Joe Chip Joe Chip 27 mars 2015 13:57

A force de répéter que nous vivons sous une dictature atroce, que la Russie voire la Corée du Nord sont les vrais pays "démocratiques", etc., certains finissent vraiment par soutenir des contre-vérités indécentes mais révélatrices du cynisme démocratique engendré par le confort de vie dont nous jouissons dans les pays occidentaux (qui demeurent malgré tout très riches du point de vue collectif).

La fabrique du consentement collectif est dans la nature même des systèmes démocratiques. C’est le pendant de la propagande officielle dans les dictatures. Nous échangeons quotidiennement une partie de notre liberté individuelle contre une certaine forme de domestication et de passivité existentielle. Toqueville avait déjà entrevu ce "travers" inhérent aux sociétés démocratiques dans la démocratie américaine naissante. Il constatait stoïquement que l’Occident avait quitté le monde des héros, des guerriers et des saints pour entrer dans celui de la coopération pacifique et mutuellement profitable entre citoyens "libres et égaux" : entrepreneurs, travailleurs, etc. De son point de vue, ce changement de paradigme était non seulement inéluctable (car lié aux innovations juridiques et matérielles) mais globalement positif. Il n’y avait donc pas lieu de le regretter ou de de le combattre mais de veiller à ce que les tares encouragées par la vie démocratique et le libéralisme - comme la passion utile mais excessive des masses pour l’égalité - soient encadrées et limitées par le législateur, conception typique de l’état d’esprit de la bourgeoisie du XIXème siècle.

On a tout à fait le droit d’estimer que ce troc plus ou moins conscient et délibéré entre sécurité matérielle et existentielle, d’une part, et la liberté individuelle d’autre part, est infamant et contraire à la nature profonde de l’être humain qui, selon Nietzsche, doit s’accomplir dans le dépassement permanent de sa condition et l’affirmation positive de sa liberté. Mais dans ce cas il ne faut pas rester dans le registre de la déploration stérile et prendre sa vie en main : il y a encore aujourd’hui des gens qui ont des parcours individuels singuliers et qui transcendent ce confort anesthésiant de la démocratie. C’est ce qu’a fait Rimbaud en quittant la France pour épouser la "vraie vie" et devenir trafiquant d’armes en Afrique. Bon, il n’a pas fait long feu mais il a entre-temps assumé pleinement sa condition d’animal noble et solitaire ne comptant que sur ses propres moyens pour exister. 

Donc j’ai parfois envie de dire à tous ceux qui ne supportent plus de vivre dans une démocratie occidentale qui les oppresse mentalement, qui les censure, qui les conditionne, de quitter le pays, tout simplement. Quittez ce monde triste du salariat et de la médiocrité généralisée. Partez à l’aventure.


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