François Hollande : oui au référendum, mais quand ça m’arrange...
Après que Nicolas Sarkozy a confié envisager la tenue de deux référendums sur les droits des chômeurs et ceux des immigrés, François Hollande a exprimé sa position sur le sujet ce 14 février sur BFM TV (à partir de 14:40). Pour lui, seuls deux thèmes justifient l'organisation d'un référendum, conformément à l'histoire de la Vème République : un changement institutionnel important et un transfert de souveraineté. Et surtout, un référendum doit "rassembler"... De nombreuses incohérences dans son discours sont à relever sur ce sujet important pour les citoyens.
Rappelons tout de même qu’un référendum échappe à sa typologie, il est d’ailleurs souvent oublié : c’est celui du 23 avril 1972, qui portait sur l’élargissement de la Communauté européenne au Royaume-Uni, à l’Irlande, au Danemark et à la Norvège (qui, elle, a finalement refusé). Depuis, aucune autre consultation populaire n’a été menée sur les élargissements successifs. Il faut savoir qu’en vue de l’adoption par le peuple français du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (finalement refusé par le peuple français comme chacun sait), une réforme constitutionnelle de 2005 a introduit dans la Constitution l’article 88-5, rendant automatique un référendum pour toute nouvelle adhésion. Le conseil des ministres du 23 avril 2008 s’est prononcé en faveur de la suppression de cet article, mais la révision constitutionnelle de la même année a finalement tranché pour l’introduction d’un second alinéa permettant au chef de l’Etat de seulement consulter le Parlement en session extraordinaire. Il faut donc savoir que le peuple français s’est déjà prononcé sur une matière dont on lui a retiré la prérogative en douce.
Pour être complet, on ajoutera un autre sujet qui n’est pas évoqué par François Hollande, mais qui ne devrait pas se représenter de sitôt : la validation de l’indépendance ou de l’autodétermination d’une partie du territoire français. Ce fut le cas en 1962 pour les accord d’Evian vis-à-vis de l’Algérie, et en 1988 pour les accords de Matignon vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie.
Pour revenir à ce que nous dit François Hollande, le peuple doit donc être consulté quand est envisagé un transfert de souveraineté important. Chiche ! Voilà deux traités tout chauds qui arrivent bientôt : le "Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire", qui laissera une marge de manoeuvre budgétaire inexistante aux Etats européens (règle d’or pour un équilibre systématique des finances, déficit structurel ne devant pas dépasser 0,5 % du PIB) ; et le "Traité établissant le Mécanisme européen de stabilité" (cet organisme pourra réclamer des fonds aux Etats de la zone euro autant qu’il l’estime nécessaire et sans droit de veto). Etienne Chouard a rassemblé sur un article de son blog différentes explications pédagogiques à propos de ces deux nouveaux traités iniques. Le candidat du PS a certes insisté sur le fait qu’il entendait les renégocier : on attend de voir, mais on doute que le transfert de souveraineté soit modifié outre-mesure. Un référendum s’impose donc d’urgence sur ces deux nouveaux traités, d’après les critères de François Hollande lui-même. Mais celui-ci ne semble pas l’envisager le moins du monde... Quoi de plus naturel quand on s’est prononcé pour un traité de Lisbonne qui avait été solennellement refusé par le peuple français ? Pourquoi fallait-il le consulter en 2005 comme il le dit (15:30) et pas en 2007, pour un traité identique ? Incohérent, une fois de plus (pour ne pas dire autre chose).
Enfin, François Hollande se dit opposé à ce que "on puisse, sur des sujets qui relèvent du Parlement, qui relèvent de débats qui doivent être maîtrisés, consulter le peuple dans n’importe quelle condition". Et de donner le sempiternel exemple de l’abolition de la peine de mort, mais sans aucun autre argument que la dangereuse "division" des Français ! Oui, il est certain que des référendums comme ceux de 2005 ou de 1992 (dont François Hollande justifie la mise en place) n’ont pas du tout divisé les Français... A quoi cela sert-il de consulter le peuple si c’est pour obtenir un consensus et un résultat connu à l’avance ? Où est la logique dans ce pseudo-argument, encore une fois ? Par ailleurs, sous-entendre que les Français ne débattraient pas assez, ou de façon désorganisée lors d’un référendum, est un argument qui délégitime tous les référendums. Du reste, il ne tient qu’à François Hollande, une fois investi, de mettre en place des sessions et des structures de délibération populaire dans le cadre d’un référendum, d’améliorer la procédure pour enrichir le débat (dans les médias notamment). Il s’en garde bien.
De toute manière, si François Hollande était vraiment attaché à la souverainté populaire, on l’aurait entendu parler depuis belle lurette du référendum d’initiative populaire (le vrai, pas la duperie mise en place par la dernière révision constitutionnelle). C’est grâce à cette institution, qui donne un véritable contre-pouvoir au peuple puisqu’il décide lui-même de la question posée (et donc bien gênante pour les oligarques pur jus comme François Hollande), que les Suisses sont amenés en quasi permanence à se prononcer à tous les échelons politiques. Yvan Bachaud, représentant du Rassemblement pour l’Initiative Citoyenne, milite spécialement sur cette question pour cette élection présidentielle. Concernant les plus gros partis, le Front National a inscrit dans son programme la mise en place d’un véritable référendum d’initiative populaire à 500 000 signatures. Le Front de Gauche a également inséré cette mesure dans son programme partagé, sans donner néanmoins de précision sur le nombre de signatures (ce qui est quand même un critère très important pour pouvoir juger). Très étonnant qu’un mouvement appelant à "prendre le pouvoir" n’insiste pas davantage là-dessus... Quant à Europe Ecologie les Verts, ils proposent un système relativement complexe : voir la page 85 de leur projet. On doute qu’il soit plus facile de le déclencher que le système hypocrite mis en place par la dernière révision constitutionnelle.