samedi 26 octobre 2013 - par SportBB

Heavy Metal Food : Gilles Lartigot rencontre Shurik’n

Le Heavy Metal Cook et Shurik'n du groupe IAM à Montréal pour parler Alimentation et Musique. Une rencontre inattendue de deux Marseillais en terre québécoise, entre Rap et Métal (3 octobre 2011).

 

 

Gilles Lartigot a créé le Heavy Metal Food, un concept original d’entretiens avec des groupes de Métal au sujet de leur hygiène alimentaire. Le colosse (dont les bras ressemblent à des troncs d’arbres) est un activiste contre la malbouffe. Et il est convaincu que le "système" va s’effondrer :

"Je ne dis pas de tout détruire, je dis que le système actuel va s’effondrer. Ce qui n’est pas exactement la même chose… La table se rasera d’elle-même. Les ficelles craquent de partout. Mais il y a une belle prise de conscience qui s’est mise en place. Des gens éveillés, conscientisés… Je ne dis pas non plus de ne rien faire, bien au contraire ! Il faut s’y préparer et le plus tôt sera le mieux. Arrêter la télévision et commencer à s’informer par d’autres sources. Echanger, communiquer, revenir au contact physique et à la parole ! C’est un bon début. Si tu cherches, tu trouveras des personnes sur ton chemin. Certaines te feront avancer, te tireront vers l’avant, d’autres te suivront…"

 

Parmi toutes ses interviews, il déclare que "la meilleure reste de loin celle avec Devin Townsend… Celle avec Shurik’N également, au sujet de l’importance de l’éducation parentale et des méfaits de la publicité sur les enfants."

 

Voici donc sa meilleure rencontre, avec la traduction :

 

 

Gilles LARTIGOT : Est-ce que tu as de l’intérêt pour la nourriture ?

Devin TOWNSEND : Mon amour pour la nourriture ? Je n’ai pas qu’un simple intérêt pour la nourriture... j’ai une passion dévorante pour la nourriture ! Par contre, je ne passe pas beaucoup de temps à y réfléchir. J’aime beaucoup la viande, même si je n’en mange pas. J’adore ça !

G.L. Ah oui tu ne manges jamais de viande ? Pas même de la viande biologique parfois ?

D.T. : Non pas vraiment... Quelques fois dans le passé, durant ces vingt dernières années, il y a eu des moments où j’étais très en colère vis-à-vis de moi-même pour certaines raisons. Dans ces moments-là, ma nature autodestructrice fait en sorte que j’ai une forte envie d’en manger ! Presque au point où lorsque j’en mange, je ressens de la culpabilité. Il y a toujours une part de moi, si j’en fais une auto-analyse, qui va comme suit : je crois que j’essaie de me nourrir de cette culpabilité au lieu de m’apitoyer sur moi-même. Manger de la viande, fait partie de ça. Alors, est-ce que je mange souvent de la viande ? Essentiellement, jamais ! Mais dans le passé, durant ces vingt dernières années, il y a eu des circonstances qui ont faites que j’en ai mangé. Je pense que pour moi, les raisons pour lesquelles je suis végétarien... c’est que je crois que la nature spirituelle des hommes est d’être connectée avec toutes choses. Et je crois que les vaches sont géniales ! (rires) Quand j’étais gamin, mon grand-père avait une vache et c’était mon animal de compagnie. Et je l’aimais cette vache ! J’étais en connexion avec elle !

G.L. : Moi aussi, j’aime les vaches.

D.T. : Super ! Mon anniversaire c’est le 5 mai, alors je suis comme elle, je suis une vache (ndlr : signe astrologique du Taureau). Un jour la vache a disparu. On m’a dit « Non, non... la vache est seulement partie chez des amis... » et ce soir-là, nous avons mangé un steak ! C’est là que j’ai réalisé que j’avais mangé ma chair ! Mais le problème, ce qui était incroyable... c’est que c’était bon, ça avait bon goût ! Donc j’ai cette drôle d’émotion face à cette situation, pris entre le goût que j’aime et ce que ça provoque dans mon esprit. Ça me rend plus agressif quand je mange de la viande. Comprends-tu ?

G.L. : Oui.

D.T. : Mais il y a aussi cet élément que l’on doit prendre en compte « ce n’est pas parce que tu aimes ça, qu’il faut le faire ». Je crois que cet élément de mon mode alimentaire affecte directement ma musique. Finalement, tout ce que je fais est affecté par ce sentiment : « Ce n’est pas parce qu’on aime ça que cela implique que l’on doive le faire ! ». La différence entre les hommes et les animaux, c’est la possibilité de faire ce choix. Ce n’est pas parce que tu aimes prendre des tonnes de drogues ou d’alcools que c’est bon pour toi... Ce n’est sûrement pas la meilleure des choses à faire pour ta musique, pour ta famille, pour ton esprit... Non. En tout cas, pas pour moi.

 

 

« Si tu manges de la pizza au fromage pendant une semaine, tu deviens, en tant qu’entité spirituelle, une pizza au fromage. Donc actuellement, mon ami, tu parles à une pizza au fromage ! (rires) »


Gilles LARTIGOT : J’ai lu un certain nombre d’interviews de toi et tu ne parles jamais de ton végétarisme, de l’importance que tu accordes à la nourriture. Es-tu activiste ?


Devin TOWNSEND : Non, non ! En fait, je suis l’opposé d’un activiste, je crois. Je trouve que les gens qui militent à propos de choses comme celles-ci courent le risque de passer pour des prêcheurs et je n’ai aucun intérêt pour la religion... Aucun ! Je crois que la religion peut être très cruelle. Mon plus grand problème en tant que végétarien, habituellement, ce sont les autres végétariens. Tu sais, la vie n’est facile pour personne. Les gens font ce qu’ils peuvent pour passer à travers. Quand quelqu’un essaie activement de convaincre d’autres personnes en leur disant que ce qu’elles font de leurs vies respectives n’est pas aussi pertinent que ce qu’ils font eux de la leur, pour moi, c’est très similaire à la religion : « Parce que tu n’es pas comme moi, tu as tort ! ». En ce qui me concerne, mais je suis peut-être dans le tort, il est trop risqué de défier directement les gens à propos de leur croyance. La société étant ce qu’elle est, une confrontation directe pousserait le monde à une réaction défensive. Je crois que ce que je fais avec ma musique, avec mon humour et toutes les autres choses, est une manière de désarmer car, quand les gens aiment ce que tu fais, ils sont beaucoup plus ouverts à écouter les raisons pour lesquelles tu fais ces choses-là. Pour ma part, je crois qu’il y a toujours un risque à être provocateur dans le seul but de vouloir provoquer car, après, automatiquement, le monde te tourne le dos ! Il y a des gens qui me demandent pourquoi je ne parle pas de mon végétarisme. Je leur réponds que ceux qui s’intéressent à ce que je fais et pourquoi je le fais, sauront que je suis végétarien et que, pour moi, être végétarien a une grande influence dans tout ce que je fais. A chaque fois que j’ai l’occasion de dire à quelqu’un que je ne mange pas de viande, que je ne me drogue pas ou que je ne bois pas d’alcool... à chaque fois, je leur dis la même chose : tes choix t’appartiennent. Ce sont tes propres choix. Voici les raisons du pourquoi je suis comme je suis et en voici le résultat. Alors, si ça t’intéresse, voici les étapes que j’ai suivies pour y arriver. Par contre, par rapport à ma situation, jamais je ne voudrais imposer quoi que ce soit, à qui que ce soit ! Certaines personnes se présentent parfois comme des martyrs ou bien des pseudos représentants religieux... ou encore pour le parfait être humain. Mais c’est toujours une question de temps avant qu’on ne les prenne en défaut. Un jour, quelqu’un peut tomber sur une vidéo YouTube montrant la personne en question se branler dans les toilettes ou quelque chose du même genre. Nous sommes tous humains ! Nous sommes tous de simples créatures !


Gilles LARTIGOT : Tu m’as donné une belle leçon car j’ai moi-même tendance à être un peu trop activiste.


Devin TOWNSEND : Mais c’est bien !


Gilles LARTIGOT : Avec mes recettes, mes conseils sur la nourriture simple, mes avertissements contre la nourriture industrielle et les fast-foods... Je veux juste être un exemple...
...


Devin TOWNSEND : Je te suis à 100%. Tu l’es. Je peux te le dire. Je peux le voir dans tes yeux. En fait, tu soulignes mon point de vue. C’est à chacun d’entre nous de faire ses propre choix. Ce que j’essaie de dire avec ma musique, dans ma vie et dans toutes mes actions, c’est que je ne détiens pas de réponse ! En fait, j’ai l’impression que plus j’apprends, moins je deviens intelligent. Mais c’est ce que je représente ! Les choix que je fais sont entièrement liés à mon propre niveau d’expériences personnelles en tant qu’être humain. Je crois que la connexion spirituelle que nous avons envers la nourriture est directement liée à notre propre développement émotionnel... Quand je vais chez mes parents, ils me proposent de la dinde et du steak ! Et je leur dis : « Non merci, je suis végétarien ». Ils me répondent : « Ha, oui, c’est vrai ». Ils ont tendance à l’oublier à chaque fois (rires) ! Il y a mon beau-frère qui me nargue toujours avec ça. Il est même prêt à ? manger plus de viande en ma présence juste pour me mettre à l’épreuve ! Moi, je lui dis : « Hey, je n’ai pas de problème avec ça, je vais même couper cette viande pour toi ! » Tu comprends ? Je veux juste qu’il soit heureux avec ça. Mais moi, ce n’est pas ça qui me rend heureux. Et ça n’a ? rien à voir avec le fait que j’aie raison ou tort ! Que j’aie raison ou que j’ai tort, que ce soit spirituellement, à long terme, ou que je compense un traumatisme venant de mon enfance… Peu importe la raison : ce qui a le plus de sens pour moi spirituellement et émotionnellement, c’est de ne pas manger de viande ! Est-ce que ? j’ai raison ? Est-ce que j’ai tort ? Qui sait ?… Certainement pas moi en tout cas.

 

Entrevue réalisée le 14 Décembre 2011

Aux foufounes Electriques – Montréal (QC)



7 réactions


  • la mouche du coche 26 octobre 2013 16:11

    Mon Dieu. Les rappeurs à casquette à l’envers viennent donner des cours de morale et de philosophie. Et il y a des gens pour les écouter. L’idiocracy est en marche.


  • juluch juluch 26 octobre 2013 19:17

    Salut à Toi Shurik’n......


    Effectivement c’est un bon combattant, je confirme vu que l’on a fait le même art martial sino- vietnamien aux mêmes endroits.

    Il est d’une souplesse extraordinaire et d’un bon esprit........

  • LadyFel 27 octobre 2013 16:24

    Si il y a bien une inquiétude à voyager voire à émigrer en Amérique du Nord, c’est la bouffe .


    C’est pas au Canada que des agriculteurs-céréaliers ont vu leurs champs pollués par des OGM, leurs semences ont été contaminées et c’est eux qui ont été condamnés à indemniser Monsanto ou son double...pour usage de semences OGM pirates ?
    Le Canada, c’est quand même la première des colonies étasuniennes, Monsanto et cie y sont en terrain conquis.

  • O Scugnizzo O Scugnizzo 27 octobre 2013 21:02

    Intéressant d’avoir le point de vue d’artistes sur la question, merci du partage. On sent l’apport en terme de connexion spirituelle et d’impact sur la créativité. Je crois qu’il est vraiment temps de prendre ses distances avec la religion de la science, qui n’est simplement pas capable d’aborder ces aspects, en ce qu’elle s’entête à analyser des "faits", des relations de cause à effet. L’homme est oublié, sa créativité, son énergie, son bien-être et sa production de sens en tant qu’individu participant à un collectif n’existe même pas. On arrive à un résultat où on attend de savoir si les scientifiques nous disent que c’est bien ou c’est pas bien de manger de la viande en terme sanitaire, en laissant de côté toute la subjectivité constitutive de notre espèce. En voulant créer l’homme rationnel parfait, l’homme nouveau qui oriente ses choix de manière optimale, scientifique, on crée en fait une masse d’enfants qui attendent qu’une petite élite expliquent ce qui est bien et ce qui est pas bien, sans compter que cette petite élite est sucrée par des lobbies multiples. Je trouve que d’en parler sans recourir à la science comme argument d’autorité suprême est vraiment constructif.


  • pitadam pitadam 6 janvier 2015 12:15

    Moi aussi je suis du signe du taureau smiley


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