Joe Chip Joe Chip 23 février 2017 16:20

Onfray semble oublier qu’il y avait des juifs hellénisés - qui parlaient grec et qui avaient intégré l’héritage de la philosophie grecque - bien avant "l’invention" de Jésus Christ (qu’il confond avec Jésus de Nazareth, dont l’existence est bien avérée, mais passons sur ce point). C’est ce groupe qui, sous l’impulsion de Paul, a entrepris la conversion des premiers païens. Les quatre Evangiles sont par ailleurs rédigées en grec, pas en hébreu.
Après la mort de Jésus, il y avait ainsi deux groupes de chrétiens à la fois complémentaires et antagonistes : le groupe des judéo-chrétiens de Jérusalem constitué autour de Pierre et des apôtres, qui végétaient et se heurtaient à l’indifférence des juifs majoritaires, et le groupe des hélléno-chrétiens qui rassemblait les juifs hellénisés et les païens convertis de l’Empire, et qui était de loin le plus dynamique des deux.
Des tensions apparaissent rapidement entre ces deux groupes car les judéo-chrétiens - qui ont au départ une légitimité spirituelle que Paul ne peut pas revendiquer, n’ayant pas connu le Christ - développent une expérience de vie communautaire radicale et utopique inspirée par la vie de Jésus (abolition de la propriété privée, partage des biens...) qui est relatée dans les Actes des Apôtres. A l’inverse, les héléno-chrétiens rejettent le sectarisme communautaire des judéo-chrétiens et prônent l’intégration et la participation des croyants à la vie de la cité, sur le modèle civil gréco-romain. 
Mais il y aussi une crise interne au judéo-christianisme qui peine à convaincre le reste de la société juive du fait de sa radicalité. Pierre n’a pas le charisme ni l’éloquence de Jésus et le groupe assure difficilement sa subsistance matérielle, dépendant de plus en plus des hélléno-chrétiens. Paul organise ainsi une collecte à travers l’Empire pour "renflouer" les chrétiens de Jérusalem et en profite habilement pour prendre le pouvoir et renforcer le caractère autoritaire de l’Eglise naissante. Les chrétiens doivent se soumettre à l’autorité politique. Ils doivent contribuer par leur travail à la prospérité de la communauté. L’idéal évangélique doit être réservé à la vie intime et familiale. 
Quant au judéo-christianisme historique, il disparaît rapidement après la chute du Temple et la reprise en main du judaïsme par les Rabbins. Le judéo-christianisme civilisationnel revendiqué par Onfray est une notion beaucoup plus tardive qui apparaît durant le Moyen-Age, précisément au moment où l’Islam se répand dans une partie de l’Europe. L’expérience des Croisades matérialise ainsi une volonté générale de renouer avec une identité profonde en retournant au berceau du christianisme. Ce retour aux sources est d’autant plus justifié que l’Islam prétend "corriger" la religion judéo-chrétienne en se présentant comme un monothéisme pur (ce qu’il n’est pas, la tradition musulmane ayant assimilé de nombreux éléments et lieux associés aux cultes pré-islamiques, tout comme le christianisme l’a fait en Europe en absorbant la culture païenne). L’épanouissement de la civilisation monastique marque également une renaissance de l’utopie évangélique des judéo-chrétiens.
Bref, sans nier la notion de judéo-christianisme, on ne peut pas non plus s’en servir pour contester les racines hélléno-chrétiennes de la civilisation européenne. 

Par ailleurs, quand il affirme qu’Hitler était catholique et que c’est pour cette raison que l’Eglise a massivement collaboré avec les nazis, c’est un énorme contresens car les chiffres des élections en Allemagne dans les années 20 et 30 montrent exactement l’inverse, à savoir que les catholiques de l’Allemagne rhénane ne votaient pas pour le partir nazi, à la différence des protestants de l’Allemagne prussienne qui soutenaient massivement le parti hitlérien. 
Par ailleurs, les cadres nazis les plus zélés ont eu des velléités de persécution envers les catholiques qui s’opposaient à la politique sociale du régime, notamment la répression et l’ostracisme des individus "asociaux". 
Ce qui est vrai, c’est qu’Hitler cherchait à se concilier l’autorité romaine (donc le Pape et les évêques) car il rêvait à une restauration impériale de l’Allemagne, dont le modèle éternel était Rome.

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