Joe Chip Joe Chip 26 juillet 2018 00:48

@attis

L’attitude de la presse est assez surprenante en effet. Les hauts fonctionnaires et la hiérarchie policière et militaire ont encore du poids en France, mais j’imagine mal qu’ils puissent convaincre l’ensemble des médias de se lâcher de cette façon. Peut-être a-t-il déplu à une fraction des "1%", en effet.

Macron est un néolibéral. Après avoir maté les militaires (démission du général De Villiers) et mené sa réforme du code du travail au pas de charge, il a sans doute cru pouvoir avancer toutes ses réformes en balayant au passage les résistances jugées dérisoires et obsolètes des corporatismes qui gèrent encore une bonne partie du pays (grands syndicats, audiovisuel public, association des maires de France choyés sous Sarko et Hollande, franc-maçonnerie...)  

Puis les premiers échecs sont arrivés sur le plan européen et international (rejet de ses réformes fédérales par Merkel et les pays du nord, rebuffades de Trump et séquence "époussetage" à la Maison Blanche), remettant en cause l’aura d’audace et de modernité sur laquelle capitalisait beaucoup la com’ élyséenne pour pallier l’inexpérience de ce jeune président.  

Mais à mon avis c’est l’enchaînement rapide de trois dossiers qui expliquent le retournement des médias et d’une partie des élites françaises :

1) Le rejet du plan Borloo pourtant commandité par Macron qui prévoyait notamment de réinjecter a minima 50 milliards dans la politique de la ville. Cette décision, justifiée par une communication provocatrice ("ça n’a aucun sens que deux mâles blancs ne vivant pas dans les quartiers s’échangent un rapport") lui a mis à dos tous les élus de banlieue, toute tendance politique confondue. Macron avait déjà perdu la France profonde et les retraités. Difficile de diriger le pays en s’appuyant seulement sur les cadres des centre-villes et les mieux lotis. 

2) L’hypocrisie patente sur l’accueil des migrants, Macron donnant des leçons aux populistes italiens tout en refusant d’accueillir davantage de migrants en France au titre du droit d’asile, par simple calcul électoral (impossible de se mettre à dos 60% de l’électorat opposé à l’accueil des migrants). Or, cette posture a brouillé son image de libéral centriste et humaniste dans les médias, notamment étrangers, qui influencent beaucoup la perception qu’ont les élites françaises de leur propre pays. De plus, les milieux économiques restent largement favorables à l’immigration, sous toutes ses formes.

3) Selon certaines sources, le discours des Bernardins d’avril 2018 aurait créé de profonds remous au sein de la franc-maçonnerie française en jetant le doute sur la personne même de Macron, soupçonné de vouloir revenir sur la loi de 1905 et réinstaurer le lien entre l’Etat et la religion catholique.

Les critiques émises à voix haute dans les médias par des macroniens de la première heure "déçus" comme Attali et Minc (qui est allé jusqu’à avertir Macron d’un "risque d’insurrection") ont sans doute envoyé le signal de l’ouverture de la chasse.  

Le montage politico-médiatique de l’affaire Benalla a ensuite été clairement orchestré par la France Insoumise, Mélenchon, ennemi juré de Macron, se trouvant politiquement à la croisée des mécontentements exprimés au cours des dernières semaines (rejet du plan banlieue, rejet de l’accueil des migrants, doute sur la laïcité) au sein de l’intelligentsia et d’une partie des élites françaises.

Reste à voir si cela va durer ou s’il s’agit, comme c’est probablement le cas, d’un avertissement envoyé à Macron pour l’inciter à "normaliser" sa présidence et renoncer à certaines réformes. 


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