maQiavel maQiavel 13 novembre 2019 16:19

@Joe Chip

C’est un plaisir de te revoir ici, j’ai craint qu’on ne t’ai définitivement perdu après la censure honteuse dont tu as fait l’objet.

 

-Les affects et la politique, c’est tout un pan de la philosophie politique qui est discuté depuis des millénaires et sur lequel on pourrait disserter pendant des heures. Pour résumer, ma vision ne consiste pas à faire des ressentis l’alpha et l’oméga de la vie de la cité, c’est une approche dangereuse qui évacue les facteurs, les paramètres, les faits objectivables et qui produit des catharsis menant la cité à la catastrophe. Pour autant, ma vision n’est pas non plus celle d’une cité purgée des affects, des ressentis et des sentiments, c’est là de ma petite perspective une approche naïve qui nait de l’espoir vain d’une réduction définitive de l’irrationnel par le rationnel. Si la nature a donné aux humains l’aptitude faire usage de la raison, il n’en reste pas moins que notre espèce est aussi naturellement irrationnelle, l’esprit humain a la propriété de rendre présent ce qui ne l’est pas et de faire exister dans nos pensées des choses ou des êtres qui n’existent pas, l’homo-sapiens ne peut s’empêcher de mettre le visible en correspondance avec un invisible, de mettre un ici en correspondance avec un ailleurs, un maintenant avec un hier ou un demain en sorte que toute chose vue, sentie ou entendue le renvoie à autre chose. C’est ainsi qu’il est des aspects la vie de la cité qui échappent à l’objectivité et qui relèvent de la subjectivité, qu’elle soit individuelle ou collective (que l’on nomme également intersubjectivité).

 

-C’est pourquoi je ne peux pas être sur ta ligne lorsque tu écris que la société ne peut pas accepter que certains discours politiques soient basés ou construits sur des "ressentis". Et ce que j’exprime là est aussi valable pour tout le monde. Je ne dénie pas le droit à certains de construire un discours politique à partir du ressenti selon lequel les musulmans sont entrain de prendre le pouvoir, de conquérir le France et de conduire à la guerre civile, j’essaie à mon petit niveau de montrer que ce discours paranoïaque ne se base sur rien qui ne soit objectivable, qu’aucun paramètre ne permet aujourd’hui de croire en ce genre d’hypothèse ( cela étant on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait sur le long terme, tout n’est pas prévisible non plus ), mais cela ne change rien au fait que ce ressenti existe. Idem pour ces musulmans qui ont peur, je ne pense pas non plus qu’ils seront traité de façon similaires aux juifs durant l’épopée nazie, cela me semble une projection paranoïaque et irrationnelle, aucun paramètre objectivable n’atteste de la validité d’une telle hypothèse ( même si encore une fois, on ne sait jamais sur le long terme). Mais ce ressenti là existe.

 

-Mon propos ici ne consiste pas à valider ces ressentis. Je ne les condamne pas non plus (il est normal que certains essaient de donner aux peurs une expression politique et de construire un discours autour de ces peurs et il est aussi normal de contredire ces discours mais je ne trouve pas pertinent de condamner la peur elle-même ). Je constate leur existence et j’essaie de les comprendre. Et ce faisant, j’arrive à saisir que le contexte mène les uns et les autres à ressentir ce qu’ils ressentent. Il y’a eu des tueries faites au nom de l’islam qui ont mené à des centaines de morts, il existe des réseaux islamistes qui veulent réellement prendre le pouvoir et des conceptions de cette religion très dangereuses, le tout sans parler de pratiques se réclamant de l’islam qui sont de plus en plus visibles. Je peux comprendre que des gens aient peur d’une prise de pouvoir des musulmans et de l’émergence d’une société régie par la charia. De la même manière, il y’a une hostilité de plus en plus grande vis-à-vis certaines pratiques musulmanes qui se répercute sur les musulmans, il y’a des discours guerriers sur une Reconquista qui étaient jusque-là cantonné à certaines mouvances mais qui sont de plus en plus audibles, de plus en plus d’assimilation des individus de confession musulmane à des troupes d’occupation qu’il faudrait combattre et des rhétoriques qui rappellent étrangement la première moitié du siècle passé, je peux comprendre que certains musulmans aient peur de subir un jour un sort funeste. Je ne les valide pas, je ne les condamne pas, je comprends ces ressentis.


PS : pour ne pas s’attarder sur l’usage du terme « radicalisation », on peut parler de durcissement du discours antimusulman si tu veux.



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