Comment les sondeurs (et le pouvoir) veulent continuer à manipuler
Le 17 février dernier, l’émission "C dans l’air" organisait un débat sur la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’unanimité le 14 février dernier. Celle-ci obligerait la presse à plus de transparence concernant la fabrication des sondages qu’elle diffuse, notamment en publiant toutes les questions posées aux échantillons, ou en précisant l’acheteur. Le face-à-face entre Dominique Reynié, professeur de science politique à Sciences Pô Paris, et le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la proposition de loi, révèle une stratégie argumentative tout en sophismes de la part du politologue.
L’argument de Dominique Reynié consiste donc à dire qu’il faudrait laisser le citoyen exercer son esprit critique sur les sondages... en l’empêchant d’en connaître les méthodes de fabrication, et en l’empêchant de disposer des moyens de contre-argumenter face au monopole de l’analyse dont dispose la presse ! Mais il est vrai qu’il est difficile de se défendre autrement qu’avec des sophismes face au bon sens de Jean-Pierre Sueur.
Rappelons qu’après son adoption par le Sénat, la proposition de loi doit encore être adoptée par l’Assemblée Nationale pour être entérinée. Problème : le gouvernement, friand de sondages et de leur pouvoir de manipulation quand la transparence n’est pas obligatoire, refuse de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée ! Il est vrai qu’il serait dommage de se priver d’une arme majeure de propagande à l’approche des échéances cruciales que l’on sait. Encore une démonstration de l’absurdité de notre Vème République, où le corps souverain (celui qui définit la loi du pays) n’est même pas autorisé à définir son propre ordre du jour !
Dans une interview réalisée en 2007 au moment de la sortie de son livre "L’Ivresse des Sondages" (éditions La Découverte), Alain Garrigou expliquait très bien comment les sondages fabriquent l’opinion publique bien plus qu’ils ne la mesurent.
C’est aussi l’occasion de rappeler un excellent sketch des Guignols sur l’arnaque des "fabricants de sondages".