ffi 25 février 2015 15:38

@JL
Je n’ai jamais parlé d’heuristique, vous faites erreur. J’ai parlé de synthèse, laquelle n’est pas à proprement parler, si j’en juge la définition donnée par wikipédia du terme heuristique, un "raccourci cognitif (...) utilisé par les individus afin de simplifier leurs opérations mentales dans le but de répondre aux exigences de l’environnement"... Une synthèse, c’est plutôt un travail fastidieux et harassant, extrêmement long, qui implique de comparer, parmi un ensemble de faits, tous ses éléments termes à termes en vue d’estimer ce qui les rapproche ou ce qui les distingue. Le nombre de comparaison à pratiquer est donc n !/2, n étant la cardinalité de l’ensemble, ! notant la factorielle. Vous voyez que ce nombre de comparaisons tend rapidement vers de très grands nombres à mesure que l’ensemble considéré grandit.

 

Pour illustrer, je vous citerai Leibniz (cf ici) : "29. Mais la connaissance des vérités nécessaires et éternelles est ce qui nous distingue des simples animaux et nous fait avoir la Raison et les sciences ; en nous élevant à la connaissance de nous-mêmes et de Dieu".

 

Ici, les vérités nécessaires et éternelles sont toute généralité qui permette de fonder quelque théorie, pour servir de prémisses à ses déductions. Or, vous savez bien que la réalité ne manifeste pas de généralités, mais seulement des faits. Pour parvenir à ces généralités, il faut donc prendre de la hauteur par rapport aux faits, les comparer terme-à-terme pour déterminer ce qui les rapproche et ce qui les distingue. Ceci est un travail de synthèse. Evidemment, cette synthèse ne peut être totale (c’est du combinatoire), au bout d’un moment, harassé, forcément on s’arrête, et il faut faire des choix "raisonnables" (raisonnable, au sens qu’il a dans le mode de raisonnement d’induction).

 

Raisonnable, car il peut y avoir des chausses-trappes : par exemple, si après le passage d’une comète, il y a un séisme, la comète n’est pas nécessairement la cause du séisme, cela ne peut être qu’une coïncidence. La succession rapprochée dans le temps entre deux faits n’est pas toujours le fait d’une causalité, mais n’être qu’une simple contingence. Ainsi, les généralités que l’on tire d’une synthèse sont-elles toujours à prendre avec prudence : leur valeur de vérité n’est jamais certaine.

.

Ainsi, toutes généralité, qui est une tentative d’élévation vers Dieu (selon ce que dit Leibniz), comporte un certain degré d’incertitude. Par conséquent, cela réduit à néant l’affirmation selon laquelle le raisonnement déductif est rigoureux, puisque celui-ci s’appuie toujours sur des prémisses, lesquelles sont toujours formées par induction, donc comportent toujours un certain degré d’incertitude.

 

Puisque la volonté de Dieu est incertaine, intégrer "moyennant la volonté de Dieu" dans chaque prémisse, permet de marquer l’existence de cette incertitude, que l’on ne peut alors plus l’ignorer.

 

Mais en effet, voici un point qui m’accorde à vous : toute prémisse est un dogme. La synthèse étant nécessairement non exhaustive, il y aura toujours des choix à faire pour l’établir, choix que l’on fera toujours selon son opinion (grec : dogma = opinion) que l’on jugera "raisonnable".

 

Mais c’est après ce point que vous vous trompez : la science aussi a ses dogmes, elle ne pourrait faire autrement étant donné l’impossibilité de réaliser des synthèses exhaustives : dualité onde-corpuscule, photon, quarks, big-bang, ...etc, autant de choix opérés au vu d’un petit échantillon de faits, choix que l’on se tient pour dit et qui servent de point de départ aux déductions (prémisses), mais que l’on tient susceptibles d’être remis en cause en cas de fait manifestement contradictoire (en théorie surtout, pas tant que ça en pratique).

 

J’entends bien aussi que vous dites que la science cherche à étayer ses dogmes.

 

C’est vrai. Cependant, ce serait une erreur de partir du principe que cette manière scientifique d’étayer les dogmes soit applicable par quelqu’un dans sa vie de tous les jours. Certes, on apprend par l’erreur. Mais, en science, l’expérimentation peut être faite dans un environnement contrôlé autant que possible, en ne variant qu’un paramètre à la fois, ce qui n’est pas le cas d’un acte qui serait fait par quelqu’un dans le monde qui l’entoure : une erreur peut se payer très cher, elle peut porter à des dommages irréversibles. Le monde n’est pas ce genre de tube à essai qui permette de tester la validité de nos opinions. Le monde n’est pas notre cobaye. [Voire... Peut-être Dieu a-t-il plongé l’humanité dans le monde comme on plongerait une substance dans un tube à essai ? Bref.]

 

Il s’ensuit que l’on ne peut vivre en pratique selon la méthode scientifique : ce genre de transposition n’est pas possible, ce n’est pas fonctionnel. On ne peut pas tenir ses opinions comme certaines à priori, quitte, en cas d’erreur, à en changer ultérieurement, comme le fait la science. L’irréversibilité de l’acte l’empêche. Cela oblige à la prudence.

 

Par conséquent, pour la vie pratique, il convient d’intégrer dans nos prémisses, c’est-à-dire dans nos dogmes, c’est-à-dire dans nos opinions, une certaine part d’incertitude, rôle que tient traditionnellement la volonté de Dieu, dont les voies sont impénétrables dit-on, vu comme ce reste de détermination qui nous est inconnu, car au-delà de nos capacités de compréhension.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe