Pourquoi l’économie française croît-elle si lentement dans une Union européenne divisée ?
Jacques Sapir, directeur du Centre de recherche sur les modèles d'industrialisation (CEMI-EHESS), France, membre étranger de l'Académie des sciences de Russie, professeur.
Le discours a eu lieu dans le cadre de la session LXIV du séminaire russo-français sur les problèmes monétaires et financiers des Russes modernes, qui s'est tenue du 1 au 3 juillet 2024. En savoir plus : https://ecfor.ru/nauchnaya-zhizn/seminary-i-konferentsii/rossijsko-frantsuzskij-seminar-ekonomika/lxvii-sessiya/
Le séminaire russo-français sur les problèmes monétaires et financiers de l'économie de transition en Russie a été fondé en 1991 par le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (Centre d'Études des Modes d'Industrialisation, Paris, France) et l'Institut de Prévision Économique de l'Académie des Sciences de Russie (Russie, Moscou).
Nous publions des présentations afin de diffuser les connaissances scientifiques.
00:00:00 La France et l'Allemagne sont les deux pays en retard par rapport au reste de l'UE
00:13:00 France : faible croissance du PIB malgré un soutien budgétaire important
00:27:14 La France, en voie de désindustrialisation et majoritairement pauvre : y a-t-il des raisons au « marasme français » ?
00:37:50 Conclusions
Discussion
00:42:45 Pourquoi la production industrielle française est-elle plus faible aujourd'hui qu'en 2007 ?
00:47:06 Comment les facteurs d'économie politique y ont-ils contribué ?
00:57:56 Orateur : A.A. Shirov
01:04:00 Réponse de Jacques Sapir
01:14:10 Commentaire de B.N. Porfiriev - un parallèle avec les années 90 en Russie.
L'économie française peut être considérée comme l'un des « canards boiteux » de l'Union européenne, avec l'Allemagne (et ses satellites) et l'Italie, avec un taux de chômage élevé (plus de 7,0 %), qui se combine localement avec une pénurie de main-d'œuvre (soit peu qualifiée, comme dans la restauration, soit plus qualifiée, comme dans l'industrie).
Le rôle des salaires comme mécanisme de répartition de la main-d'œuvre est largement perturbé par divers facteurs (pression concurrentielle de l'étranger, faible écart entre le salaire minimum et les prestations sociales pour les chômeurs).
La baisse puis surtout la stagnation de la productivité du travail constituent également un problème sérieux, tant pour la compétitivité industrielle que pour le financement de certaines prestations sociales. À cela s'ajoute l'affaiblissement du rôle des salaires dans la gestion du marché du travail.
Néanmoins, l'économie française se caractérise par une croissance continue, mais à un faible niveau, malgré un déficit budgétaire élevé. Les mécanismes de redressement budgétaire ne fonctionnent plus. Par conséquent, la marge de manœuvre des gouvernements tend à se réduire, tandis que les pressions exercées par le déficit commercial et le déficit budgétaire restent importantes.
Dans ce contexte, il ne faut donc pas se faire d'illusions sur la survie de certains segments de l'industrie, comme l'aéronautique ou le nucléaire. Le secteur industriel continue de se contracter malgré les tentatives officielles de le revitaliser.
Il est clair que l'économie française est à la veille d'une crise grave qui remettra en cause les structures et les institutions et qui se traduira soit par une contraction rapide de l'industrie jusqu'à un noyau « Bonzai » dans une logique de fortes contraintes (internes et externes) sur la population, soit par un changement de logique qui modifie les relations entre le capital et le travail et permette aux mécanismes qui assuraient la régulation générale de l'économie de reprendre le dessus.