Daruma 22 août 2019 13:07

@Étirév 

Raisonnement qui se tient, en apparence, mais cette belle structure – belle en apparence par sa simplicité au doux parfum totalitaire – repose sur des fondements qui sont faux. Je n’ai pas envie de réfuter tes paralogismes et tes affirmations péremptoires galité réduite à l’absence de différences, démocratie qui ne peut s’instaurer que là où la pure intellectualité n’existe plus, une élite qui ne peut être qu’intellectuelle, l’exemple des cathares, le parallèle avec les gilets jaunes plus que douteux, etc). Mon message serait trop long. On est d’accord sur un point : les fausses élites. Mais pour le reste, je me demande si tu mesures la portée de tes propos. Visiblement, tu viens de lire René Guénon et tu fais un effet d’ancrage. Ton but était de trouver une caution intellectuelle à ton anti-démocratisme (pour rester poli). De plus, je ne trouve pas très honnête de ta part de ne pas clarifier la notion d’intellect chez Guénon, qui n’est pas intellectuelle au sens courant du terme mais spirituelle. La confusion te permet sans doute de te convaincre toi-même.

Puisque tu n’as pas clarifié ce terme, je vais partir de son acception courante pour écarter rapidement l’hypothèse d’une élite de savants et d’intelligents, et me pencher sur la notion d’élite en tant que telle. Nous n’avons pas affaire à un déficit d’intelligence ou de compétence mais à un déficit de sagesse, d’honnêteté et d’altruisme. Un Luc Ferry est très intelligent et très savant, pourtant il voulait faire donner l’armée contre les gilets jaunes. N’oublions pas la phrase de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Une élite intellectuelle n’est pas la solution, c’est même dangereux. Je ne vais pas m’attarder sur ce point tant cela me semble évident. Ce qui m’intéresse c’est de critiquer la notion d’élitisme, même dans le cas d’une élite idéale. Imaginons donc une élite non pas intellectuelle mais spirituelle, dotée de plus de conscience que de science. Une élite, donc, composée d’individus d’un haut niveau d’évolution spirituelle. Je ne parle pas de religion en tant qu’institution, je parle de spiritualité et donc d’individus, qu’ils soient adeptes d’une religion ou pas. Cela me fait penser à un roman de Frédéric Lenoir, dont j’ai oublié le titre. Imaginons une élite de sages authentiques, qui ne sont attirés ni par l’argent ni par le pouvoir, des sages qu’aucun désir terrestre ne saurait détourner du bien commun. Une telle société serait probablement harmonieuse et globalement vertueuse au moins dans les grandes orientations politiques, ce qui serait déjà, je te l’accorde, un immense progrès, une immense évolution par rapport à ce que nous avons aujourd’hui. Eh bien malgré ça je pense que ce ne serait pas la meilleure société possible. Pourquoi ? Parce que l’évolution spirituelle ne se décrète pas. Je pense que si les grands sages ont toujours choisi de ne pas prendre part aux affaires du monde ni à la chose publique, ce n’est pas seulement parce qu’ils pensent que le pouvoir temporel corrompt et qu’il les éloignerait de leur voie. C’est surtout parce qu’ils savent que l’humanité n’est pas prête à faire un tel saut qualitatif d’évolution, et parce qu’ils savent qu’il est inutile et même néfaste de vouloir provoquer par la contrainte ce saut qualitatif. Que serait, en effet, une société dans laquelle les individus seraient pris en charge, tels des enfants, par des sages qui savent ce qui est bon pour eux ? Il n’y aurait pas d’évolution individuelle, et le Bien (pour faire court) trahirait sa vocation qui est d’être atteint non pas par la contrainte, ni par une adhésion de confiance infantilisante, mais par une transformation de la personne. Je pense donc que la démocratie est le seul moyen de responsabiliser les individus et de les faire progresser à partir de là où ils sont et en respectant leur liberté de choix (chose absolument fondamentale dans toute véritable spiritualité), mais aussi qu’elle est le seul moyen de mobiliser l’intelligence collective. Je crois davantage en l’intelligence collective et participative qu’en l’intelligence d’une poignée d’individus – aussi intelligents et experts soient-ils – gouvernant du haut de leur tour d’ivoire. Je crois aussi en une évolution faite d’erreurs, d’expérimentations et d’affrontements de points de vue qui seront surmontés par la discussion et le débat et validés ou invalidés par l’expérience. Le progrès vers une société meilleure sera peut-être plus lent, moins linéaire, mais il sera plus authentique, moins factice.


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