Conférençovore Conférençovore 7 mai 2020 14:01

Très intéressant.

Cette opposition de sujets "je-nous vs tu/ils" est primordiale et puise sa source dans l’origine sociologique des paroliers de cette musique. A l’origine nous avions un mouvement de jeunes issus des minorités noires (et très vite Latino pour les EUA) qui n’avaient comme référentiels musicaux, en terme d’identification, pas grand chose. Ils avaient ce Funk "festif" et assez "commercial’" dans lequel ils ont puisé malgré tout pas mal de sons (d’où le G-Funk), la Soul, le Blues, un Jazz qu’ils ne comprennemaient pas trop et qui était en plus devenu une musique de Blancs, bref en réalité rien qui ne parlait de leur monde à eux. A l’origine ils n’avaient donc rien : pas d’instruments, ce qui est une rupture anthropologique majeure dans la musique (des scientifiques ont retrouvé des instruments de musique datant du paléolithique fabriqués à partir d’os...), du moins aucun instrument qu’ils ne maitrisaient, pas de maitrise d’une langue, pas d’univers corporel (de danse ; le smurf des débuts est franchement risible) et pas grand chose à exprimer si ce n’est un malaise profond. Il faudra plusieurs années pour voir apparaître trois "instruments" : le beat-box, un usage détourné de la platine avec le scratch et le flow, le phrasé en français, trois instruments dont certains on devellopé une véritable maitrise pour le coup, mais plus tard. Aux balbutiements, au début/milieu des années 80, sur le plan instrumental c’est d’une pauvreté sidérante à tous les niveaux. Dans les années 90, il y a eu un net progrès dans les paroles, dans les choix des sons, le flow, la maitrise des platines, l’écriture et la structure des morceaux qui était bien plus travaillée. A mon sens c’est le sommet du rap : Cypress Hill, le Wu Tang, toutes les productions de DJ Muggs, etc. En Fr on a Minister Amer, les 2 premiers NTM, IAM qui va se construire une identité avec un délire autour de l’Égypte antique ("l’école du micro d’argent" est un grand album) et bcp d’autres. Il y avait du talent, une énergie, de la créativité et même ceux qui n’étaient pas friands du style l’admettaient.

J’evoquais l’opposition mais il faut aussi comprendre que cette musique et leurs publics respectifs ont été très vite en opposition unilaterale : le métal, musique très élaborée (pour ceux qui veulent de la haute complexité, écoutez Atheist, Death, Carcass, Benediction, Napalm Death...) et clairement une musique de Blancs, musique avec des instrumentistes incroyables de talent (Dave Lombardo, le batteur de Slayer, va par exemple collaborer avec pas mal de jazzmen par la suite... honnêtement, on a des purs génies dans ce style), des paroles parfois d’une rare finesse (pour les complotards de 2020 : regardez la pochette de l’album Rust in Peace de Megadeth et écoutez cet album : c’est un chef d’œuvre), tout était incroyablement travaillé, des logos aux pochettes d’album en passant par le décorum des concerts (Iron Maiden a donné dans le grandiose à ce niveau), bref ce métal contrastait totalement avec cette musique boom-boom sans mélodie. Et autant les dodos pouvaient apprécier de bons groupes de rap un peu plus fins que les simples zivas-on-nike-tout, autant le métal était et est resté totalement étranger aux "jeunes de banlieues". Il y avait même des paroles très hostiles à cette musique (Salif par exemple) alors qu’il n’existait rien de tel chez les métaleux. Au contraire même puisqu’il y a eut parfois collaboration (Anthrax et Public Enemy, G’n’R avec Cypress Hill, Aerosmith...).

Les métalleux, dans années 80-90, on pouvait en rencontrer parfois dans des concerts de rap. L’inverse était et est toujours rarissime.

Cette opposition peut, attention, cela ne va pas être politiquement correct... se résumer à une question d’intelligence. A mon sens il y a des rappeurs très intelligents (comme Booba) et de grands artistes mais ce sont des mercateux bien souvent et ils ont l’intelligence de comprendre à quel public ils s’adressent. Pour maitriser certains instruments et pour apprécier cette maîtrise, a contrario, il faut une intelligence tout court. Chez les dodos, on trouve du totor pas très fin, mais beaucoup de gens qui écoutent autre chose aussi, dont du classique. La parenté est évidente entre certains groupes de métal et ce style (et pour cause...)... Même des petits groupes comme Sadist ont pondu des monuments comme "Above thé light".

Bref, oui, le rap, en gros depuis la fin des années 90 est redevenu aussi pauvre qu’à ses débuts. Ils semblent tous interchangeables et leur message est globalement malsain (ultra-libéral, amoral, égocentré, primitif et non pas "primaire"). Une musique pour abrutis contemporains toute origine confondue en somme, raison pour laquelle elle est muse en avant.


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