Turquie : Erdogan/Gülen, la guerre ouverte entre anciens alliés
Les élections municipales turques ont lieu dans quelques jours ; la campagne électorale a été dominée par les affaires de corruptions, et la guerre ouverte entre le gouvernement à un imam de 73 ans qui a longtempe été son allié, Fetullah Gülen qui s’est exilé au Etats Unis depuis 1999.
Entretien avec la sociologue Dilek Yankaya, docteure associée au CERI Sciences-Po, spécialiste de la Turquie contemporaine, dernier ouvrage paru : La Nouvelle Bourgeoisie islamique : le modèle turc, Paris, PUF, 2013.
Comment évolue aujourd’hui la bourgeoisie islamique à l’aune du conflit qui oppose le Parti pour la justice et le développement (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et les partisans de la « confrérie » de Fethullah Gülen ?
La nouvelle bourgeoisie islamique a commencé à intégrer les structures économiques et sociales de Turquie durant la seconde moitié des années 1990 et s’est installée au pouvoir en 2002 à l’occasion de la première victoire de l’AKP. Si les divers groupes conservateurs-islamiques sont restés fortement soudés face à la menace commune (incarnée par l’establishment traditionnel rassemblant l’armée et la bourgeoisie des métropoles), nous assistons aujourd’hui à l’apparition de fissures au sein de cette bourgeoisie.
Durant son premier mandat (2002-2007), l’AKP a pu s’imposer comme une force unificatrice porteuse de changements radicaux (projet d’adhésion à l’Union européenne, gouvernance performante, politique étrangère basée sur la formule du « zéro problème avec les voisins », démocratie sans tutelle militaire, etc.). Or, son troisième mandat, inauguré en 2011, a donné lieu à un véritable tournant autoritaire doublé d’une ultra personnalisation du pouvoir. Les événements du parc Gezi à Istanbul (mai 2013) ont montré qu’en excluant les groupes qui n’adhéraient pas à son projet de société islamique et néolibérale, le gouvernement a oublié une des base de la démocratie qu’est le compromis. Lire la suite