
Je partage les analyses de Sentero et Sylvain.
L’enseignement principal que j’en tire c’est qu’il y a un problème de culture politique et de maturité dans l’électorat "antisystème" et je ne fustige pas ici seulement les upériens même si dès hier soir ils commençaient, comme c’était prévisible, à hurler à la trahison et à la manipulation médiatico-électoraliste. Question remise en question, on repassera, Asselineau a déjà fait savoir qu’il continuerait sur la ligne antilepéniste et dans sa logique solitaire car il détient la vérité, bon. Le retour aux fondamentaux, la galvanisation des militants pour sauver la cohésion du parti. Donc aucun rapprochement ne sera possible à l’avenir et les tendances déjà à l’oeuvre au sein de l’UPR vont encore se renforcer.
C’est pas mieux en toute franchise dans une partie de l’électorat FN qui dénonce ce matin la ligne "souverainiste", fustige "les Français" (les veaux abrutis, manipulés, etc.), réclame la tête de MLP et le retour à un programme d’ultra-droite associé à une ligne de défense du peuple "autochtone". Bref, un mégrétisme assumé et un retour aux vieux déchirements groupusculaires de la droite de la droite en attendant le grand soir remigratoire. Même le père Le Pen essaie apparemment de revenir troller sa fille pour le second tour, pas croyable. Quelques remarques de soutien à MLP m’ont valu ce matin sur fdesouche des commentaires du style "je trouve ton pseudo arabisant" (car tiré d’un mot grec mais pour un identitaire, le grec et l’arabe, c’est du pareil au même, t’es déjà chez les levantins crépus).
MLP a plafonné car elle a sans doute perdu une partie du vote jeune qui s’est reporté dans les dernières semaines sur Mélenchon, qui a réalisé la meilleure campagne mais qui aura beaucoup de mal à capitaliser sur son score élevé en vue des législatives, les communistes étant déjà en dissension ce matin.
Le point commun à toutes les niches "dissidentes" du net c’est effectivement la critique ou le mépris à bon compte du "peuple", de la "plèbe votante" qui déçoit, autrement dit de la classe moyenne qui refuse de s’engager dans la radicalité politique (car ayant trop à perdre). Les gens qui triment pour 1500 euros par mois avec un œil sur le compte en banque et un autre sur les vacances d’été, qui ne passent pas deux heures par jour sur le net à visionner des vidéos dissidentes, qui pensent factures/impôts, qui "assument le principe de réalité" pour reprendre une expression fétiche de Soral... les gens méprisables, matérialistes, qui se détendent le soir devant la télé.
Il était tout simplement naïf, présomptueux et irréaliste de croire que cet électorat-là allait massivement voter pour l’UPR (ou même pour le FN) parce qu’on était en train de lui déciller les yeux grâce à des vidéos et des articles sur le net. Voir toute cette clique de tuteurs auto-proclamés et de petits militants obtus vidanger depuis hier soir sur les réseaux sociaux leur ressentiment accumulé contre les "moutons" qui n’ont pas porté l’UPR à 10% et le FN à 30% sans même avoir amorcé ne serait-ce qu’un tout petit début d’examen auto-critique et de remise en question, je trouve ça un peu consternant, mais passons.
Et comme Sylvain le signale, il y a aussi tous les gens - un gros 30 à 40% de la population quand même, profil 40-50 ans, urbain, csp+ - qui est à l’aise dans le "système" puisqu’ils y gagnent très bien leur vie, peuvent voyager, faire la fête, jouir d’opportunités professionnelles, relationnelles, etc... allez leur expliquer à tous ces gens que le "système" est infâme et que "Big Brother" les conditionne ! De leur point de vue, les non-contents sont juste des paumés ou des victimes qui ne sont pas parvenus à s’intégrer à un système globalement fonctionnel, c’est aussi simple que ça. Et Macron, il faut lui reconnaître cette habileté tactique, a su fédérer cet électorat-là tandis que les partis traditionnels essayaient en vain de récupérer les hordes dispersées des sans-dents non-contents (qu’ils méprisent autant que Macron). Le fait n’a pas échappé au quotidien dit de référence ce matin : le candidat le plus pro-europe et le plus libéral l’a emporté.
Au final il est difficile d’être optimiste. Je tire les observations suivantes :
- L’électorat eurosceptique-souverainiste-nationaliste pèse environ 50% mais c’est un milieu idéologiquement trop hétérogène pour déboucher sur une dynamique électorale. J’ai cru longtemps qu’il serait possible de faire fonctionner ensemble des souverainistes réalistes et des identitaires "modérés" mais c’est sans doute une illusion, pour des raisons de fond (antigaullisme de l’extrême-droite, rejet sociologique du "fn du nord", etc.).
- les logiques dissidentes, après avoir été nécessaires il y a quelques années pour combattre le politiquement correct et réactiver la pensée critique, ont atteint une certaine limite. Quand elles ne sont pas superficielles, elles alimentent l’entresoi sur internet et ne s’addressent en fin de compte qu’à des gens politiquement marginaux (dans lesquels je m’inclue, en gardant un ancrage "mainstream" que l’on m’a tellement reproché ici).
- la population, dans son ensemble, n’adhère pas aux discours de rupture et aux solutions magiques (article 50, remigration) ; les discours critiques ne doivent pas dériver vers une critique complaisante et facile de la classe moyenne et de ses préoccupations... ou alors il faut assumer clairement une posture révolutionnaire qui ne passe plus par les urnes.
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe