maQiavel maQiavel 2 octobre 2020 11:41

Pour revenir sur le propos de Geoffroy de Lagasnerie, il faut comprendre qu’il se situe dans un camp, celui de la gauche. On peut détester la gauche mais ça ne remet pas en question son propos qui est en réalité valable pour tous les camps politiques. Il parle de l’idée pour un camp de retrouver une certaine autonomie de penser relativement à l’agenda des autres, il parle de l’importance de penser par soi-même, pas individuellement, mais en groupes affinitaires, en refusant de se laisser embarquer dans des débats oiseux (journalistiques) où on se fait embabouiner dans des problèmes dénués de sens. Parce que ce qu’il vise ici ce sont les grands médias.

Je me rappelle avoir vu fin 2018 début 2019 des débats tv dans lesquels on invitait des Gilets jaunes. C’était effarant, un véritable cirque, ils étaient ridiculisés dans toutes les largeurs, tout le dispositif médiatique dont parle Bourdieux dans cet article était présent pour les tourner en dérision. C’était pénible à voir, beaucoup de leurs soutiens s’arrachaient les cheveux, avaient envie de tout casser en se demandant pourquoi ces GJ acceptaient ces invitations à « débattre » ( c’était plus des humiliations et des invectives qu’autre chose). Moi j’y voyais du positif, c’était pour moi un véritable révélateur susceptible de marquer les esprits, les classes supérieures avaient montré leur véritable visage et je le voyais comme une victoire. Mais de la perspective des gens qui pensent comme Lagasnerie, c’est une perte de temps. Et je comprends ce point de vue. On peut penser qu’au lieu de débattre avec des journaleux payés par des milliardaires qui mettaient sur la table des sujets sans queue ni tête ( comme l’antisémitisme), les GJ auraient dû se concentrer à développer et formuler une pensée qui s’autonomiserait des préoccupations et des récits journalistiques. 

Voyez, là il suffirait d’intervertir « gauche » et « GJ » pour que le fond propos de Lagasnerie devienne beaucoup plus audible dans les écosystèmes idéologiques qui détestent la gauche mais qui ont de l’affection pour les GJ. C’est pour ça que je dis que la logique qu’il développe pourrait s’appliquer à n’importe quel camp ( et qu’on le veuille ou non les GJ sont un camp politique, avec des alliés, des adversaires et des ennemis) et qu’elle n’a rien à voir avec le totalitarisme.

Après, il y’a les gens qui détestent la logique des camps et l’antagonisme politique, des gens qui aspirent à l’idéal d’une société pacifiée dans laquelle tout le monde se sent solidaire, rame dans le même sens et qui ferait du corps social une entité homogène, unie et indivisible. Pour moi, c’est une fiction, il existe dans les sociétés humaines des aspirations politiques, des intérêts, des paradigmes, des visions de la communauté et de l’humanité antagoniques et parfois irréconciliables. Et les gens se regroupent par affinité en constituant des camps politiques. Reconnaitre ces fractures et la conflictualité sociale qui en découle est le premier pas vers le paradigme machiavélien qui est le mien. Geoffroy de Lagasnerie essaie de faire imploser toutes ces fictions unificatrices et tente de remettre l’idée d’antagonisme au gout du jour et sur ce point, je suis totalement d’accord avec lui. Je trouve juste qu’il pousse l’antagonisme beaucoup trop loin et que le réduire à l’antithèse gauche/droite n’est pas pertinent.


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