Joe Chip Joe Chip 23 juin 2020 12:18

Oui l’intolérance au "blabla" a d’ailleurs causé des mauvaises surprises à des Français lors de passage aux Etats-Unis. Evidemment, l’attitude et la militarisation croissante de la police s’expliquent en partie par le fait que la population américaine est surarmée. Il faut aussi comprendre qu’il y a beaucoup plus de gens aux USA qu’en France qui vivent dans la marginalité, et que cette population, souvent livrée à elle-même, représente une véritable menace aux yeux de la population intégrée et possédante, donc en gros pour la classe moyenne blanche.

Une sous-classe de citoyens de seconde zone et de rebuts du capitalisme errant dans les villes américaines comme une armée de zombies (d’où l’omniprésence des morts-vivants dans les films américains) qui suscite une anxiété et donc une très forte demande de protection de la part de la population socialement intégrée, avec une dimension géographique et territoriale omniprésente. Il y a des limites symboliques à ne pas franchir aux USA, des zones dans lesquelles il ne faut pas pénétrer quand on appartient à cette sous-classe de réprouvés (drogués en tout genre, souvent noirs, SDF, souvent blancs, malades mentaux...). Il y a des coins aux USA où il ne fait même pas bon marcher dans la rue car les gens intégrés sont censés circuler exclusivement en voiture. Nombre de SDF alcoolisés ou drogués se font ainsi abattre dans la rue par la police pour avoir "résisté" à une interpellation. Evidemment, là, peu s’en soucie car la plupart d’entre eux n’appartiennent pas à des minorités : les blancs pauvres sont exclus de leur communauté d’origine et souvent rejetés par leur famille, donc plus souvent isolés que les noirs et les latinos. Les marginaux blancs sont d’ailleurs désignés par le terme sans équivoque de "white trash", c’est à dire de "déchets blancs". Le discours hypocrite et ambigu sur les "privilèges blancs" est une opportunité incroyable pour la bourgeoisie blanche de se défausser à bon compte, au nom de la "vertu" antiraciste, de tout sentiment de responsabilité à l’égard de ces gens, indignes en quelque sorte de la couleur de leur peau. C’est d’ailleurs un discours qui a été élaboré par des blancs riches, pas par des noirs pauvres, ce qui devrait quand même faire réflléchir les "racisés" qui transcrivent ce discours en France, expliquant par exemple qu’il est bien pire aujourd’hui d’être "pauvre en banlieue" que pauvre dans les zones rurales, comme s’il y avait des pauvres méritoires et des pauvres non méritoires... vieille lubie américaine : trier le bon grain de l’ivraie, ne dispenser la charité qu’à ceux qui l’ont mérité. 

Le rôle (non-dit) de la police américaine est donc de protéger certaines zones, un peu comme dans une zone de guerre, en filtrant la population et en faisant respecter certaines limites sociologiques invisibles. Un type qui est à la fois noir et marginal peut rapidement se mettre en danger en faisant du grabuge dans un quartier où il n’est pas censé se trouver. A l’inverse, la criminalité n’est pas ou peu réprimée dans les ghettos puisqu’il n’y a aucun bien valorisé à protéger dans ces quartiers. La police arrive en réalité avec les promoteurs immobiliers. 

Durant l’épidémie de COVID, les Américains se sont précipités dans les armureries parce qu’ils avaient anticipé que des millions de gens allaient se retrouver au chômage et donc précipités dans le dénuement du jour au lendemain, faute d’assurance chômage et de "filet de protection social". Et donc devenir potentiellement dangereux.

Expliquer la violence de la police américaine comme une simple manifestation du "suprémacisme blanc" est donc très réducteur et tend à occulter les causes profondément sociologiques de cette violence.


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