samedi 20 juin 2020 - par Jean-Pascal SCHAEFER

Fact-checking = nain de jardin de l’investigation ? + Propositions une démocratie plus adulte

Au programme de cette vidéo, médias, fact-checking complotisme et disparition de l'investigation. Puis une séquence sur la démocratie : face à l'échec de la démocratie représentative, faut-il aller vers le tirage au sort ou une démocratie participative ?

Cette vidéo comprend le second volet de notre entretien récent avec Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS. Laurent Mucchielli y aborde différents sujets sur lesquels il a eu l'occasion de travailler, en émettant des propositions particulièrement constructives.

Laurent Mucchielli est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels nous vous recommandons :

  • La France telle qu'elle est : Pour en finir avec la complainte nationaliste, Fayard -
  • Sociologie de la délinquance, Armand Colin
  • Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance, Armand Colin


3 réactions


  • beo111 beo111 20 juin 2020 22:36

    Sympa de parler d’Agoravox dans l’entretien smiley

    Globalement d’accord avec l’intervenant que la démocratie doit aller du bas vers le haut, et non l’inverse. Par contre je suis plus réservé sur le concept avancé de quota.

    Les quotas de femmes par exemple, je trouve pas que c’était une bonne idée. Le problème, c’est que ça a pu être greffé sur une anomalie déjà existante dans système électoral, à savoir les scrutins de liste.

    Je dis que c’est une anomalie, car cela me parait en contradiction avec l’article 21.3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, selon lequel le vote est libre.

    Or, quand il y a un scrutin de liste, le vote est lié : si on veut voter pour untel, alors il faut obligatoirement voter pour les autres personnes de la liste, alors que ce n’était pas forcément notre idée.

    D’ailleurs, alors que la loi électorale devrait être la même partout, eh ben on voit que c’est pas vrai. Dans les municipales dans les petits villages on a le droit de de barrer des noms sur la liste, mais pas dans les villes. Tout cela se fait à partir d’un certain seuil de nombre d’inscrits sur les listes électorales, complètement arbitraire.

    L’arbitraire, c’est ce que je reproche aux quotas. Homme, femmes, bon. Quartiers, comme le propose Laurent Mucchielli. Et pourquoi pas demain couleur de peau, religion, et que sais-je encore. On sait où ça commence, mais où est-ce que ça finit ? Et les critères sont très, très arbitraires.

    Alors évidemment le scientifique n’aime pas trop le tirage au sort en politique, car évidemment si c’est n’importe qui qui décide, eh bien n’importe qui va peut-être décider n’importe quoi. Ça se tient.

    Mais si c’est l’électeur qui est tiré au sort, l’objection ne tient plus, car n’importe qui a déjà le droit de désigner son représentant politique. N’importe qui en France, si con soit-il, est légitime pour désigner son représentant politique.

    D’ailleurs c’est l’élection de masse qui impose structurellement l’approche top-down. Seule l’élection à taille humaine... est humaine.


    • Jean-Pascal SCHAEFER Jean-Pascal SCHAEFER 21 juin 2020 15:56

      @beo111
      Eh oui, c’est bien Agoravox ! smiley

      Sur la question des quotas, la problématique est la suivante : comment parvenir à améliorer la démocratie ?

      Je suis en phase avec vos arguments. J’ajouterais même que revendiquer la mise en place des quotas auprès du gouvernement, cela consiste pour les citoyens à admettre leur position de faiblesse, et de demander humblement, à la manière d’un enfant, un droit qui devrait lui revenir.
      L’argument qui tient, c’est malheureusement celui du pragmatisme. Cela peut faire avancer les choses tout de même. En cela, la mise en place des quotas apparaît pour l’instant plus faisable que celle du tirage au sort.

      Sur le tirage au sort, la difficulté est celle de la marche à franchir. Pour l’instant, à l’exception d’Etienne Chouard, on n’entend quasiment aucune voix franchement audible réclamer sa mise en place. Une recherche sur YouTube à ce sujet est proprement désespérante. Là où on a du mal à trouver une vidéo sur le tirage au sort qui fasse plus de 10 mille vues, un morceau du rappeur Kaaris (Tchoin) dépasse les 100 million de vues.
      Je résume, mais mon premier constat, certes malheureux, est que la population ne s’intéresse pas au sujet.

      Ensuite, une fois ce constat fait, on a deux possibilités.
      Un, convaincre quelqu’un qui fait de l’audience de devenir un porte-parole récurrent de ce sujet, y compris un rappeur, même si sa cible de clientèle ne correspond pas à l’électeur moyen.
      Deux, trouver une sorte de Lénine, une personnalité qui a compris que pour changer la société, ce n’est pas la majorité qui compte, mais plutôt de s’appuyer sur une minorité agissante, bien organisée. Et là, on se heurte à une sorte de paradoxe. En effet, Lénine voulait le pouvoir, avec force, conviction et avidité. Quel qu’en soit d’ailleurs le prix humain. En revanche, les tenants du tirage au sort sont plutôt des personnes qui n’ont aucune intention de devenir des leaders autoritaires. Bien au contraire, elles veulent que le pouvoir soit exercé par d’autres qu’eux-mêmes.
      Les ateliers constituants que proposent Chouard sont intéressants, mais je vois difficilement comment ils pourraient en arriver à changer les choses à l’échelle de notre Etat.

      En résumé :

      1. Aujourd’hui, les citoyens ne s’y intéressent pas, et quand on leur en parle, cela ne les intéresse pas. 
      2. Le paradoxe du tirage au sort fait que personne n’est pour l’instant en mesure de théoriser et encore moins de concrétiser la transition d’un système de type représentatif (ploutocratique pour être clair) vers un système de tirage au sort.
      Bref, voici un sujet qu’il va s’agir d’explorer dans le cadre de la chaîne, en espérant qu’elle aussi monte en popularité !

    • beo111 beo111 21 juin 2020 16:47

      @Jean-Pascal SCHAEFER

      Bien d’accord avec votre analyse.

      Encore que l’on puisse sans doute agencer les deux pistes que vous suggérez pour n’en faire qu’une seule, l’union fait la force, même pour le concept.

      Je m’explique.

      On peut imaginer une pétition du type "Si un million de personnes signent cette pétition, alors moi aussi je voterai aux législatives pour le candidat qui aura été désigné par un tiré au sort". Ça parait un peu compliqué, conceptuel, mais si le terrain et donc le premier signataire est une personnalité connue et estimée des Français, cela peut marcher je pense.

      Étant donné que ça c’est la partie visible, médiatique. Mais pour que ça marche il faut qu’il y ait une minorité agissante, bien organisée, qui agisse en sous-terrain pour demander aux tirés au sort qui ils voudraient comme représentants politiques. Après il faut prendre contact avec chaque heureux (?) élu, et l’ encourager à se présenter aux élections, peu importe le parti qui pourra le soutenir localement.

      Bref, tout cela pourra paraître quelque peu capillotracté, mais c’est la seule solution me semble-t-il pour faire avancer le schmilblick.

      Sachant qu’une condition préalable est un intérêt même minimum du public sur ces affaires de représentation politique, là on est loin du compte.

      À mon avis il faut commencer par faire prendre conscience au public de la nocivité des élections de masse. Je pense organiser un de ces jours un concours de critique de l’élection de masse, supervisé par un prestigieux jury !


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