maQiavel maQiavel 5 novembre 2020 14:39

@Guepe maçonne

« Et peu importe le président américain, ce sont les interets américains qui dicte la politique étrangère du pays, pas le président. »

Cela dit, il y’a des nuances à apporter. On parle souvent « d’Etat profond » mais cette notion, telle qu’elle a été conceptualisée par Peter Dale Scott ( je ne parle donc pas des récupérations délirantes de cette notion qu’ont fait les croyants au grand complot ) ne correspond pas vraiment à la réalité américaine. En effet, la notion d’Etat profond renvoie à l’idée d’un « État dans l’État » qui détient le pouvoir décisionnel indépendamment des procédures électorales, à la base Peter Dale Scott en avait parlé pour la Turquie et le rôle qu’y jouait l’armée. Il a ensuite, avec d’autres, essayé d’appliquer cette notion aux US. Mais le pouvoir américaniste fonctionne différemment. Il n’y a pas un Etat dans l’Etat mais plusieurs « Etats dans l’Etat », c’est-à-dire des centres de pouvoir quasi-autonomes dont aucun n’a la prééminence, qui se recoupent, qui se décomposent/se recomposent selon les circonstances et les rapports de force, passant de positions d’alliances à des positions de concurrence pour le contrôle du monopole étatique. On devrait parler "d’Etats parallèles" plutôt que "d’Etat profond". 

Pour donner un exemple concret, prenons celui des relations avec la Chine puisque tu en as parlé : depuis les années 80, c’étaient les « panda huggers qui déterminaient les relations sino-américaines, c’est un conglomérat d’intérêts mondialistes et financiers qui ont dégagé énormément de profits avec les délocalisations et qui privilégie des relations apaisée avec la Chine. Depuis le second mandat d’Obama et surtout sous la présidence Trump, ils ont perdu la main au profit des « America first », un conglomérat d’intérêts industriels et géopolitiques qui va dans le sens d’une relocalisation des industries, qui prône un protectionnisme agressif et qui est prêt à aller à la confrontation avec la Chine. On a donc là deux grands réseaux qui s’affrontent. Et ça ce n’est qu’un exemple, sur presque chaque thématique, on retrouve des réseaux qui se crêpent le chignon, ce n’est pas quelque chose de nouveau, ça fonctionne comme ça aux US. La fonction présidentielle est symbolique mais ce pouvoir symbolique est très important car il va permettre au locataire de la Maison blanche de jouer le rôle d’arbitre dans la compétition entre ces réseaux et va ainsi contribuer à centraliser le pouvoir pour en dégager une politique globale cohérente.

Ce qui a changé depuis les années 2000 et qui est lié à la crise de l’impérialisme US, c’est que les intérêts de ces réseaux divergent de plus en plus au point que les présidents n’arrivent plus à les concilier, ce qui produit de monstrueuses incohérences voir du chaos. Même Obama qui est le président qui a concentré le plus de pouvoir symbolique depuis Kennedy n’y est pas arrivé. Et Trump étant celui qui en a concentré le moins, les fractures se sont accentuées, d’où une forme de paralysie de l’impérialisme US, raison pour laquelle je souhaitais sa victoire. Déçu de l’élection de Biden mais maintenant, tout ce que j’espère, c’est que le contentieux électoral entraine une crise de légitimité qui fera de lui un président encore plus faible que Trump.

Donc il est vrai d’affirmer que ce sont des intérêts qui dictent la politique étrangère des US, mais il faut rajouter qu’ils sont divergents et que la maison blanche a justement pour fonction de composer avec eux et de les articuler de façon cohérente. 


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