Joe Chip Joe Chip 30 juillet 2020 21:14

Le fait de se rassembler (réellement ou pour la devanture) est sans importance, c’est le nombre de personnes que tu rassembles et leur qualité qui importe. Si tu parviens à rassembler 100 débiles derrière une bannière, tu as mis 100 débiles derrière un drapeau, bravo.
Eriger le rassemblement comme une vertu en soi est déjà une forme de constat d’échec ou d’aveu d’impuissance.

Tous les "souverainistes" qui ne pouvaient pas se piffrer avant d’admettre chacun à leur façon leur insignifiance politique et électorale appellent maintenant au rassemblement, mais au-delà du coup de com’ ils le font tous depuis leur propre chapelle en conseillant aux autres d’abandonner leur tournure d’esprit partisane et leurs oppositions mesquines pour rejoindre la "maison commune".

Des chaînes youtube, un parti "souverainiste" en pleine implosion auquel Marianne a consacré un bon article :

https://www.marianne.net/politique/la-base-de-rageux-d-internet-va-se-mobiliser-pour-asselineau-l-upr-la-guerre-des-petits

et des militants du net épars aux options idéologiques "à boire et à manger" (souverainistes de gauche, de droite, nationalisme, antisionisme, royalisme, fétichistes de la sortie de l’euro et du frexit, complotistes faisant la chasse aux franmacs...), tout ça ne peut pas constituer un "rassemblement". 

 "Asselineau a voulu faire un parti de masse, en prenant un peu n’importe qui. Il a laissé des farfelus dans sa liste, adeptes des chemtrails ou des complots francs-maçons, et très actifs sur les réseaux sociaux. Ce type de comportement complotiste fait fuir les médias et les électeurs. J’espère que la participation ne sera pas trop haute, sinon ce serait le signe que la base de rageux d’Internet, de cyber-militants qu’on ne voit jamais sur le terrain, s’est mobilisée pour Asselineau."

 

Ce qu’il faudrait faire au contraire, c’est premièrement créer une vraie structure politique et dirigeante associant des personnalités compétentes dans leur domaine au lieu de courir après une masse sociologique qui n’est pas réellement là ou de chercher à créer l’illusion d’une adhésion de masse aux idées souverainistes (comme l’UPR et sa mythologie auto-entretenue du nombre d’adhérents). Puis dans un second temps s’adresser à la classe moyenne française, c’est à dire la masse de la société, des gens qui ont des salaires moyens, des vies partagées entre petites ou grandes galères et la perspective de deux semaines à la plage en famille, des retraités qui s’inquiètent du maintien de leur pension, ou même des banlieusards qui désirent quelque chose de mieux pour leurs enfants, bref des gens "normaux" qui ne pensent pas à renverser le système, faire la chasse aux pédosatanistes et dont l’unique obsession n’est pas de pousser Macron à la démission.
Le Français de base pense avant tout à son épargne, son emploi, ses vacances, sa retraite, les conditions d’éducation de ses enfants, à la rigueur le sort du voisin pour les moins égoïstes. Ca peut paraître tristement trivial et matérialiste mais c’est la donnée de base d’une démocratie moderne, c’est à dire d’un régime politique reposant sur une relative égalisation des conditions de vie et non sur un fumeux concept grec par ailleurs discutable quand on essaie de le réintroduire artificiellement dans la donne politique. Le fait est que la plupart des gens en France ont encore trop à perdre pour adhérer à des formules politiques trop radicales ou à l’issue trop incertaines. En revanche ils ont déjà assez perdu pour redouter les conséquences que pourraient avoir des ruptures économiques ou institutionnelles majeures. Et la vision de la précarité dans laquelle commence à être plongé pas mal de monde a plus l’effet d’un repoussoir que d’une motivation à renverser la table. Les gens préfèrent se raccrocher, à tort ou à raison, à l’idée qu’eux ou leurs enfants pourront faire partie des "gagnants" de la méritocratie pour peu qu’ils fassent les efforts qu’on attend d’eux ou qu’on leur demande. La vieille idée d’origine religieuse selon laquelle les chômeurs ont quelque part "mérité" leur sort ou ne font pas assez d’effort pour s’en sortir est une des idées les mieux partagées des Français, indépendamment de leur classe sociale et quand bien même ils savent que ces millions de chômeurs sont aussi le produit de décisions politiques désastreuses ou du contexte économique. Ca montre bien que les gens dans leur majorité ne se déterminent pas politiquement en fonction d’une idéologie mais en fonction d’idées pré-politiques ou de critères de compréhensions largement soumis aux préjugés ou à l’air du temps. Prétendre les "ré-éduquer" ou leur expliquer le fonctionnement des choses est une autre illusion, et le comble de l’arrogance.

Moi, je fais de la politique avec hauteur de vue : les allées du pouvoir, les rencontres avec les grands dirigeants, j’ai donné. C’est excitant, on rencontre des gens intelligents. J’aurais pu, compte tenu de mes diplômes, être riche, mais ce n’est pas la route que j’ai choisie. A un moment, il faut se concentrer sur l’important. L’important, c’est la France. (Asselineau)

Beaucoup citent le Brexit en contre-exemple, mais le Brexit est parti de la frange conservatrice des élites financières de Londres, puis est devenu une idéologie de retraités et de petits propriétaires nostalgiques de l’Empire britannique. Les travailleurs ne se sont ajoutés qu’à la fin, après un travail de sape idéologique de 10 ou 20 ans et sur la base de promesses mirobolantes qui ne seront jamais tenues. Ca n’a n’a jamais été un mouvement contestataire ni réellement populaire. 

Car le tour de passe-passe des souverainistes français, c’est de prétendre qu’il existerait comme en Angleterre une majorité sociologique "silencieuse" en faveur du souverainisme ou des idées souverainistes, ce qui est complètement faux. Même Philipot qui disait à une époque que 40% des Français étaient favorables à la sortie de l’UE (en interprétant des sondages d’opinion de manière biaisée) a fini par admettre que le "combat souverainiste" était perdant à court et moyen terme sur le plan électoral.

Macron a même réussi à embrouiller un peu plus les esprits et les lignes en martelant son "souverainisme européen" qui est une pure construction théorique.

Quand on est petit et faible, ce qui est le cas objectif des "souverainistes" (10-15% de l’électorat au max), il faut être élitiste, pas démocrate. Il faut être qualitatif, pas quantitatif. Prétendre fédérer une armée de mécontents en guenilles aux idées hétéroclites et les envoyer à la conquête de la citadelle du système, c’est se vouer à l’échec.


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