Financer l’avenir sans creuser la dette
Depuis le lancement du Pacte écologique en 2006, la Fondation pour la Nature et l’Homme développe une activité de "think tank" qui se manifeste par l’élaboration de propositions pour initier la métamorphose de notre société et par leur portage dans le débat public. En juin 2009, la Fondation a lancé son nouveau positionnement « Evolution : Chapitre 2 ».
Un mécanisme innovant de financement du long terme qui repose sur la création monétaire
L’humanité se trouve à un moment clef de son histoire : celui de la transition, de la bifurcation vers une société qui, loin de se focaliser principalement sur l’opulence matérielle, tendrait à la recherche de l’épanouissement humain dans les limites écologiques. Pour cela, la construction d’un autre modèle macro-économique est nécessaire. La Fondation pour la Nature et l’Homme propose au débat un des aspects de la transition : les modalités de financement d’un plan d’investissements dans la transition.
Afin de redonner aux États les moyens d’investir dans le sens de l’intérêt général, la Fondation propose d’adopter des méthodes non conventionnelles semblables à celles utilisées pour sauver les acteurs du système financier. En pratique, il s’agit de redonner aux États la possibilité de faire ce que font les banques privés : emprunter à taux nul ou très faible à la banque centrale.
Un outil de financement contrôlé démocratiquement et réservé aux investissements de transition
Le choix des investissements devra faire rapidement l’objet d’un processus de concertation nationale et régionale massif afin de mobiliser et de faire adhérer les citoyens et les acteurs sur des projets qui font sens. Enfin, l’ensemble du dispositif devra être géré dans la plus grande transparence, par une agence publique d’investissement, seule habilitée à recevoir les financements du type proposé.
En savoir plus : Téléchargez la proposition
La transition écologique et sociale de nos sociétés nécessite des investissements aujourd’hui non financés, que ce soit par le secteur privé dominé par le court terme ou par le secteur public, privé de moyens. La Fondation propose de recourir à une troisième source de financement pour que les États soient en mesure d’investir dans l’avenir : l’emprunt à la banque centrale. À l’occasion de ce séminaire de réflexion et de travail, la Fondation souhaite proposer à une dizaine d’experts d’échanger et de débattre de sa proposition « Financer l’avenir sans creuser la dette » :
La Fondation pour la nature et l’homme veut « décongeler » le débat sur la monnaie
L’ex-fondation Nicolas Hulot propose un ensemble de propositions économiques pour inventer un nouvel outil de financement afin de transformer la société. Prenant le contre-pied de l’orthodoxie ambiante sur la réduction de la dette et la lutte contre les déficits, elle propose un plan massif d’investissement de 600 milliards d’euros.
Un an avant la présidentielle, alors que la classe politique est obnubilée par l’affaire DSK et les panneaux de signalisation des radars, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) a choisit un bien étrange moment pour prendre la parole. L’ex-think tank de Nicolas Hulot, dont il a été contraint de s’éloigner pour cause de potentielle candidature à la présidentielle, a rendu public jeudi un ensemble de propositions économiques visant à « décongeler » le débat sur la monnaie, préparer l’avenir alors que les caisses sont vides, bref, inventer un nouvel outil de financement de transformation de la société.
Les économistes de la Fondation, qui avaient déjà participé au Pacte écologique, proposé sans succès la taxe carbone et poussé les projets d’efficacité énergétique dans le cadre des débats du Grenelle de l’environnement ont décidé de prendre le contre-pied de l’orthodoxie ambiante sur la réduction de la dette, la lutte contre les déficits, en proposant un plan massif d’investissement de 600 milliards d’euros. Officiellement ils n’ont plus aucun lien avec Nicolas Hulot, mais leurs propositions sont le fruit de longs mois de discussions au sein de la fondation qu’il dirigeait il y a peu. Intitulé avec humour « financer l’avenir sans creuser la dette », ce document sera certainement regardé comme un ovni, contesté par ceux qui se demanderont ce qui se passerait si chaque pays faisait le même choix, mais il a la mérite de poser des questions de bon sens sur les conséquences à long terme des politiques de rigueur.
Une méthode « non conventionnelle » de création de moyens.
Rappelant que au plus fort de la crise, les gouvernements ont été capables d’adopter des solutions inédites pour sauver les banques et le système financier, les experts se demandent pourquoi ce vent de non conformisme a été abandonné pour la gestion de la dette publique. Leur but est simple : redonner aux États la possibilité de faire ce que les banques privées pratiquent, soit emprunter à taux nul ou très faible à la banque centrale. Et permettre à la France d’emprunter 600 milliards d’euros d’ici à dix ans, soit 3% du produit intérieur brut par an. Des moyens qui seraient utilisés exclusivement par une agence publique d’investissement.
« C’est en ce moment que se décident à Bruxelles les politiques de contrôle des déficits publics et de stabilisation financière. Nous voulons faire entendre une autre musique car après il sera trop tard », martèle Alain Grandjean. L’économiste rappelle que la Banque centrale européenne depuis le printemps 2010 a racheté aux banques des dizaines de milliards de titres gouvernementaux de pays en difficulté. L’idée serait de permettre à la BCE et aux banques centrales de racheter des titres d’Etat, de sortir les investissements effectués dans ce cadre du calcul du déficit en les traitant comme des immobilisations.
600 milliards pour quoi faire ?
Objectif :qu’une enveloppe globale de 600 milliards d’euros soit débloquée au cours des 10 prochaines années pour investir dans la transformation de l’économie afin de la rendre plus économe en ressources naturelles, substituer des technologies propres aux techniques conventionnelles et investir dans la préservation et la restauration des écosystèmes. Derrière ces grands mots, des idées simples : lancer un grand programme de construction de logements neufs, orienté en priorité dans le logement social en ville afin de ne pas consommer davantage d’espaces ; rendre effective les politiques d’efficacité énergétique dans le bâtiment ancien, réformer le modèle agricole, développer le fret ferroviaire, lancer un programme de grands travaux écologiques. Mais aussi former les chômeurs aux métiers liés à ces nouvelles activités.
Logement
Le Grenelle de l’environnement avait préconisé d’engager la rénovation énergétique de 100.000 logements sociaux les plus énergivores avant fin 2010, puis d’en ajouter 70.000 par an jusqu’en 2020 par le biais de prêts bonifiés à 1,9%. Le rapport préconise de passer à la vitesse supérieure et de fixer un objectif de 140.000 par an sur 5 ans, avec des prêts à 0% assurés par un fonds de 2 milliards d’euros. Le tout en mettant aussi en place des mécanismes de garantie de bonne fin des travaux afin d’être certain que les ménages verront bien leurs charges locatives baisser à l’issue des travaux.
Agriculture
En ces temps de sécheresse et d’explosion des prix agricoles, l’idée de voire l’Etat réinvestir dans le domaine agricole « afin de la rendre agro-écologiquement intensive » peut être intéressant. Cette transformation du modèle agricole vise à créer des emplois, substituer des productions locales aux importations, développer des productions de qualité, soutenir la demande de proximité. Concrètement, cela signifie substituer aux 33 millions d’euros consacrés à la conversion en agriculture biologique une enveloppe de 1 milliard d’euros d’ici à 2015. Mais aussi soutenir les réseaux de transformation et de distribution locaux (ateliers de transformation et de distribution locaux, mettre en place un plan de développement des cultures de protéagineux (poix féveroles lupin) qui réduirait les importations de tourteaux et d’engrais. Une subvention de 150 euros par hectare en plus des aides de la PAC est évoquée.
Grands travaux écologiques et développement massif du fret ferroviaire
Les grandes profession de foi sur la défense de l’environnement, la protection de la biodiversité, la lutte contre la pollution peuvent aussi servir à créer des emplois locaux et non délocalisables, développer une expertise française dans les métiers du génie écologique, et rendre des services économiques aujourd’hui peu connus. Pour cela il est proposé un fonds pour les investissements écologiques avec une mise initiale de 500 millions d’euros, le lancement de grands travaux écologiques sur 5 ans, et un plan de rénovation lourd du réseau de fret ferroviaire. Il s’agit de restaurer les zones humides (ce qui contribue à la création de sites touristiques), de créer des récifs artificiels (favorables à l’activité de pêche), de mettre aux normes les infrastructures linéaires du territoire, mais aussi soutenir les métiers du génie écologique.
Quelle gouvernance ?
Tirant les leçons des différents plans de relance verts décidés dans la panique de la crise par les États, puis rognés petit à petit par les gouvernements, les experts imaginent la création d’une procédure de consultation et de concertation très large avec les représentants de la société civile organisée (syndicats, associations professionnelles, monde de la recherche, ONG, collectivités locales). L’organisation de débats publics et de conférences de citoyens est également évoquée. Les objectifs du plan seraient ensuite soumis au Parlement, dotés d’indicateurs d’évaluation « afin que tous les citoyens puissent suivre la façon dont l’argent emprunté à la banque centrale est utilisé ». Une agence publique d’investissement aurait elle seule la possibilité de recevoir les financements provenant d’emprunt à la banque centrale pour, disent-ils, que les projets et les montants financiers soient clairement identifiés.
Par Julie Chauveau pour lesechos.fr le 25 mai 2011.