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Des articles annoncent régulièrement que telle ou telle entité a mis en place LA CHARIA. L’usage du déterminant « la » démontre l’ignorance des journalistes quant à la signification véritable de ce « mot magique », car cet emploi donne de la légitimité à ces groupes et États.
Extraits :
Présent qu’une seule fois dans le Coran, le terme sharî’a renvoie à l’idée de « chemin vers la Source », mais dans sa pratique courante, depuis l’apparition des grands corpus juridiques au VIIIème siècle, il désigne une « interprétation de la Loi divine ». Les interprétations (comme les chemins) ne peuvent être uniques, puisque chaque théologien diffère dans son approche des textes considérés comme sacrés.
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Cet aperçu montre que l’utilisation dans le langage courant de l’expression « la charia » est au mieux erronée, au pire manipulatrice. La volonté d’incorporer ce mot arabe au français s’explique par l’absence d’équivalent transcrivant ces idées. Mais, lorsqu’il quitte le champ restreint des personnes comprenant cette notion, pour se retrouver dans le langage médiatique, la puissance de ce concept n’est pas même effleurée. Ceci principalement pour deux raisons.
La première venant de certains musulmans qui à des fins rhétoriques, utilisent le terme « al-sharî’a »
sans donner de précisions supplémentaires. Bien souvent, ils ne font
que sous-entendre que c’est selon leur interprétation de la Loi divine.
Quand on analyse leurs discours ou traités, on remarque l’importance des
références. Ces arguments d’autorité montrent qu’un choix s’est opéré
et qu’il s’agit bien de l’interprétation de ces personnes souvent issues
des voies juridiques les plus récentes.
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La seconde raison est que cet art rhétorique est pris au pied de la lettre par nombre de media qui vont y puiser quelques phrases en s’imaginant que « la charia dit cela ». Cette propagande s’explique par l’opportunisme de certains leaders d’opinion, qui dans un relent du combat positiviste contre les religions exècrent la logique de recherche de Lois divines, donc de connaissances irrationnelles (dans le sens « au-dessus de la raison humaine » de St Augustin). Ainsi, en promouvant une image détestable de « LA charia », les musulmans n’osent avouer s’inspirer d’une sharî’a, s’ils ne veulent pas être soupçonnés de comportements « barbares ». L’article défini « LA » en masquant la complexité du concept interfère dans une lutte contre les religions. Comme souvent, cette entreprise poursuivie par des désinformateurs malintentionnés est reprise par des individus mésinformés qui popularisent ce choix de conserver le mot arabe par exotisme et non pour sa pluralité de sens. Ainsi, il ne faut pas tomber dans le piège de leur accoler le barbarisme « islamophobe », car ce serait méconnaître le cheminement d’une désinformation, où bien souvent l’instigateur est caché et le manipulé est de bonne foi.
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