Un beau jour pour mourir
En 1876, Sioux et Cheyennes s’allient pour défendre leurs terres. Le septième de cavalerie, fleuron de l’armée américaine, est envoyé pour mater la résistance. Contre toute attente, ce sont les indiens qui l’emportent. La postérité appellera ce combat épique « la bataille de little big Horn ».
De l’or ! Voilà la nouvelle terre promise
Les origines du conflit remontent à la fin de l’année 1873. En septembre, la faillite de la banque Cooke, provoque une panique boursière. L’alourdissement de la dette nationale et l’absence de réserves fédérales ne permettent pas de conjurer les effets de la récession.
Le gouvernement de Washington est accusé d’incompétence et le président Grant est de plus en plus contesté. Mais la maison blanche ne cède pas au découragement : depuis plusieurs mois, des rumeurs circulent au sujet des black Hills, la région montagneuse au sud ouest du territoire Dakota recèlerait de l’or et de l’argent en abondance.
Le président décide d’y envoyer une mission d’exploration et les experts miniers découvrent des traces d’or sur le cours inférieur de la french Creek. Une vague d’enthousiasme déferle sur les Etats unis lorsque la presse annonce la nouvelle : « De l’or ! Voilà la nouvelle terre promise » écrit le correspondant du « Chicago inter Océan ».
On ne vend pas la terre sur laquelle le peuple marche
En vertu du traité de Fort Laramie de 1868, la propriété « éternelle » de cette région a été reconnue aux Sioux, tribu des hautes plaines. Dans les réserves du Dakota, on estime à 20 000 le nombre de Sioux de Cheyennes du nord et d’Arapahos à y avoir trouvé refuge.
Le gouvernement propose aux Sioux de céder les black Hill moyennant six millions de dollars. Or, les « Paha Sapa » sont pour les Indiens* une terre sacrée, ou reposent les âmes de leurs ancêtres et les esprits qui animent les vivants. Ils la considèrent comme « le cœur de tout ce qui est », un haut lieu de la religion traditionnelle et un terrain de prédilection pour trouver des réserves de nourritures et de bois.
Les Indiens ont juré de protéger ses abords « aussi longtemps que l’herbe pousse et que l’eau coulera au milieu des rivières ».
Les Sioux rejettent donc la proposition de vendre les black Hills ou même d’en céder les droits d’exploitation : « On ne vend pas la terre sur laquelle le peuple marche ».
Les habitants de la frontière appellent quant à eux à chasser les « sauvages » de « la région la plus riche et la plus fertile d’Amérique », les plus exaltés allant jusqu’ à prôner une guerre d’extermination. À son tour l’armée se montre favorable à une démonstration de force ne serait ce que pour protéger les chercheurs d’or.
Des centaines d’Indiens prennent le sentier de la guerre pour rejoindre les bandes des irréductibles, du chef Sitting Bull dans les plaines du Montana : « les black Hill m’appartiennent, si les blancs viennent et essaient de s’en emparer, je les combattrai ... et je les tuerai jusqu’ au dernier » déclare celui qui incarne désormais l’âme de la résistance.
Mystique et guerrier, sitting Bull serait l’auteur de la phrase : « Lorsque la dernière goutte d’eau sera polluée, le dernier animal chassé et le dernier arbre coupé, l’homme blanc comprendra que l’argent ne se mange pas. »
Le dimanche rouge
Sitting Bull a reçu une vision lui annonçant une grande victoire sur les tuniques bleues. Il organise la résistance et enflamme le cœur des braves. Son campement atteint une dimension inédite en Amérique du nord, il compte près de 8000 âmes et environs 1800 guerriers encadrés par des chefs charismatiques tels que « Crazy Horse », « Gall » et « Crow King ».
Lors d’une réunion secrète à la maison blanche, le président Grant annonce ses dispositions belliqueuses : il prend le prétexte de prédations commises par Sitting bull dans la haute vallée de la Yellowstone pour justifier une opération de ratissage au cœur du territoire Indien. En ramenant les Sioux à la porte de leurs réserves, l’armée doit les obliger à reconsidérer l’offre d’achat.
Le Lieutenant-colonel Armstrong Custer est le commandant du septième de cavalerie.
Il est dépeint comme un officier zélé, agressif et prêt à tout pour satisfaire son ambition, il est notamment le responsable d’un massacre d’un camp Cheyenne en 1868.
Après deux jours de progression, les 600 hommes du septième de cavalerie retrouvent la trace des Sioux sur le cours inférieur de la little Big Horn. Le 25 Juin, Custer attaque le campement Indien mais l’opération vire au cauchemar.
Pris au dépourvu, les Indiens cèdent un instant à la panique, mais se reprennent et empêchent les assaillants d’invertir le camp. « Nous nous sommes abattus sur eux comme une nuée d’abeilles furieuses sortant d’une ruche » racontera Killer Eagle.
Crazy Horse se rue à l’assaut de l’ennemi en hurlant à ses hommes : « c’est un beau jour pour mourir ».
Les tuniques bleues finissent par battre en retraite dans un bois où elles sont littéralement taillées en pièces, isolément ou par petits groupes. « On aurait dit une grande chasse au bison » racontera le chef Cheyenne "Two Moons".
Custer, contraint de battre en retraite s’est alors replié sur une petite colline, entouré de son dernier carré. Encerclés et à cours de vivre, les assiégés soutiennent tant bien que mal les charges de « Gall » et de « Crazy Horse » pendant 36 heures, mais succomberont après un sanglant corps à corps.
Le bilan est lourd, on dénombre 267 morts du côté de l’armée américaine. Les 212 cadavres des officiers et soldats retrouvés deux jours après sont pour la plupart scalpés et mutilés, abandonnés aux charognards. Une centaine d’Indiens ont également été blessés ou tués.
Conséquences
L’Amérique est frappée de stupeur, de New York jusqu’à San Francisco on ne parle plus que de la nouvelle arrivée des confins du territoire indien. Un vent de panique souffle sur la nation qui, fer de lance de l’industrie et du progrès, s’imaginait déjà prendre le relais de l’Europe.
La bataille de little Big Horn demeure le point culminant des guerres indiennes, l’apogée d’une résistance vouée à s’éteindre.
Au reste, la victoire est sans lendemain pour les Sioux et les Cheyennes. Pourchassés sans relâche, en proie à des dissensions internes, ils ne pourront guère prolonger la résistance et devront se résigner les uns après les autres à déposer les armes pour vivre dans les réserves sous contrôle du gouvernement fédéral.
Mais dans les mémoires tribales, le souvenir du dimanche rouge survit. On raconte que parfois, dans les grandes plaines, lorsque souffle le vent, on entend un murmure. On raconte que quelquefois, les nuits de pleine lune, on peut écouter des chants et des rires. On raconte que ce sont les esprits des braves tombés à la bataille de little big horn.
*le terme courant « Indien » sera repris dans cet article pour désigner les habitants du continent américain. Le néologisme amérindien est inventé en 1899.Aujourd’hui, le terme de « native American » est parfois utilisé aux Etats unis. Quant aux intéressés, ils préfèrent le plus souvent qu’on les désigne par le nom de leur peuple.
Sources :
-« Que s’est-il passé à little big Horn », Farid Ameur, « l’histoire, les collections »
-custerwest