Joe Chip Joe Chip 2 octobre 2018 12:04

La France est dirigée par une caste de hauts-fonctionnaires qui ont progressivement pris le pouvoir à partir du milieu des années 70. Je pense que c’est un des principaux problèmes que nous avons puisque cette caste s’auto-reproduit à la tête de l’Etat en se dissimulant derrière le concept de "méritocratie républicaine" ("vous n’avez qu’à passer les mêmes concours que nous"). On voit d’ailleurs très bien qu’ils sont tous produits dans le même moule et issus du même milieu sociologique. Si Bourdieu, qui a dit et écrit beaucoup de conneries, a été progressivement marginalisé dans la vie des idées en France, c’est aussi parce qu’il dénonçait les mécanismes cognitifs de cette reproduction sociale au sommet de l’Etat. 

 
Contrairement à un certains cliché répandu à droite, beaucoup, peut-être une majorité, proviennent de province et de la bonne bourgeoisie catholique : Macron en est le produit et l’amitié étrange que lui voue un Philippe de Villiers tout comme l’intimité qu’il revendique avec lui montre bien que les clivages classiques (gauche-droite, conservateur-progressiste) n’empêchent pas une certaine forme de solidarité qui passe par une reconnaissance mutuelle et instinctive typique des castes.

L’élection de Macron a d’ailleurs été interprétée par beaucoup comme un coup d’Etat légal organisé par la haute administration qui était excédée de voir les politiques reculer devant l’application des "réformes". 

Ce sont eux qui ont organisé et mis en place la grande braderie de la base industrielle française ; eux qui passaient des cabinets ministériels à la tête des grandes entreprises publiques pour conduire des politiques industrielles désastreuses sous couvert de "rationalisation" et de "réorganisation" ; eux qui n’ont pas conduit en réalité les "réformes" qui auraient permis la modernisation de l’outil de production et surtout la réorientation de l’épargne vers ce tissu industriel. 

Leur idéologie qui pouvait paraître nébuleuse et difficile à saisir il y a quelques années est devenue très claire sous la présidence Macron et se décline sur plusieurs axes :
- technocratie hybride (centralisation et étatisme sur le plan administratif, idéologie de type néolibérale sur le plan économique)
- conviction que le peuple français est collectivement porteur d’une culpabilité historique - inscrite pour les uns dans la Révolution, pour les autres dans l’affaire Dreyfus et la collaboration - débouchant sur une idéologie du "changement", une idéalisation de l’Europe et une "pédagogie démocratique"devant s’exercer naturellement du haut (éclairé) vers le bas (récalcitrants, cyniques...) de la société. Sur ce plan, l’héritage du catholicisme est à mon avis fondamental pour comprendre cette culture paternaliste et ce côté néoclérical des élites françaises (Richelieu, Talleyrand).
- alignement par défaut mais problématique sur Berlin (Europe) et Washington (monde) ; problématique car contrarié par la volonté de l’Etat de perdurer en tant que puissance, d’où cet aspect fréquemment schizophrénique de la politique économique et étrangère française, hésitant entre l’Elysée et le Quai d’Orsay, entre la prise en compte des intérêts de puissance de la France indispensable à la continuation de l’Etat et des politiques, pour une part subies mais aussi consenties, qui sapent les fondements même de cette puissance.

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