maQiavel maQiavel 4 mars 2021 17:52

@Joe Chip

1. Je n’ai pas prétendu que toutes les personnes qui dénoncent la situation de la liberté d’expression appartiennent à la droite conservatrice.

2. Je dis ceci : ce sont surtout de ces mouvances de droite que vient le danger pour les libertés académiques aux Etats unis, des organisations de militants qui utilisent une stratégie bien spécifique qui consiste à utiliser la liberté d’expression pour censurer. Bien évidemment ça ne veut pas dire que tout ceux qui parlent de liberté d’expression s’inscrivent là-dedans ou devraient être amalgamés à ça. 

Au-delà de Sachs, il y’a Simon Ridley qui a observé le cas spécifique des conflits à Berkeley autour de la liberté d’expression pour montrer comment le maccarthysme se réactive dans la politique US. Ça ne veut pas dire non plus la gauche est innocente mais il précise que même lorsque la gauche mène des campagnes dédiée à la mise au pas de la liberté d’expression et académique, elle est beaucoup moins efficace que la droite. Là où manifestations et campagnes sur les réseaux sociaux organisées depuis la gauche concernent généralement des collectifs locaux d’étudiants en réaction à des événements sur lesquels ils n’ont pas de contrôle, la droite dispose de véritables bulldozers institutionnels, financés à millions. Puisqu’on en est aux anecdotes en voici une qui est très éclairante sur la façon dont se déroulent les choses selon ses observations :

Lora D. Burnett, une historienne des idées, a publié un tweet sur le débat vice-présidentiel ayant opposé Kamala Harris à Mike Pence en octobre 2020 où elle disait en gros que comme le second passait son temps à interrompre la première, le modérateur devrait l’interrompre jusqu’à ce qu’il la ferme. Tout de suite après, elle a fait l’objet d’une campagne d’astroturfing d’une organisation « Campus Reform » qui paie des petites sommes d’argent opaque à des informateurs étudiants contre des infos sur leurs profs de gauche. Et il s’avère que ce type d’organisation de taille similaire ou supérieure à Campus Reform sont nombreuses à l’échelle des États-Unis, et elles sont généralement rattachées à des organismes plus larges s’occupant de mener des campagnes de lobbying auprès des institutions. Viennent s’y ajouter tout un ensemble de médias qui ont bien compris l’intérêt social de la dénonciation de la « gauche folle des campus » comme Fox News et qui grâce à son martèlement constant va produire une machine à scandale permanent.

C’est ce qui va se passer avec Lora D. Burnett. Les administrateurs de la fac vont commencer à recevoir un déluge de messages, leur informant que leur employée avait dit quelque chose de fou et leur imposant d’agir. Pendant ce temps des trolls vont commencer à envoyer des emails et passer des appels de harcèlement à la cible et à son institution. Tout cela a pour effet de désorienter la cible, de la faire paniquer et de lui donner l’impression qu’il faut immédiatement régler la situation. Pour les universités, « régler la situation », c’est souvent se débarrasser de la personne par qui le scandale est arrivé ou, du moins, la sanctionner de façon assez publique pour calmer la foule.

Outre ces campagnes de scandalisation, les organisations en question ont également, entre autres, menées des campagnes de lobbying visant à interdire d’enseigner certains sujets, voir à abolir la notion même d’université publique, publié de nombreuses listes d’enseignants identifiés comme « indésirables » idéologiquement, demandées (et obtenu) qu’un terme soit mis à la carrière de telle ou telle autre cible expiatoire et de mettre des universités entières et leurs programmes sous tutelle des parlements locaux et nationaux. Et tout ça bien sûr au nom de la liberté d’expression. Et s’il faut parler d’autocensure, il faut savoir que ces campagnes ont débouché sur la proposition d’un amendement du député de l’État du Missouri Rick Brattin sur l’abolition de la titularisation dans toutes les universités publiques du Missouri. Une telle mesure conduirait évidemment les universitaires à devoir s’auto-censurer, leurs propos pouvant plus aisément conduire à un renvoi s’ils déplaisaient à ces organisations qui prétendent défendre la liberté d’expression en harcelant des enseignants jugés trop à gauche en affichant leurs photos à l’entrée du campus et en publiant sur Internet des listes noires. On a donc tout une nébuleuse d’organisations qui ont des relais médiatico politiques bien placés.

3. Et pour ce qui est du climat "anti-musulman" en France, bah … euh … il ne me semble pas que ce soit une position rationnellement tenable. Il existe des mouvances anti-islam qui montent en influence, qui ont une propagande de plus en plus agressive et qui inquiète beaucoup de musulmans car ils sont de plus en plus visibles médiatiquement mais ces mouvances restent minoritaires, je vois mal comment on peut étendre ça à tout le pays.  smiley


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