mardi 24 septembre 2019 - par maQiavel

Baby Mafia : enquête au cœur des nouveaux gangs de la Camorra

La Camorra est une organisation criminelle implantée essentiellement à Naples et en Campanie dans les quartiers difficiles où le chômage des jeunes dépasse les 60 %. À la différence des autres organisations mafieuses italiennes, elle se caractérise par ses origines urbaines et son absence de hiérarchie. Chaque quartier est sous l’influence d’un clan et certaines familles contrôlent un territoire depuis plus d’un siècle. Cette absence de structure hiérarchique est l’une des forces de la Camorra car, lorsqu'un clan est dissous sur un territoire, dix sont prêts à le remplacer aussitôt, l’organisation se régénère telle une hydre.

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En quelques années, grâce à un travail de répression efficace et constant des autorités italiennes, des centaines d’affiliés à la Camorra ont été arrêtés, ce qui a mené au déclin du règne des parrains. Cependant, cette réussite a eu des effets pervers tels que le rajeunissement de la criminalité et l’ explosion de la violence. En effet, avec la vieille génération de criminels se retrouvant soit en prison, soit en cavale, la jeunesse a pris la relève et joue le premier rôle : c’est la naissance des baby gangs constitués de jeunes hommes, assoiffés de pouvoir et d'argent, rejetant les vieilles coutumes et ne respectant pas le code de l’honneur des anciens. Dans leur univers, il n'y a plus aucun règlement, pas question pour ces jeunes de faire profil bas, ils s’affichent sur les réseaux sociaux, veulent tout et tout de suite, sans attendre et n’ont qu'une devise, "personne ne te donne rien, c'est à toi de prendre". Roberto Saviano, spécialiste des réseaux maffieux, résume très bien cette manière dont les jeunes voient les anciens, affirmant leur autorité avec aplomb  : "Ce qui m'a toujours impressionné, c'est ce gosse qui défie qui défie un vieux boss de la Camorra. Il le menace en lui disant : Faut que tu quittes ce quartier ! Le boss regarde le gamin et lui répond : Tu crois vraiment que j'ai peur d'un gamin comme toi ? Et le gosse lui répond : Ça m'a pris 10 ans pour devenir un gamin, mais pour te buter, une seconde suffira."

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Sous leur direction, la Camorra, est encore plus fragmentée et chaotique : les baby boss se livrent des luttes continuelles sanglantes d’une violence inouïe pour le contrôle des territoires et des divers trafics (drogue, contrefaçon, jeu de hasard, prostitution). Pire, alors que la mafia avait ses tueurs professionnels qui visaient des cibles très spécifiques, ces baby gangsters dévorés par l'ambition et la violence, se droguent et tirent à l’aveugle à visage découvert pour être reconnus, craints et respectés. L’imprévisibilité et l’irrationalité font loi. Ces actes qui ont déjà fait des centaines de victimes innocentes sèment la terreur à Naples, à un tel point que les autorités publiques parlent de « terrorisme à basse intensité ». 

Ce dramatique phénomène n’est pas prêt de disparaitre car arrestation après arrestation, l’âge des baby gangsters est en baisse constante, il ne concerne d'ailleurs plus les adolescents de 13 ou 14 ans, mais commence désormais vers l'âge de 7, 8 ans.

Source : Brut



13 réactions


  • medialter medialter 24 septembre 2019 12:53
    "Baby Mafia : enquête au cœur des nouveaux gangs de la Camorra"

    *

    Bof, un non-évènement, non ? On a ça depuis bien avant, dans les favelas. Ca arrange plutôt les gouvernements, puisque ça justifie une politique sécuritaire musclée, avec toute la panoplie du renseignement au dessus, surveillance étroite du territoire, écoutes, cyber-traque, avec les adaptations législatives qui vont bien ... Oserais-je avancer que les gouvernements ont même intérêts à laisser filer ce genre de délinquance, voire à l’instituer ? Parce qu’on a aussi l’équivalent chez nous, avec cette communauté qui envoie ses sbires les plus dingos se faire péter au nom du grand Manitou et avec les 72 vierges à la clé. Une manne céleste, pour l’autre communauté, dite de lumière, avec à la clé un régime de surveillance territoriale totalitaire, plébiscité par la poupoulace, que même la Stasi n’avait pas pu imaginer. Donc un non-évènement, de la simple ingénierie sociale à objectif de fabrication de consentement populaire, principe fondateur de la légitimité du pouvoir politique


    • maQiavel maQiavel 24 septembre 2019 13:48

      @medialter

      Il est vrai que certains gouvernements dans certains contextes peuvent laisser couler la criminalité pour une série de raison mais ce n’est pas une règle absolue et ce n’est pas le cas ici. Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce cas, c’est que la politique sécuritaire qui consiste à faire tomber la hiérarchie des organisations n’a fait qu’empirer la situation, c’est la définition même de l’effet pervers ( résultat non désiré et fâcheux d’une action qui se retourne contre les intentions de ceux qui l’ont engagée).

      Finalement faire tomber les parrains était une mauvaise idée puisqu’une nouvelle génération plus violente et chaotique a émergé. Ca m’a fait penser à un documentaire sur les éléphants que j’ai maté il y’a quelques années : normalement les jeunes sont sous la tutelle des vieux males qui n’hésitent pas à leur mettre des coups de défenses pour les mettre au pas, lorsque les pics de testostérone les rend trop agressif, ça les éduque. Mais avec le braconnage, les vieux males ont disparu d’une réserve, et les jeunes males étaient particulièrement indisciplinés, au point qu’ils ont sombrés dans une sorte de culture de la violence qui a ravagé l’écosystème local


    • medialter medialter 24 septembre 2019 14:49

      @maQiavel
      "Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce cas, c’est que la politique sécuritaire qui consiste à faire tomber la hiérarchie des organisations n’a fait qu’empirer la situation"
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      C’est un miroir aux alouettes, à un haut niveau, les patrons mafieux sont intimement liés et intriqués au milieu politique, voir sont des politiques eux-mêmes, comme le fut Pasqua, et à ce titre sont intouchables. Par ex Achille Peretti, haut dignitaire de la mafia corse, était le père politique de Sarkozy, et a contribué à toute sa carrière. La politique sécuritaire fait au mieux tomber la hiérarchie mafieuse moyenne, mais pas plus haut. Plus haut, c’est politiquement qu’on les fait tomber (comme par ex Sarko qui a définitivement été dégagé du paysage politique), mais pas par lutte sécuritaire
      *
      "Ca m’a fait penser à un documentaire sur les éléphants que j’ai maté il y’a quelques années"
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      L’analogie est bonne, mais je ne crois pas que ça soit la bonne raison. Il y a eu une éthique dans le milieu du haut banditisme jusque dans les années 80. Par exemple, il y avait le respect des anciens dans le milieu marseillais jusque Gaëtan Zampa. S’il y a eu ensuite une anarchie complète, c’est pour la même raison, et c’est à la même époque, qu’il y a eu une chute du niveau de vie dans la classe moyenne française. Coercition sociale irrespirable, flux tendu financier. Pour faire court, il y a eu l’éthique du banditisme des 30 glorieuses, puis le chaos d’une racaille aux abois dans le cadre d’une chute générale du niveau de vie, qui les a impactés en premiers. Le nawak des jeunes sauvageons, il est d’origine social et économique, parce qu’ils sont tenus de continuer à se la péter en BMW dans un monde où l’argent devient rare, et aucun encadrement n’est possible dans un struggle for life exacerbé, les cadres mafieux étant d’ailleurs soumis aux mêmes contraintes


    • maQiavel maQiavel 24 septembre 2019 17:44

      @medialter

      Dans ce cas-ci, ce sont bien les parrains que la police a fait tomber. C’est pour ça que je dis que ton scénario, quand bien même il existe, il n’est pas absolu car les Etats peuvent faire tomber les chefs quand la volonté est là, ce n’est pas la première fois que ça arrive.

      Oui il y’a une évolution au niveau de l’éthique chez les malfrats avec la mondialisation, j’en avait parlé dans l’article que j’avais publié il y’a des années sur les « voleurs de la loi » ( mafia russe). On retrouve ce phénomène un peu partout dans les ordres criminels traditionnels mais ce qui se passe à Naples est d’une tout autre nature, et la rapidité du changement est difficilement explicable autrement que par une absence de transmission culturelle générationnelle.


    • medialter medialter 24 septembre 2019 18:58

      @maQiavel
      "Dans ce cas-ci, ce sont bien les parrains que la police a fait tomber"
      *
      Je ne pense pas, non, eux ce sont les milieux de hiérarchie, les parrains affichés. Les vrais parrains doivent être qq part dans la sphère politique, bien au-dessus. Ca doit être comme au temps du grand orient et de la loge Propaganda due, on a retrouvé au sommet l’ombre du vatican et de la haute finance, ils ont sacrifié un lampiste pour couvrir toutes les huiles, aucune raison que ça ait changé. Évidemment, on ne peut pas le prouver, moi je ne peux pas démontrer qu’il y a une organisation en amont, et toi tu ne peux pas démontrer que ce n’est pas que des lampistes, donc ni toi ni moi ne pouvons nous prévaloir de factuel, c’est comme pour les false flags smiley


    • maQiavel maQiavel 24 septembre 2019 19:24

      @medialter
      Il y’a suffisamment d’études sur la Camorra pour savoir comment elle est organisée et jusqu’à preuve de leur invalidité, je vais m’y fier. 

      Sinon, il y’a eu exactement le même phénomène d’explosion de la violence à Chicago ( je ne parle pas des années 20 du siècle passé mais de la fin des années 2000 ), juste après que la police locale et les fédéraux arrête et enferme les dirigeants des principaux gangs. Une nouvelle génération a émergé et Chicago était subitement redevenue la capitale du crime aux Etats unis ( le nombre d’homicide commence à baisser mais il reste encore supérieur à celui de Los Angeles et de New-York réunit). 


    • maQiavel maQiavel 25 septembre 2019 22:03

      @Conférençovore

      « Est-ce que l’idée derrière est de dire "le crime organisé est inéluctable, donc autant en garder les anciennes structures qui avaient au moins le mérite de refroidir proprement alors que les p’tits jeunes font n’importe quoi" ? »

      ------> Pas exactement car je sais bien que des groupes criminels ont été démantelé ou considérablement affaiblit parce que les forces de l’ordre ont décapité les têtes, par exemple la mafia newyorkaise dans le premier cas ou les Yakuza au Japon pour le second cas. Mais je constate que dans certaines circonstances, cette politique de décapitation des organisations criminelles a des effets pervers. Je me demande pourquoi dans certains cas ça fonctionne et dans d’autres ça empire ( il me semble que la structure des organisations concernées est un facteur clé : plus la hiérarchie est rigide, plus l’organisation est mortelle, mais c’est intuitif) ? Et dans le cas où on se retrouve dans une configuration dans laquelle faire tomber les têtes augmenterait le chaos et la violence, alors quelles sont les alternatives ? Je n’ai pas encore les réponses à ces questions, ça fait des années que je me dis que je dois m’instruire un peu sérieusement sur les politiques sécuritaires mais je remets toujours à plus tard.

      Sinon, ce phénomène est très particulier à Naples, et je dirai même qu’il est circonscrit pour le moment à une certaine zone de Naples, parce que globalement Naples n’est pas si dangereuse que ça. Cette zone qui concentre toute cette violence n’a rien à voir avec la France ou avec quoi que ce soit de similaire en Europe, la Scampia est la banlieue la plus meurtrière d’Europe, habiter là-bas c’est avoir 6 chances sur 10 de mourir assassiné suite à l’implication dans le trafic de drogue. C’est hardcore.


  • sls0 sls0 24 septembre 2019 20:42

    Ca va c’est encore assez calme. Comme ville avec le même nombre d’habitants il y a la capitale chez moi qui correspond. 223 homicides pour 86 à Naples.

    Pas de mafia chez moi mais on trouve facilement des armes.


    • maQiavel maQiavel 24 septembre 2019 21:05

      @sls0
      C’est quelle ville chez vous ? 


    • sls0 sls0 25 septembre 2019 01:51

      @maQiavel
      République dominicaine et la ville Santo Domingo. tout les trois mois j’épluche les chiffres de la police.
      Ils éditent en pdf difficile d’avoir des données brutes.
      Un pays latino avec un âge moyen de 23 ans et des armes facilement trouvables ça explique pas mal de choses.
      On pourrait croire qu’avec le transfert de cocaïne ça expliquerait les homicides, ben non les homicides liés à la drogue ça varie de 3 à 4%. 50 à 60% c’est des disputes et 25 à 30% les flics qui n’aiment pas courir et qui se sont aperçu qu’un balle va plus vite qu’un voleur. Il y a même une case lynchage de temps en temps remplie.
      Une arme comble un manque dans le slip chose assez courante localement, c’est machos.
      On voit plus souvent des cadavres, on s’habitue, les gosses vont voir et les ados prennent des photos pour facebook.


    • Garibaldi2 25 septembre 2019 04:57

      @sls0

      C’est le ’’maréchal’’ Idi Amin Dada qui avait eu cette formule : ’’Personne de court plus vite qu’une balle de revolver’’.


    • sls0 sls0 26 septembre 2019 04:17

      @Garibaldi2
      J’ai toujours trouvé que Dada avait un coté poète, en voilà une preuve supplémentaire.


  • Garibaldi2 25 septembre 2019 04:49

    Ouhhhh le copieur !

    ’’La Camorra ou Bella Società RiformataSocietà dell’UmirtàOnorata Società ou encore mafia napolitaine, est une organisation mafieuse italienne clanique implantée essentiellement à Naples et en Campanie. À la différence des autres organisations mafieuses italiennes, elle se caractérise par ses origines urbaines et son absence de hiérarchie.’’

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Camorra


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