Ukraine : la riposte de Poutine contre les sanctions de l’UE
« "Tous les produits agroalimentaires qui sont produits aux Etats-Unis et livrés en Russie seront interdits. Les fruits et légumes en provenance de l'Union européenne seront frappés par cet embargo total", a annoncé Alexeï Aleksinko, le porte-parole de l'agence de sécurité sanitaire. » (francetvinfo.fr Ukraine : la Russie va boycotter les légumes européens)
Dans cet énième épisode de la crise ukrainienne, Vladimir Poutine répond aux sanctions économiques visant la Russie... par des sanctions économiques visant l'UE et les USA.
« En outre, la Russie menace d’interdire le survol de son territoire entre l’Europe et l’Asie aux compagnies aériennes occidentales. Elle réfléchit également à empêcher les compagnies aériennes ukrainiennes d’opérer dans son espace aérien. » (francetvinfo.fr, 7 août 2014, Ukraine : la Russie décrète un embargo sur les produits alimentaires occidentaux)
« Le gouvernement et l’agence russes en charge des produits agricoles ont dit qu’ils établiraient la liste des produits concernés dans les plus brefs délais.
Sont d’ores et déjà concernées les volailles importées des Etats-Unis. Les fruits et légumes de l’Union européenne devraient être les prochaines victimes de cet embargo.
Ces importations européennes s‘élèvent à 2 milliards d’euros par an. » (euronews, 7 août 2014)
La riposte de Vladimir Poutine fait suite aux sanctions contre Moscou, décidées par l’Union Européenne fin juillet 2014.
« Après des semaines de tergiversations, l’Union Européenne s’est finalement mise d’accord sur des nouvelles sanctions contre Moscou. Cette fois-ci, elles visent des secteurs clé de l‘économie russe.
Premières visées, les banques russes où l’Etat detient plus de 51% du capital. Elles ne pourront plus venir se financer sur les marchés de capitaux européens.
L’UE vise aussi le secteur de la défense en imposant un embargo sur les exportations d’armement ainsi que sur les biens a double usage militaire et civil.
L’UE interdit aussi l’exportation des technologies sensibles. A ce stade, cela ne concerne que le secteur pétrolier, et notamment les équipements pour la prospection et la perforation.
Pour l’instant, les sanctions ne touchent pas le gaz russe et pour cause : l’UE reste tres dépendante de lui.
Ces mesures punitives auront un impact négatif sur l‘économie russe selon l’analyste Henning Riecke, de la Société allemande des affaires étrangères.
“ La Russie a besoin des technologies de l’ouest pour se moderniser, estime-t-il. C’est le cas pour l’industrie de l’armement mais c’est vrai aussi pour d’autres secteurs, en particulier celui de l‘énergie. Il y a aussi des discussions pour refuser des technologies de forage en mer profonde en provenance de Russie. Si cette coopération cesse, ca aura des conséquences sur l‘économie russe qui ne seront pas compensées facilement.”
L‘économie russe, qui pese 1 500 milliards d’euros, stagne. Selon le FMI, le PIB en 2014 ne progressera que de 0,2% et la fuite de capitaux sur les 6 premiers mois de l’année s‘élève déjà à 52 milliards d’euros.
Mais l’EU risque aussi de connaître un effet boomerang avec ces sanctions : cela pourrait lui coûter 0,3 % de son PIB cette année et 0,4 % en 2015 selon le site “EU Observer”. L‘économie allemande est déjà en difficulté dans ses échanges avec la Russie, selon Gernot Erler, député social-democrate. “Depuis le début de l’année, le volume des échanges entre l’Allemagne et la Russie a diminué de 17 %. Les analystes prévoient une diminution des richesses de 4 à 6 milliards d’euros. C’est un chiffre impressionnant.”
En 2013, selon la Commission européenne, le montant des exportations de l’UE vers la Russie s’est élevé à 207 milliards d’euros pour 120 milliards d’euros d’importation. » (euronews, 31 juillet 2014)
A ce jeu-là, les producteurs de fruits et légumes européens ne vont pas être les seuls à souffrir...
Pour Zbigniew Brzezinski (dans un discours récent au congrès américain), la situation ukrainienne peut évoluer vers une de ces 3 options qui s’offrent à la Russie :
1 - La Russie fait un compromis avec l’Ukraine :
« la Russie laisse l’Ukraine adhérer à l’UE et renonce aux projets d’intégration de ce pays dans des organisations dont elle-même est membre. "Il faut à la fois expliquer que l’Ukraine n’aspire pas à adhérer à l’Otan, et l’Occident n’étudie pas son adhésion à l’Alliance", écrit Brzezinski sans préciser ce que cette "explication" implique : des garanties juridiques ou simplement des déclarations verbales. Rappelons qu’il y a seulement quelques années Brzezinski prônait l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. "Que la Russie essaie de l’empêcher !", avait-il lancé dans une interview accordée à une chaîne russe en 2005 concernant la réaction de la Russie aux perspectives d’intégration euro-atlantique de son voisin. » (RIA Novosti, 11 juillet 2014, Brzezinski : Trois voies pour la Russie en Ukraine)
2 - Poursuite de la politique actuelle :
« La deuxième option qui s’offre à elle est la poursuite de sa politique actuelle ce qui, selon Brzezinski, conduira à l’affaiblissement des deux pays - Russie et Ukraine. » (RIA Novosti, 11 juillet 2014, Brzezinski : Trois voies pour la Russie en Ukraine)
3 - L’intervention en Ukraine :
« La troisième solution est l’intervention en Ukraine. Dans ce cas, Brzezinski promet à la Russie un isolement international et des problèmes intérieurs. » (RIA Novosti, 11 juillet 2014, Brzezinski : Trois voies pour la Russie en Ukraine)
Est-ce qu’une option de sortie de crise est encore envisageable ?
Du côté atlantiste, avec son habituel interventionnisme musclé, la pression militaire, économique et sociale constante sur des pays "non alignés" (encerclement via des bases militaires, des systèmes anti-missiles, l’instigation de révolutions colorées, l’armement d’éléments destabilisateurs, embargos, etc) et cet agenda visant à instaurer leur "Nouvel Ordre Mondial", on se doute que "l’option va-t-en-guerre" est au programme...
Quelle que soit la stratégie des deux camps (qui in fine servent peut-être les mêmes intérêts...), nous n’avons rien à gagner dans cette course vers un affrontement direct, qui finira par devenir inéluctable.