Norman Bates Norman Bates 30 décembre 2019 12:19

Que de chemin parcouru...de progrès, depuis l’antique écran de cinéma...

La civilisation de l’écran total a ses vertus, prenez le couple usé par vingt années d’épousailles qui va dîner au restaurant...au lieu de se regarder dans le blanc des yeux, de scruter le décor en bredouillant deux-trois banalités pour suspendre le pesant silence, chacun peut se divertir avec son écran, voire prospecter sur quelque site adapté à la recherche du prochain substitut conjugal...

Il me revient en tête ces images d’individus qui se prennent en selfie devant le cercueil de Chirac...le progrès devrait s’étendre jusqu’au cercueil ouvert et le selfie aux côtés de la dépouille...cheeeeeese.. !

Ou ces types qui se filment absolument partout...une fête de mariage, un concert, un match de foot etc...l’important c’est leurs réactions à eux qu’il convient d’immortaliser, comment ils (ne) vivent (pas) l’événement par le prisme du saint écran...

Prenez Peng Shuilin...c’est qui.. ? un flic chinois qui s’est fait couper en deux par un camion...je ne transmets pas le lien parce que c’est franchement gore, les âmes sensibles vont vomir...le mec a les tripes à l’air, il les palpe et comprend sa triste situation car il reste conscient...que font les nombreux badauds autour de lui.. ? ils se bousculent pour avoir la meilleure prise de vue, posséder l’agonie en plein écran...manque de bol (de riz) il survivra...

Je n’endosse pas la panoplie de l’archaïque réfractaire au progrès, n’ayant guère connu le monde d’avant où on allait vers l’écran et pas lui vers nous...les oracles du siècle passé voyaient la machine devenir Homme alors que c’est l’Homme qui devient machine...progressive et indolore colonisation de l’esprit devenu masse pixelisée qui s’efface par l’interface vers les meilleures des ondes...

L’Autre n’est plus qu’une entité abstraite assignée à somnolence, les yeux rivés sur l’écran, les oreilles farcies d’écouteurs, présente physiquement à moins d’être hologramme, mais absente humainement, proie captive de la "toile", du "réseau", ultra connectée au néant et à la désincarnation, en overdose d’octets...

Cette aliénation numérique n’est que confort et douceur, bain de cristaux liquides avec nettoyage-formatage en profondeur, gommage des instincts d’émancipation et de liberté, exfoliant au goût capiteux de capitulation...

Le Maître de la toile vend ces chaînes à l’esclave volontaire fier de sa condition dont il fait étalage...cela explique aussi l’état de notre monde...

Pour finir...j’ai bien conscience de l’aspect paradoxal de ma posture présente, ces mots rédigés les yeux rivés sur un écran...comme un comateux qui gigote encore...


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