôt que par de véritables innovations : nous sommes bien loin de l’idée selon laquelle la concurrence engendrerait le progrès... Loin de cela, la concentration financière aboutit à une désindustrialisation massive, ce qui entretient la rareté des produits, leur cherté, comme à une régression sociale.

      De plus, ces monopoles mondiaux échappent aux contrôles des États.

      Par conséquent, je suis pour des monopoles locaux, et soutenus par diverses instances, une financière pour investir, une universitaire pour innover.

      Ainsi, l’on aurait toujours une concurrence, dans le sens on l’on pourrait comparer les performances, mais à distance, et contrôlée. Ce serait comme comparer l’évolution de deux cultures, mais dans des éprouvettes séparées.

      Cela nous changerait de ces plantes envahissantes, qui éliminent tout sur leur passage, pour finalement laisser un sol inculte.


  • agent ananas agent ananas 30 décembre 2019 01:10

    Merci à Gokani de me faire découvrir ce livre sur Mandeville, précurseur du "libéralisme" et qui inspira entre autres Adam Smith et Friedrich Hayek ... pour notre plus grand malheur !


  • JL 30 décembre 2019 10:04

    Ce n’est pas le libéralisme qui marche, c’est le capitalisme. Ce que vous appelez libéralisme c’est le capitalisme débridé, qui tel Attila dévaste tout sur son passage.


    • yoananda2 30 décembre 2019 12:20

      @JL

      Ce n’est pas le libéralisme qui marche, c’est le capitalisme.

      Comment tu définis le libéralisme et le capitalisme ?

      Moi : capitalisme = propriété privée des moyens de production

      libéralisme = économie de marché. C’est une version du capitalisme.

      Du coup, pour ma part je parle bien du libéralisme.


    • JL 30 décembre 2019 13:24

      @yoananda2
       
      Je fais mienne cette distinction : http://www.slate.fr/story/96445/liberal-ou-capitaliste
       
      En gros je dirais que le libéralisme c’est le règne des multinationales, des actionnaires, de l’argent roi, qui ruinent les capitalismes locaux associés plutôt à la social démocratie, à la nation, aux patronat.
       
      Le libéralisme est l’opposé de la social-démocratie. Les capitalismes Rhénan et Anglo-saxon ont très bien fonctionné, si on excepte les guerres. En ce sens on pourrait dire que ça ne marche pas mais ce n’est pas congénital, même si Jaurès a pu dire à juste titre que « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage ». Je pense que ce sont les capitalistes qui portent en eux la guerre.
       
      Je dirai que le libéralisme a vaincu les capitalismes comme la mauvaise monnaie chasse la bonne : c’est une victoire à la Pyrrhus, puisque le néolibéralisme fait la guerre aux nations, aux peuples et à la planète entière et nous mène tous au désastre.
       
      « C’est dans le monde des rêves social-démocrates qu’on se plait à imaginer des gentils puissants, qui d’eux-mêmes trouveraient les voies de la décence et de l’autolimitation. Sauf hypothèse de sainteté, on ne voit pas bien par quel improbable mouvement de l’âme les dominants pourraient consentir de leur propre gré à la transformation d’un monde qui leur fait la vie si belle et auquel tous leurs intérêts, patrimoniaux aussi bien qu’existentiels, ont intimement partie liée. Au prix sans doute d’attrister le Parti de la Concorde Universelle, il faut donc rappeler qu’un ordre de domination ne cède que renversé de vive force. » (Lordon : « En sortir » LMD, 26/9/12)


    • yoananda2 30 décembre 2019 14:24

      @JL
      merci, je me rallie à votre définition, j’ai fait une confusion.
      capitalisme = accumulation du capital + division du travail
      libéralisme = propriété privée + marchés

      pour le reste, il faut que j’y réfléchisse, les marchés me semblent un truc "naturel" (je parles des petits marchés ou on va acheter des légumes), la propriété privée c’est aussi relativement naturel. Par contre, évidement les multinationales c’est bien l’une des sources des problèmes actuels, mais je l’attribuerait plus au "mondialisme" qu’au "libéralisme" (même si je vois bien les liens entre les 2).


    • ffi 31 décembre 2019 06:18

      @yoananda2
      Non :
      les marchés, de même que la propriété privée, existèrent avant le libéralisme

      l’accumulation du capital, de même que la division du travail existèrent avant le capitalisme.

      Le libéralisme, d’un point de vue économique, c’est une licence donnée à l’extension sans limite des propriétés privées. Certes, il y a des lois contre les monopoles, donc le libéralisme n’est pas intégral.
       
      Ce libéralisme permet les accumulations massives de capital. Quand cette accumulation devient l’occupation habituelle des capitaines d’industries, cela donne le capitalisme (les financiers prenant le pas sur les autres)

      Et là on rejoint l’argumentation de Dufour. La voracité économique était plutôt mal vue socialement, chacun devant recevoir sa part légitime. Il aura donc fallu la considérer comme un bien pour la permettre (le politique devant toujours arguer qu’il agit pour le bien). Nous assistâmes donc à une redéfinition du Bien.

      C’est Bien d’être vorace. Et puis,... c’est tellement naturel.


    • yoananda2 31 décembre 2019 17:36

      @JL
      tant que j’y suis, une critique mathématique des marchés qui devrait t’intéresser.


    • ffi 31 décembre 2019 18:56

      @yoananda2
      Quel besoin de recourir aux mathématiques quand il n’y a qu’à ouvrir les yeux ?


  • JL 30 décembre 2019 10:10

    « Le monde appartient aux médiocres supérieurs » (Rostand)

    « nous en voulons au capitalisme parce qu’il élève des gens de bas niveau »


    • JL 30 décembre 2019 10:36

      « Dans la sphère du pouvoir gouvernemental, l’action décisive appartient rarement aux figures supérieures, aux hommes des idées pures, mais bien à une catégorie d’êtres de beaucoup moins de valeur, quoique plus adroits, je veux dire ceux qui travaillent dans la coulisse. En 1914 et en 1918, nous avons vu comment les décisions historiques de la guerre et de la paix étaient prises, non pas selon la raison et par les responsables, mais par des individus cachés dans l’ombre, du caractère le plus douteux et d’une intelligence bien limitée. Chaque jour nous constatons encore que, dans le jeu ambigu et souvent criminel de la politique, auquel les peuples confient toujours avec crédulité leurs enfants et leur avenir, ce ne sont pas des hommes aux idées larges et morales, aux convictions inébranlables qui l’emportent, mais des joueurs professionnels que nous appelons diplomates, - ces artistes aux mains prestes, aux mots vides et aux nerfs glacés ». Stéfan Zweig, Préface à son « Fouché », cité par DRD dans « Baise ton prochain »


  • JL 30 décembre 2019 10:37

    Greed is good : « Quand Mandeville dit : « Les vices privés font la vertu publique », que dit-il d’autre que ceci : ce que vous prenez pour du vice c’est en fait de la vertu. Ou encore : si vous le prenez au premier degré, c’est du vice mais si vous le prenez au second, c’est de la vertu. Ce discours brouille tout repère et annule toute pensée démonstrative : il revendique de pouvoir dire tout et son contraire puisqu’il affirme qu’en fin de compte, le blanc est noir et que le faux est vrai – exactement comme le discours pervers ». (Dany-Robert Dufour, « La cité perverse »,334)

     
    « La civilisation du ‘tout à l’ego’ : dans le domaine des arts, chacun affirmera son ego ; le domaine scientifique sera caractérisé par le relativisme et par le subjectivisme en sciences humaines, par la réduction systématique des phénomènes symboliques à des données de nature en sciences sociales (cognitivisme et sciences neuronales), et par le pragmatisme en philosophie. Le domaine politique, celui du gouvernement des hommes, ne sera plus défini comme étant le lieu au dessus des intérêts privés, mais comme le lieu investi et même surinvesti par les intérêts privés. Le gouvernement ne sera donc plus une instance qui décide en fonction de l’intérêt général, mais un lieu qui communique en racontant des histoires destinées à faire plaisir à ceux qui les écoutent – ce gouvernement doit avoir comme méthode le storytelling management, cependant que la tête de l’Etat pourra s’employer à donner des leçons de perversion, comme telles décomplexées, destinée à convaincre les derniers névrosés de s’autoriser enfin d’eux-mêmes. (Dany-Robert Dufour, « La cité perverse », 312)

     
    Trilatérale : « Lorsque la question de la gouvernabilité des 80% d’humanité surnuméraire par rapport aux besoins prévus de l’économie libérale a été posée, la recommandation retenue fut celle avancée par Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Carter et fondateur de la Trilatérale : le « tittytainment, qui consiste à fournir un « cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. Tittytainment est un mot valise qui renvoie à entertainment et tits, nichons ». (Dany-Robert Dufour, « La cité perverse »)

     
    Sade, le premier démocrate libéral : « Ô vous, qui vous mêlez de gouverner les hommes, gardez-vous de lier aucune créature ! Laissez-la faire ses arrangements toute seule, laissez-la se chercher elle-même ce qui lui convient, et vous vous apercevrez bientôt que tout n’en ira que mieux. (Sade, « Juliette », cité par Dany-Robert Dufour, La cité perverse ») « On reconnaît là le fameux « laisser-faire » cher à la philosophie politique libérale » qui sera présenté comme principe essentiel de démocratie libérale. » (DRD) Mais Sade poursuit : « … Non seulement il n’est pas nécessaire d’aimer pour jouir, mais il suffit même de jouir pour ne pas aimer » et DRD ajoute : « C’est ainsi que Sade met fin à l’angélisme de la belle œuvre divine en train de se construire toute seule, comme le laisse croire la fable philosophique qui s’édifie progressivement de Blaise Pascal à Adam Smith. L’œuvre admirable qui est en train de se construire est en fait une entreprise terrifiante. Laisser faire, laisser exulter l’amour-propre, laisser se réaliser le plan secret des la divine Nature, c’est laisser se construire une entreprise démoniaque, aussi pornographique que perverse. C’est-à-dire une société composée de tyrans qui cherchent à imposer leur jouissance et de despotes qui ne cessent de s’affronter et de se mettre en esclavage dès qu’ils le peuvent. Voilà la vérité que Sade assène sur les finalités du plan secret de la nature. » (DRD)

     
    Théorie du ruissellement : «  Le pauvre ne doit jamais ni voler, ni tromper le riche (…). La conscience du pauvre lui rappelle dans cette circonstance qu’il ne vaut pas mieux qu’un autre et que, par l’injuste préférence qu’il se donne, il se rend l’objet du mépris et du ressentiment de ses semblables comme aussi des châtiments puisqu’il a violé ces lois sacrées d’où dépendent la tranquillité et la paix de la société. » (Adam Smith, cité par DRD) « Celui qui doit modérer ses appétits et renoncer à l’injuste préférence qu’il se donne, c’est donc le pauvre. Le riche, lui, travaille (hem !), non pas pour s’enrichir lui-même, mais pour enrichir la société  » (DRD) De fait, le libéralisme est fondé sur le sophisme suivant : « ce qui est bon pour le riche est bon pour la société dans son ensemble » d’où découle le non moins choquant « greed is good » (la main invisible faisant ce qu’il faut). Ainsi, on amalgame enrichissement individuel et enrichissement collectif, profit et richesse, investissement et spéculation, et l’on justifie dans un jeu à somme nulle, voire mortifère, le principe de socialisation des pertes, privatisation des profits. (11/3/10)


  • microf 30 décembre 2019 16:19

    Cardinal Robert Sarah : la crise de l’Occident et du monde tient dans
    leur rejet de Dieu

    Billet de blogue d’Augustin Hamilton (Campagne Québec-Vie) — Photo
    (rognée) : Malacañang Photo Bureau/Wikimedia Commons

    Le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte
    divin et la discipline des sacrements, a récemment publié son
    troisième livre d’entretien avec Nicolas Diat Le soir approche et déjà
    le jour baisse. Ce livre décrit la crise actuelle du monde, une crise
    de foi, de rejet de Dieu, d’athéisme qui trouve sa source en Occident.
    Mgr Sarah aborde dans son livre la question de la société catholique,
    de la vérité et de la liberté, du sacerdoce et du célibat, des
    scandales dans l’Église et de leur remède, du relativisme et de
    l’athéisme qui contaminent le langage de certains ecclésiastiques, de
    la culture de mort et d’autodestruction occidentale, de l’athéisme par
    rapport à l’islamisme, enfin du chemin à suivre pour sauver une
    civilisation et pour une vraie évangélisation.

    Le cardinal Robert Sarah a accordé un entretien à la revue La Nef, où
    il présente les différents aspects que l’on rencontre dans son
    ouvrage.


    • microf 30 décembre 2019 16:20

      @microf

      Il commence par expliquer que la crise spirituelle concerne le monde
      entier, mais qu’elle a sa source en Occident. Extraits de La Nef :

      L’effondrement spirituel a donc des traits proprement occidentaux. Je
      voudrais relever en particulier le refus de la paternité. On a
      convaincu nos contemporains que pour être libre il fallait ne dépendre
      de personne. Il y a là une erreur tragique. Les Occidentaux sont
      persuadés que recevoir est contraire à la dignité de la personne. Or
      l’homme civilisé est fondamentalement un héritier, il reçoit une
      histoire, une culture, un nom, une famille. C’est ce qui le distingue
      du barbare. Refuser de s’inscrire dans un réseau de dépendance,
      d’héritage et de filiation nous condamne à entrer nus dans la jungle
      de la concurrence d’une économie laissée à elle-même. Parce qu’il
      refuse de s’accepter comme héritier, l’homme se condamne à l’enfer de
      la mondialisation libérale où les intérêts individuels s’affrontent
      sans autre loi que celle du profit à tout prix.

      Mais dans ce livre, je veux rappeler aux Occidentaux que la raison
      véritable de ce refus d’hériter, de ce refus de la paternité est au
      fond le refus de Dieu. Je discerne au fond des cœurs occidentaux un
      profond refus de la paternité créatrice de Dieu. Nous recevons de lui
      notre nature d’homme et de femme. Cela devient insupportable aux
      esprits modernes. L’idéologie du genre est un refus luciférien de
      recevoir de Dieu une nature sexuée. L’Occident refuse de recevoir, il
      n’accepte que ce qu’il construit lui-même. Le transhumanisme est
      l’ultime avatar de ce mouvement. Même la nature humaine, parce qu’elle
      est un don de Dieu, devient insupportable à l’homme d’Occident.


    • microf 30 décembre 2019 16:21

      @microf

      Cette révolte est en son essence spirituelle, elle est comme le refus
      de Lucifer, l’homme occidental refuse d’être sauvé par miséricorde,
      par le don de la grâce. Les « valeurs occidentales  » promues par
      l’ONU reposent sur le refus de Dieu.

      Le cardinal continue plus loin, disant que les chrétiens doivent être
      missionnaires et ne pas garder pour eux le trésor de la foi, de la
      vérité qui libère : Jésus-Christ. Nous ne devons pas rester
      tranquilles quand un si grand nombre d’âmes ignore ce trésor. Le but
      de l’évangélisation n’est pas cependant de dominer le monde, mais le
      service de Dieu, car la victoire du Christ sur le monde c’est sa
      croix. Toutefois, une société catholique est des plus souhaitables, et
      sa construction revient aux fidèles laïcs :

      Il y a urgence à annoncer le cœur de notre foi : seul Jésus nous sauve
      du péché. Toutefois, il faut souligner que l’évangélisation n’est
      complète que lorsqu’elle atteint les structures de la société. Une
      société inspirée de l’Évangile protège les plus faibles contre les
      conséquences du péché. Inversement une société coupée de Dieu devient
      vite une structure de péché. Elle encourage au mal. C’est pourquoi on
      peut dire qu’il ne saurait y avoir de société juste sans une place
      pour Dieu dans le domaine public. Un État qui proclame l’athéisme est
      un État injuste. Un État qui renvoie Dieu au domaine privé est un État
      qui se coupe de la source réelle du droit et de la justice. Un État
      qui prétend fonder le droit uniquement sur son bon vouloir, qui ne
      cherche pas à fonder la loi sur un ordre objectif reçu du Créateur,
      risque de sombrer dans le totalitarisme.


    • microf 30 décembre 2019 16:21

      @microf

      La liberté dont l’homme occidental se réclame, jusqu’à vouloir ne pas
      vouloir connaître la vérité comme si celle-ci pouvait la mettre en
      danger, est inséparable de la vérité :

      L’homme moderne hypostasie sa liberté, il en fait un absolu au point
      de la croire menacée quand il reçoit la vérité. Pourtant, recevoir la
      vérité est le plus bel acte de liberté qu’il soit donné à l’homme
      d’accomplir. Je crois que votre question révèle combien la crise de la
      conscience occidentale est au fond une crise de la foi. L’homme
      occidental a peur de perdre sa liberté en recevant le don de la foi
      véritable. Il préfère s’enfermer dans une liberté vide de contenu.
      L’acte de foi est la rencontre entre liberté et vérité. C’est pourquoi
      j’ai tenu, dans le premier chapitre de mon livre, à insister sur la
      crise de la foi.

      Mgr Sarah évoque la crise du sacerdoce dans l’Église et prend la
      défense du célibat des prêtres. Il rapproche entre autres la crise de
      l’Église à la mondanité, qui est une des tentations qui assaillent les
      ecclésiastiques, rappelant qu’un prêtre doit être un autre Christ, la
      continuation de la présence du Christ parmi nous. Mgr Sarah a consacré
      son livre aux prêtres du monde entier, car il connaît leur souffrance
      et il sait leur faiblesse. Aussi, leur recommande-t-il de se tenir à
      la croix :

      La place d’un prêtre est sur la Croix. Quand il célèbre la messe, il
      est à la source de toute sa vie, c’est-à-dire à la Croix. Le célibat
      est un des moyens concrets qui nous permet de vivre ce mystère de la
      Croix dans nos vies. Le célibat inscrit la Croix jusque dans notre
      chair. C’est pour cela que le célibat est insupportable pour le monde
      moderne. Le célibat est un scandale pour les modernes, parce que la
      Croix est un scandale.

      Mgr Sarah évoque également les problèmes d’homosexualité de certains
      ecclésiastiques, rappelant que c’est un péché et non la définition
      d’une personne, la manière dont il faut les considérer et les remèdes
      à y apporter :

      Pour ce qui regarde les comportements homosexuels, ne tombons pas dans
      le piège des manipulateurs. Il n’y a pas dans l’Église un « problème
      homosexuel  ». Il y a un problème de péchés et d’infidélité. Ne nous
      laissons pas imposer le vocabulaire de l’idéologie LGBT.
      L’homosexualité ne définit pas l’identité des personnes. Elle qualifie
      des actes déviants et peccamineux. Pour ces actes, comme pour les
      autres péchés, les remèdes sont connus. Il s’agit de retourner au
      Christ, de le laisser nous convertir. Quand la faute est publique, le
      droit pénal de l’Église doit s’appliquer. Punir est une miséricorde.
      La peine répare le bien commun blessé et permet au coupable de se
      racheter. La punition fait partie du rôle paternel des évêques. Enfin,
      nous devons avoir le courage d’appliquer avec clarté les normes
      concernant l’accueil des séminaristes. On ne peut recevoir comme
      candidats au sacerdoce des personnes ayant une psychologie ancrée
      durablement et profondément dans l’homosexualité.


    • microf 30 décembre 2019 16:22

      @microf

      La crise morale et théologique, et l’athéisme, ce poison :

      Dans la conclusion de mon livre, je parle de ce poison dont nous
      sommes tous victimes : l’athéisme liquide. Il infiltre tout, même nos
      discours d’ecclésiastiques. Il consiste à admettre à côté de la foi,
      des modes de pensée ou de vie radicalement païens et mondains. Et nous
      nous satisfaisons de cette cohabitation contre nature  ! Cela montre
      que notre foi est devenue liquide et sans consistance  ! La première
      réforme à faire est dans notre cœur. Elle consiste à ne plus pactiser
      avec le mensonge. La foi est en même temps le trésor que nous voulons
      défendre et la force qui nous permet de la défendre.

      Le cardinal Sarah aborde donc dans son livre la question de la culture
      de mort, d’autodestruction, de consumérisme, liée au libéralisme
      mondial, etc. que les musulmans rejettent, se tournant davantage vers
      l’islam. L’Occident est menacé aussi bien de l’intérieur par les
      barbares ennemis de la vie, que par l’intrusion de l’islamisme :

      Je voudrais d’abord expliquer pourquoi moi, fils de l’Afrique, je me
      permets de m’adresser à l’Occident. L’Église est la gardienne de la
      civilisation. Or, je suis persuadé que la civilisation occidentale vit
      une crise mortelle. Elle a atteint les limites de la haine
      autodestructrice. Comme à l’époque de la chute de Rome, les élites ne
      se soucient que d’augmenter le luxe de leur vie quotidienne et les
      peuples sont anesthésiés par des divertissements de plus en plus
      vulgaires. Comme évêque, je me dois de prévenir l’Occident  ! Les
      barbares sont désormais à l’intérieur de la cité. Les barbares sont
      tous ceux qui haïssent la nature humaine, tous ceux qui bafouent le
      sens du sacré, tous ceux qui méprisent la vie.

      L’Occident est aveuglé par sa soif de richesses. L’appât de l’argent
      que le libéralisme répand dans les cœurs endort les peuples. Pendant
      ce temps, la tragédie silencieuse de l’avortement et de l’euthanasie
      continue. Pendant ce temps, la pornographie et l’idéologie du genre
      détruisent les enfants et les adolescents. Nous sommes habitués à la
      barbarie, elle ne nous surprend même plus  ! J’ai voulu pousser un cri
      d’alarme qui est aussi un cri d’amour. Je l’ai fait le cœur plein de
      reconnaissance filiale pour les missionnaires occidentaux qui sont
      morts sur ma terre africaine. Je veux prendre leur suite et recueillir
      leur héritage  !

      Comment ne pas souligner aussi le danger que constitue l’islamisme  ?
      Les musulmans méprisent l’Occident athée. Ils se réfugient dans
      l’islamisme par refus d’une société de consommation qu’on leur propose
      comme religion. L’Occident saura-t-il leur proposer clairement la foi
       ? Il faudrait pour cela qu’il retrouve ses racines et son identité
      chrétienne […]

      Je veux cependant souligner que tout est prêt pour le renouveau. Je
      vois des familles, des monastères, des paroisses qui sont autant
      d’oasis au milieu du désert. C’est à partir de ces oasis de foi, de
      liturgie, de beauté et de silence que l’Occident renaîtra.

      Enfin, nous devons pour remédier à cette redoutable crise vivre notre
      foi fidèlement et complètement :

      Nous devons simplement vivre notre foi, complètement et radicalement.
      Les vertus chrétiennes sont l’épanouissement de la foi dans toutes les
      facultés humaines. Elles tracent le chemin d’une vie heureuse selon
      Dieu. Nous devons créer des lieux où elles puissent fleurir. J’appelle
      les chrétiens à ouvrir des oasis de gratuité dans le désert de la
      rentabilité triomphante. Nous devons créer des lieux où l’air soit
      respirable, où, tout simplement, la vie chrétienne soit possible. Nos
      communautés doivent mettre Dieu au centre.


    • microf 30 décembre 2019 16:25

      @microf

      La conclusion de cet très important entretien se termine par cette phrase

      " Nos communautés doivent mettre Dieu au centre. "

      Et c´est vrai, et si nous le faisons á savoir remettre Dieu au centre, nous ne... plus notre prochain, car ... notre prochain, c´est ... DIEU qui nous fait á son image.


Réagir