maQiavel maQiavel 20 avril 2020 15:33

@micnet

« Au fond, c’est la dimension universaliste de toute idéologie qui est mauvaise, peu importe l’idéologie. A partir du moment où celle-ci a vocation à s’imposer sur toute la planète, elle est dangereuse ! »

------> Ça me fait penser au conflit qui existe en ce moment entre deux factions féministes : les postcoloniaux d’un côté et les universalistes de l’autre :

-Les féministes postcoloniales reprochent aux féministes universalistes une prétention à rendre valables pour l’ensemble des femmes des traits spécifiques aux bourgeoises occidentales et de condamner à un statut d’infériorité les femmes qui ne se conforment pas à leurs prescriptions. Les féministes postcoloniales affirment que l’expérience des femmes occidentales des classes moyennes supérieures et supérieures n’est pas la situation universelle d’oppression des femmes et qu’il faut prendre en compte la diversité des réalités historiques, géographiques et sociales des femmes. En cherchant à parler au nom de toutes les femmes, les féministes universalistes se seraient mises à proposer des voies d’émancipation calquées sur leur propre situation faussement universelle. Par exemple, l’accent qu’elles ont mis sur le travail salarié comme moyen d’émancipation reflèterait leur appartenance aux catégories sociales les plus élevées puisqu’à l’époque où ces bourgeoises revendiquaient leur droit à être sur le marché du travail et à exercer une activité salariée, d’autres femmes avaient quant à elles toujours travaillé à l’extérieur de leur foyer pour subvenir aux besoins de leur famille ( d’où la célèbre pique d’Audrey Lorde qui demandait aux féministes universalistes « Que faites-vous du fait que les femmes qui nettoient vos maisons et s’occupent de vos enfants pendant que vous participez à des conférences sur les théories féministes sont pour la plupart des femmes pauvres et/ou issues du tiers monde  ? »).

-Ce à quoi les féministes universalistes ( qui se définissent elles aussi très souvent comme de gauche) répondent qu’en raison de leur tendance à rejeter systématiquement la validité de certaines caractéristiques communes aux femmes indépendamment des cultures et des classes sociales, les féministes postcoloniales rompraient avec la tradition des lumières. Pire, du fait de leur valorisation obsessionnelle des particularismes culturels, elles remettent paradoxalement au goût du jour l’imagerie exotique et méprisante que les puissances coloniales plaquaient sur leurs conquêtes. Au nom de l’anti-occidentalocentrisme, les féministes postcoloniales régurgiteraient un essentialisme culturel que la gauche considère comme un socle idéologique de la domination impérialiste. Les féministes universalistes leur reprochent aussi de faire ce que ces féministes postcoloniales les accusent de faire avec les femmes en général, à savoir d’homogénéiser un féminisme universaliste qui se caractérise par sa diversité.

Même si je ne me considère pas moi-même comme féministe, je trouve ce conflit interne au féminisme très intéressant en ce sens qu’il ouvre mon champ de vision sur la notion d’universalisme, il me rappelle par certains aspects le débat qui opposait Claude Levi Strauss qui expliquait que les colonisateurs occidentaux ont baptisé « universel » leur civilisation particulière à ses détracteurs.


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