Alain Soral, entre Oslo et Londres : une triste dérive conspirationniste
Etre l’ami de quelqu’un, c’est être capable de lui dire lorsqu’il déconne, lorsqu’il se trompe, lorsqu’il commence vraiment à partir en vrille... Considérez ce modeste article comme celui d’un ami d’Alain Soral.
Analyse des attentats en Norvège
Analyse des émeutes à Londres
Alain Soral fut jadis un intellectuel dissident et stimulant. Malheureusement il a mal tourné et est devenu aujourd’hui l’archétype du théoricien du complot. Plus caricatural, tu meurs... pourrait-on même ajouter. Le patron d’Egalité & Réconciliation a interrompu ses vacances pour livrer son analyse des attentats d’Oslo, mais aussi des récentes émeutes en Angleterre. Dans les deux cas, il y voit des opérations de manipulation menée par l’hyper-classe mondiale américano-sioniste, dans une stratégie de la tension, du chaos, qui doit lui permettre de détourner l’attention des peuples de la crise financière et de ses responsables. Notons que sur le site identitaire Fdesouche, certains font des analyses diamétralement opposées :
On remarquera que “C Dans L’air” n’a pas jugé bon de parler des émeutes londoniennes, et nous parle de la bourse pour la troisième ou quatrième journée consécutive.
Tout est bon pour éluder la question et sur ce point, toutes les journalopes de France sont bien d’accord !!!
En effet, les journaux ouvrent plutôt actuellement sur les remous de la bourse que sur les émeutes anglaises... même si les deux sujets occupent une part importante de l’actualité. Donc si le but des émeutes était de détourner l’attention de la crise financière, ce serait plutôt raté.
"Ils" ethniciseraient la lutte dans le peuple, créeraient des tensions raciales de toutes pièces, pour se sauver eux-mêmes. "Ils", c’est-à-dire les grands méchants qui tirent les ficelles de tous les événements du monde dans l’esprit de plus en plus paranoïaque de Soral. Car autant il est des événements pour lesquels des analyses dissidentes peuvent être faites, comme le 11-Septembre, car nous avons un certain nombre d’éléments concrets, autant dans les tragiques événements d’Oslo ou de Londres, nous n’en avons actuellement aucun. Pas le moindre indice. Et pourtant Soral applique son schéma explicatif tout fait, son prêt-à-penser. Soral est conspirationniste, car il voit du complot partout, avant même d’avoir le moindre élément factuel pour étayer son idée. Son idée le séduit, alors il y croit et veut nous y faire croire.
Le tueur norvégien n’aurait pas pu agir seul, nous dit Soral. Ah bon ? Mais comment le sait-il ? Si Breivik a été manipulé par le "New World Order", faut-il penser que la manipulation dure depuis 10 ans, depuis qu’il s’est mis à décrire son projet terroriste dans son manifeste hyper détaillé de 1500 pages ? La Norvège serait un pays hostile à l’Empire et à Israël ? Ah oui ? Soral pourrait-il étayer un peu plus ? On aurait voulu punir ce pays de ne pas appartenir à la zone euro, de vouloir se désengager du conflit libyen et donc aussi d’être anti-israélien ? Si c’est le cas, il faut d’urgence que Soral aille le dire au gouvernement norvégien, parce que là-bas personne n’a compris le message. Le NWO ne sait pas se faire comprendre lui-même, et ses basses oeuvres ne servent donc pas à grand chose, si seul Alain Soral sait les décrypter.
Toujours selon Soral, la tuerie d’Oslo servirait directement à décrédibiliser tout mouvement nationaliste eu Europe, dont celui de Marine Le Pen en France... comme si Marine Le Pen avait la moindre chance de gagner l’élection présidentielle... Breivik servirait à créer de la haine entre nationaux et musulmans, alors que seule leur alliance permettrait de lutter contre le NWO (c’est précisément le projet assez irréaliste que mène Soral dans son association). Soral ne comprend pas que rarissimes sont les nationaux (comme lui) qui aiment l’islam et veulent s’y associer pour quelque combat que ce soit. La plupart des nationalistes sont plutôt identitaires et rejettent l’immigration musulmane (au même titre que le mondialisme). Nul besoin d’une manipulation sioniste pour qu’ils se haïssent, ou, du moins, expriment le désir de ne pas vivre ensemble, sous les mêmes lois. Jean-Marie Le Pen, dont Soral a été le conseiller lors de la campagne présidentielle de 2007, a toujours dit que l’islam était incompatible avec la culture européenne (tout en défendant, sur la scène internationale, les pays musulmans contre les agressions de l’OTAN au nom de la souveraineté des Etats) :
Concernant les émeutes anglaises, Soral note que des musulmans s’opposent à des noirs caribéens, et que c’est selon lui ce que veut l’hyper-classe, au moment où la crise financière s’accélère. Autrement dit, dans son esprit, les tensions ethniques n’existent pas toutes seules, elles sont créées de toutes pièces par les élites mondialistes. On répondra à Soral que, ben si, les tensions existent toutes seules, et que personne n’a besoin de les créer. Que le communautarisme, faisant coexister sur un même territoire des populations très différentes, aux valeurs et croyances très différentes, qui ne vivent jamais vraiment ensemble mais côte à côte, puisse mener à terme à des affrontements, on le sait depuis toujours. La montée de l’extrême droite partout en Europe atteste assez bien de la tension existante et du refus de certains "Européens de souche" de voir leur peuple largement recomposé.
Dans l’esprit de Soral, ceux qui ont organisé l’immigration massive il y a plusieurs décennies avaient dès le départ le projet de créer - si nécessaire - une guerre civile dans leur propre pays pour détourner l’attention des peuples de leurs turpitudes économiques. Ils ont créé (ex nihilo) la haine avec des associations du type SOS Racisme, et ils activeraient la haine raciale par des opérations de provocation, comme en assassinant (volontairement donc) ces derniers jours un "jeune émeutier" en Angleterre (qui n’était pas, rappelons-le, un émeutier quand il a été tué, mais un dealer de drogue, membre d’un gang, qui venait de tirer sur un flic). En fait, ceux qui ont organisé l’immigration n’en percevaient probablement pas le risque, ils croyaient (et croient toujours) à l’universalisme des valeurs occidentales, et privilégiaient leur intérêt économique. Quant aux associations du type SOS Racisme, elles n’organisent pas volontairement la haine, je pense, mais malgré elles, par leur incroyable maladresse et leur dogmatisme agressif. Enfin, rien ne prouve que Mark Duggan ait été assassiné par un policier dans le cadre d’un complot contre le peuple visant à mettre le feu aux poudres. Pas besoin d’avoir recours à un grand méchant loup caché dans l’ombre qui aurait voulu créer le chaos. Que les gouvernants puissent instrumentaliser les tensions ethniques dans des visées électorales, c’est une chose (évidente), qu’ils les créent de toutes pièces, c’en est une autre (assez absurde).
Bref, pour Alain Soral, les seuls acteurs de l’Histoire, ce sont les membres de l’Empire (comme il dit). Le peuple ne peut aucunement être un acteur, il est nécessairement manipulé, aucune de ses actions ne peut être spontanée. Breivik ne peut pas avoir agi de sa propre initiative, pas plus que les émeutiers londoniens (pas plus d’ailleurs que ceux du monde arabe). Toujours la main des sionistes tire les ficelles. La détermination et la "folie" d’un homme seul, la stupidité et la barbarie de certaines foules, cela ne rentre pas dans les cadres explicatifs de la pensée soralienne, où tout est commandé par une intelligence supérieure et "diabolique" ou "luciférienne" : celle des sionistes, des néoconservateurs, de Wall Street et de la City, etc. Il faudrait apprendre à Soral que les acteurs de l’Histoire peuvent être pluriels. Et que toute la réalité terrestre n’est pas le fruit de complots diaboliques. Le "choc des civilisations", avant d’être un projet, une stratégie de la tension et du chaos, une instrumentalisation de certaines forces obscures, est une réalité qui se manifeste en permanence dès que différents systèmes de valeurs se retrouvent face-à-face sur un même territoire.
Soral commence à être dangereux, car il décrédibilise tous ceux qui cherchent à décrypter avec sérieux l’actualité, et qui pointent parfois du doigt de possibles "conspirations". Car lui voit maintenant des conspirations partout. Il n’est plus capable de voir le monde autrement. Si demain son boulanger lui donne du mauvais pain, considérera-t-il que le Mossad et la CIA ont monté le coup pour le punir de ses analyses vidéo ? Chacun, sur ce site, déteste l’accusation (abusive) de "conspirationnisme" lancé à tout-va par les médias sur les esprits libres, il y perçoit une tentative de terrorisme intellectuel, et il a raison. Malheureusement, le vrai conspirationnisme, ça existe aussi : c’est une tournure d’esprit qui consiste à voir des complots derrière tous les événements un peu marquants de l’Histoire (émeutes, tremblements de terre, tsunamis, attentats...). C’est la croyance selon laquelle seule "l’élite diabolique judéo-maçonnnique" agit dans l’ombre et manipule des individus décérébrés, sans conscience, qui n’ont aucune volonté propre (les émeutiers français et anglais, les terroristes islamistes, un tueur norvégien, les révoltés arabes...).
Si la dérive de Soral est regrettable, elle a au moins le mérite de nous montrer ce qu’est un conspirationniste dans sa forme la plus pure, et de nous permettre de nous en tenir à distance. Quand on lit les commentaires enthousiastes de ses fans (sur Dailymotion et sur E&R), à peine les vidéos regardées, c’est tout de même inquiétant : rares sont ceux qui conservent un minimum d’esprit critique face à leur idole, leur maître à penser. Car l’esprit critique, s’il doit être exercé devant les médias traditionnels, doit aussi l’être devant les médias alternatifs. Sinon c’est du conformisme. Qu’il soit devant David Pujadas ou devant Alain Soral, un mouton reste un mouton...